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COSMOGONIE MOSAÏQUE


et a de si faibles titres à être mise sur le même pied que les grandes époques géologiques, que les savants anglais en ont fait une simple annexe de la période pliocène, la dernière des temps tertiaires, et l’ont appelée pour ce motif postpliocène.

L’accord si remarquable que nous venons de constater entre la cosmogonie biblique et l’enseignement de la science a frappé, nous l’avons déjà dit, beaucoup de savants. La suite chronologique des événements est exactement la même de part et d’autre, observe un Allemand, Pfaff, dans sa Schôpfungsgeschichte, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1877, p. 741. « Le chaos primitif ; la terre couverte d’abord parles eaux, émergeant ensuite ; la formation du règne inorganique suivie du règne végétal, puis du règne animal, qui a pour premiers représentants les animaux vivant dans l’eau, et après eux les animaux terrestres ; l’homme apparaissant le dernier de tous : telle est bien la véritable succession des êtres ; telles sont bien les diverses périodes de l’histoire de la création, périodes désignées sous le nom de jours. » En face d’un pareil accord on est tenté de s'écrier avec Ampère : « Ou Moïse avait dans les sciences une instruction aussi profonde que celle de notre siècle, ou il était inspiré. »

Le tableau ci-dessous résume ce que nous venons de dire sur la manière dont nous comprenons l’identification des deux cosmogonies scientifique et biblique :

traduit de la sorte, a un sens plus large encore. Nous en trouvons la preuve dans la Bible elle-même, qui l’emploie souvent dans un sens figuré. Voir notamment Gen., il, 4 ; Exod., x, 6 ; Lev., vii, 35 ; Num., vii, 10 ; Deut., IX, 24. On se demande du reste pourquoi les trois premiers jours eussent été des jours de vingt-quatre heures. C’est, en effet, le soleil qui règle la durée dé nos jours ordinaires ; or, d’après l’interprétation commune, il n’existait point encore à cette époque. Mais si ces premiers jours n'étaient pas de vingtquatre heures, pourquoi les suivants le seraient-ils ?

Il est d’usage d’invoquer la tradition à rencontre du système concordiste. Les Pères et les docteurs de l'Église ont toujours, nous dit-on, pris le mot jour de la Genèse dans son sens littéral. Nous répondrons qu’il y a à cette règle de nombreuses et imposantes exceptions. Saint Augustin, saint Thomas et bien d’autres sont du nombre. Voir Vigouroux, La cosmogonie mosaïque d’après les Pères de l'Église, dans les Mélanges bibliques, 2e édft., 1889, p. 95-101 ; Motais, Origines du monde d’après la tradition, 1888. Nous pouvons ajouter que si la tradition chrétienne est divisée à cet égard, la tradition païenne ne l’est guère. Les Phéniciens, les Perses, les Hindous, les Chaldéens, les Étrusques, etc., ont cru à la division de la création en périodes et généralement en six périodes de longue durée. N’est-ce pas nous dire qu’il faut entendre

CONCORDANCE DES DEUX COSMOGONIES

1° SCIENTIFIQUE

ÉPOQUES

Cosmique. Azoïque..

Primaire..

Secondaire..

Tertiaire. … Quaternaire..

PERIODES

Id. Id.

i :

cambrienne.

silurienne

dévonienne. carbonifère.

permienne.. triasique… jurassique.. crétacée… éocène… miocène… pliocène… postpliocène.

inférieure. supérieure.

2° BIBLIQUE

Premier jour.. Deuxième jour.

Troisième jour. Quatrième jour. Cinquième jour

Sixième jour..

)

CARACTÈRES COMMUNS

| Création de la matière à l'état gazeux.

} Apparition de la lumière.

j Transformation d’une partie des va > peurs en eaux qui entourent la terre

) entière ; formation de l’atmosphère.

I Émersion des continents.

| Règne des plantes.

| Apparition des astres.

i Règne des monstres marins, des reptiles aquatiques et des oiseaux.

Règne des animaux terrestres. Création de l’homme.

V. Systèmes concordiste, restitutionniste et idéaliste. — 1° Système concordiste. — L’opinion qui voit dans le premier chapitre de la Genèse une page d’histoire et cherche à la mettre d’accord avec les données scientifiques, comme nous venons de le faire, a reçu le nom de système concordiste ou de système des jourspériodes. Ce dernier nom lui vient de ce que, dans les jours de la Genèse, elle voit non des jours ordinaires, mais des périodes ou des époques d’une durée indéterminée.

Que le mot jour puisse être compris de la sorte, il n’est guère permis d’en douter. Même en français, ce mot est pris parfois dans le sens métaphorique avec une signification analogue ; mais le mot hébreu dv, yôm, qu’on

dans le même sens le mot équivoque employé par l’auteur de la Genèse ? On peut croire que Moïse a employé à dessein un mot qui signifiât à la fois jour de vingtquatre heures et longue période. En tout cas, il n’est pas douteux qu’il se soit proposé de faire de cette semaine divine le symbole et le type de la semaine ordinaire, qui, elle, est véritablement composée de jours de vingt-quatre heures. On comprend donc qu’il ait employé de préférence un mot qui ait les deux sens, lors même qu’il en aurait eu à sa disposition un autre plus précis : ce qui est plus que douteux. Pour toutes ces raisons que nous ne pouvons qu’indiquer, il est évidemment loisible aux exégètes de voir dans les jours de la Genèse des périodes d’une longue durée.