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CORRECTOIRES DE LA BIBLE


sous le nom de « texte parisien », était, au jugement un peu trop exagéré de ce critique, » horriblement corrompu, » et dans les passages où il n'était pas altéré, il donnait lieu à de forts soupçons. Opus tertium, dans Brewer, Opéra qusedam haclenus inedita, t. i, Londres, 1859, p. 92. -Cf. Opus minus, ibid., p. 330, et Opus majus, édit. Jebb, Londres, 1733, in-f°, p. 49. Voir J. P. P. Martin, La Vulgate latine au xme siècle d’après Roger Bacon, dans Le Muséon, t. vii, Louvain, 1888, p. 88-107, 169-196, 278-291, 381-393, et tirage à part, Paris, in-8°, 1888, et Le texte parisien de la Vulgate latine, dans Le Muséon, t. viii, 1889, p. 444-466, et t. ix, 1890, p. 301-316. Les théologiens qui l’avaient adopté ne tardèrent pas à remarquer ses fautes et ses nombreuses altérations et se mirent à le corriger. Leurs essais de correction portent le nom de « correctoires ». Ils sont assez nombreux et ils diffèrent dans les principes, la méthode et les résultats.

Ils se présentent à nous sous deux formes : dans des manuscrits complets de la Vulgate ou dans des manuels distincts. Les premiers correcteurs prenaient un exemplaire du texte courant ; au moyen de signes conventionnels, ils notaient les leçons fautives qu’il fallait omettre ou corriger, et sur les marges ils rendaient raison des modifications proposées : « Est de textu. Non est de textu. Vera est litera. Falsa est litera. » Parfois leurs notes étaient plus étendues et rapportaient les variantes des manuscrits. Plus tard, on copia seulement dans des livres spéciaux les notes critiques de la marge. Ces manuels abrégés, qui suivaient le texte sacré livre par livre et chapitre par chapitre, servaient de guide aux transcripteurs de la Bible. Ces correctoires, dont l'étude a été trop longtemps négligée, ne nous font pas seulement connaître l'état de la critique biblique au xm 8 siècle ; ils nous offrent encore des variantes importantes et des remarques intéressantes.

II. Leur histoire. — Elle n’est pas encore entièrement tirée au clair. Le père Denifle a ramené à treize groupes les trente manuscrits connus. Les principaux sont l'œuvre des Dominicains et des Franciscains.

1° Correctoires des Dominicains. — Ces religieux ont commencé au xiii' siècle à reviser la Vulgate. — 1. Le chapitre général tenu en 1236 parle d’une correction de la Bible commandée aux frères de la province de France, et ordonne que toutes les Bibles de l’ordre lui soient rendues conformes. Le chapitre de 1256 désapprouve la correction faite à Sens, et en interdit l’usage. Martène et Durand, Thésaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. iv, col. 1676 et 1715. Cette Bible de Sens, dont on ignore l’origine, semble avoir peu différé du texte parisien. Le texte du manuscrit latin 17 de la Bibliothèque Nationale de Paris, qui est du xiii 8 siècle, s’en rapproche et répond exactement à presque toutes les citations que le Correctorium Sorbonicum a tirées de la Bible de Sens. On peut en conclure que cette Bible n'était qu’une copie ou au plus une légère retouche du texte parisien, et qu’elle a été mise au rebut dans l’ordre dominicain pour son insuffisance. — 2. Le correctoire qui devait la remplacer était celui de Hugues de Saint-Cher, dont il reste huit manuscrits. Ce religieux, qui savait l’hébreu, l’entreprit alors qu’il était provincial. Son but était d'éliminer les gloses introduites dans la Vulgate et de corriger les passages altérés. Pour l’atteindre, il ne recourut pas aux anciens manuscrits de la version de saint Jérôme, mais aux textes originaux, hébreu et grec. Par la comparaison qu’il établit, il nota les mots et les phrases qui lui paraissaient douteux ou inutiles. Il en résulte qu’au lieu d'être une édition critique de la Vulgate, son travail est plutôt une nouvelle version, faite d’après le texte original. Aussi Roger Bacon le blâme-t-il sévèrement et lejuge-t-il « la pire corruption, la destruction du texte de Dieu ». Opus tertium, dans Brewer, Opéra quœdam haclenus inedita, t. i, p. 94. — 3. Au témoignage du même critique franciscain, Opus majus, édit. Jebb, p. 49, les Dominicains firent, vers 1218, un deuxième correctoire de la Vulgate.

Ce doit être celui qui est parfois noté sur les marges du troisième, dont nous allons parler, sous le nom de Correction du frère Théobald ou Thiébaud. Ses leçons coïncident avec celles du manuscrit latin 17, dont il a déjà été question. Il ressemble donc à la Bible de Sens, et on peut y reconnaître la Correctio parisiensis secunda, citée par le Correctorium Sorbonicum. — 4. On conserve à la Bibliothèque Nationale de Paris, latin 16719-16722, l’autographe d’un troisième correctoire de la Bible, exécuté au couvent de Saint-Jacques de Paris, en 1256. Les principes suivis sont ceux de Hugues de Saint-Cher. L’auteur, qui savait l’hébreu et un peu de grec, a recouru aux originaux et a marqué d’un trait rouge les mots superflus. Des notes marginales expliquent les suppressions et indiquent les variantes. Elles sont moins nombreuses dans le Nouveau Testament que dans l’Ancien. Cf. Richard Simon, Nouvelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, Paris, 1695, 2e part., ch. I, p. 128-141 ; Lelong, Bibliotkeca sacra, Paris, 1729, t. i, p. 239 ; Fabricy, Des titres primitifs de la révélation, 3 « époque, dans le Scriptural sacrée cursus completus de Migne, t. xxvil, Paris, 1843, col. 727-731. Les corrections sont faites d’après le texte parisien, et au lieu d’améliorer la Vulgate, elles la corrompent davantage. Roger Bacon, si clairvoyant dans ses critiques, l’a reconnu et a déclaré catégoriquement que la dernière correction, bien que renfermant beaucoup de notes utiles, contenait plus de faussetés que la première.

Les correcteurs dominicains, malgré leur remarquable érudition, ne pouvaient réussir, faute d’une critique suffisante. Au lieu de recourir aux anciens manuscrits de la Vulgate, ils appliquaient à la correction du texte latin leur connaissance de l’hébreu et du grec, et ainsi ils retouchaient à leur guise la version de saint Jérôme. De plus, ils avaient accumulé, sur les marges ou dans le texte de leurs Bibles, les variantes et les mauvaises leçons dans l’intention de les signaler à la défiance des lecteurs. Ils les avaient pour cela « cancellées », c’est-à-dire raturées avec soin ou soulignées d’un trait rouge ; mais ces signes n'étaient pas toujours compris, et les copistes remettaient bientôt dans le texte les leçons qui avaient été exilées à la marge. Les principes critiques que ces religieux appliquaient n'étaient pas justes, et la méthode qu’ils suivaient était défectueuse. Les résultats ne pouvaient être que désastreux, et de correction en correction le texte de la Vulgate devenait de plus en plus altéré. Il fallait suivre d’autres règles. Roger Bacon les posa, et la famille franciscaine, à laquelle il appartenait, en fit une heureuse application.

2° Correctoires des Franciscains. — 1. Cependant le plus ancien correctoire des Franciscains a été composé à la manière de ceux des Dominicains. Il a été désigné à tort sous le nom de Correctorium Sorbonicum, parce qu’il est reproduit dans un manuscrit du XIIIe siècle, et non du Xe, comme on l’a cru, manuscrit qui a appartenu à la bibliothèque de la Sorbonne, et qui se trouve maintenant à la Bibliothèque Nationale, latin 15554. Ce manuscrit contient deux correctoires complets et le commencement d’un troisième. Le second, dont il est ici question, et qui va du folio 147 au folio 253, forme un groupe à part. Ses gloses marginales et inteiiinéaires ne sont pas originales ; elles sont tirées de travaux antérieurs, de la correctio parisiensis prima, qui n’est autre que le texte parisien, et de la correctio parisiensis secunda, qui est l'œuvre du dominicain Théobald. M. Samuel Berger a cru pouvoir l’attribuer au frère mineur Guillaume le Breton, dont les opuscules sur les Écritures reproduisent des phrases entières du correctoire dit de la Sorbonne. — 2. Un correctoire exécuté suivant les principes et la méthode de Roger Bacon est le Correctorium Vaticanum, ainsi nommé à cause du manuscrit qui en a été le premier connu, le Vaticanuyn lat. 3466. Il en existe huit autres manuscrits, du XIIIe siècle ou du