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CORINTHIENS (DEUXIÈME EPITRE AUX)


résumé, dans tout le cours de la lettre, Paul se propose de prouver qu’il est véritablement apôtre.

2° Les choses ne se seraient pas tout à fait passées ainsi d’après la seconde hypothèse. — La première lettre laisse pressentir que l’autorité et l’influence de Paul 'étaient bien amoindries à Corinthe. Une partie seulement des fidèles lui était restée attachée, et il avait contre lui des adversaires irréconciliables, les judaïsants. Paul, se rendant bien compte de la situation, essaye dans sa première lettre de ramener à lui les indécis, et il déclare qu’il dépend des Corinthiens qu’il aille vers eux avec la verge ou avec amour. I Cor., iv, 21. Cette lettre, quoique très modérée, fit éclater l’orage. L’excommunication qu’il lance contre l’incestueux en vertu de son autorité apostolique, I Cor., v, 1-13, soulève contre lui les judaïsants, et Timothée, qui semble avoir été d’un caractère craintif et peu énergique, I Cor., xvi, 10, et d’ailleurs encore jeune,

I Tïm., iv, 12, ne pouvant apaiser les colères, revient à Éphèse apporter à l’Apôtre ces tristes nouvelles. Celui-ci se rend immédiatement à Corinthe ; mais, chétif d’apparence et peu éloquent, II Cor., x, 10, il ne peut vaincre ses adversaires arrogants ; son autorité est méconnue. Il est même gravement insulté dans l’assemblée publique,

II Cor., Il, 1-10. Il se retire ; mais d'Éphèse il adresse aux Corinthiens une lettre terrible, dont nous le verrons regretter les termes, vii, 8. Inquiet de l’effet produit, il envoie Tite à Corinthe ; mais, toujours plein d’anxiété, il s’avance au-devant de son messager jusqu'à Troade, puis jusqu’en Macédoine. Là il rencontre Tite et il apprend que les Corinthiens ont été affligés de sa lettre, II Cor., vu, 8-11 ; mais qu’ils sont pleins de repentir et d’aCfection pour lui, vii, 7. L’homme qui l’a offensé a été puni, et Tite a été chargé de présenter à Paul leurs regrets de ce qui s'était passé. Paul alors écrit notre seconde lettre.

Trois points sont à prouver pour établir cette hypothèse. 1. Saint Paul a fait à Corinthe une visite entre sa première et sa seconde lettre. Il semble le dire dans II Cor., xm, 1 : « Voici que pour la troisième fois je viens à vous… Je l’ai dit, je le dis d’avance, comme lorsque j'étais présent pour la seconde fois. » Au chapitre xii, 14, il déclare que pour la troisième fois il est prêt à aller chez les Corinthiens. Enfin il nous dit, ii, 1-3, ce qu’a été cette seconde visite : « J’ai donc jugé en moi-même de ne point aller vers vous de nouveau dans la tristesse. » Il avait écrit sa lettre, ii, 2-4, afin qu'à son arrivée il n'éprouvât pas de la tristesse de la part de ceux qui devaient lui donner de la joie. — Quelques exégètes ont supposé que saint Paul faisait seulement dans ces passages allusion aux projets de voyage qu’il avait formés ; mais plusieurs détails, xii, 14, prouvent l’insuffisance de cette interprétation. D’autres pensent que le voyage dont il est question ici aurait été antérieur à la première Épitre ; car il en serait parlé au chapitre xvi, 7, de celle-ci : « Car je ne veux pas cette fois vous voir en passant, » paroles qui ne peuvent se rapporter au premier séjour de Paul à Corinthe, qui dura dix-huit mois.

2. Saint Paul a écrit une lettre entre la première et la seconde que nous possédons. Ce fait ressort encore des paroles de l’Apôtre. II Cor., vii, 8, il écrit : « Si je vous ai attristés dans ma lettre, je ne m’en repens pas ; si je m’en suis repenti (car je vois que cette lettre, du moins momentanément, vous a fait de la peine), je m’en réjouis maintenant, non parce que vous avez été attristés, mais parce que vous l’avez été pour vous repentir. » Qu’on lise encore les passages vii, 12 ; x, 1, 9, et l’on se demandera si ces paroles de saint Paul peuvent bien s’appliquer à la première lettre. Qu’a-til donc écrit qui pouvait autant affliger les Corinthiens, le faire traiter d’homme hardi en paroles et faible dans l’action, x, 10, et surtout que peut-il avoir à regretter dans cette lettre au point de s’en excuser presque ? Il, 4 ; vii, 8. L’Apôtre a donc écrit une autre lettre très énergique, où il flagellait ses adversaires et probablement reprochait aux fidèles leur fai blesse, leur posait une espèce d’ultimatum, ii, 9, et les mettait en mesure de se justifier, vii, 11. — Comment se fait-il, en outre, qu’il ne nous soit rien dit dans la deuxième Épître aux Corinthiens de la mission de Timothée, dont il est parlé à plusieurs reprises dans la première ? L’Apôtre en aurait parlé dans la lettre que l’on suppose. En outre, Tite, qui était inconnu aux Corinthiens, a du emporter une lettre de recommandation. On est allé jusqu'à supposer que cette lettre intermédiaire ne serait autre que la fin de notre seconde Épitre, chapitres x-xm, 11. Hausrath, Das Vier-Kapitelbrief des Paulus an die Corinthier, 1870. Nous verrons plus loin que cette dernière hypothèse n’est pas admissible. Mais que sajnt Paul ait remis à Tite une lettre de recommandation, c’est possible et même probable. Que cette lettre ait été vive et que saint Paul en ait exprimé ses regrets dans les passages sus-mentionnés, c’est encore possible ; mais beaucoup d’exégètes voient dans les passages visés une allusion à la première Epitre, où l’on trouve certes des paroles très sévères à l’adresse des Corinthiens, I Cor., iv, 18-21 ; v, 1-2 ; vi, 8 ; xi, 17-22, et d’autres, que les ennemis de l’Apôtre pouvaient traiter d’arrogantes, ii, 16 ; iv, 1 ; ix, 1 ; xiv, 8 ; xv, 8. Ce serait donc sa première , lettre que Paul aurait en vue dans ces passages, et non une autre, qui n’a jamais été soupçonnée par la tradition. 3. L’homme dont il est question, II Cor., ii, 5-11, n’est pas l’ineestueux, mais probablement un judaïsant, un des prétendus disciples du Christ. Les paroles de saint Paul font, dit-on, allusion à un homme qui l’a directement et personnellement offensé : « Si quelqu’un a causé de la tristesse, ce n’est pas moi qu’il a attristé ; mais, pour ne rien exagérer, en partie vous tous, » ii, 5. — Ce passage ne paraît pas concluant et peut très bien s’appliquer à l’incestueux. Le suivant le serait davantage. « Donc, si je vous ai écrit, ce n’a été ni à cause de celui qui a fait du tort, ni à cause de celui qui a supporté l’offense, mais pour que soit manifesté votre empressement pour nous devant Dieu. » II Cor., vii, 12. On ne voit pas comment se montrerait l’empressement des Corinthiens pour l’Apôtre par la punition infligée au coupable, si Paul n’avait pas été l’offensé. Le texte cependant n’est pas tellement clair qu’on ne puisse l’appliquer, selon l’explication commune, à l’incestueux et à son père, à qui il avait fait injure, et les Corinthiens ont montré leur attachement à l’Apôtre par leur obéissance, en infligeant à l’incestueux la peine que Paul avait portée contre lui. — Le but de la seconde Épître aux Corinthiens reste toujours d’ailleurs tel que nous l’avons exposé plus haut : Paul se justifie des reproches qu’on lui a faits et prouve son autorité apostolique.

II. Date et lieu de la. composition. — La première Épître avait été écrite à Éphèse, au printemps de l’an 57. Vers la Pentecôte, Paul quitta Éphèse, I Cor., xvi, 8, et se rendit à Troade ; n’y trouvant pas Tite, il passa en Macédoine, où celui-ci le rejoignit, lui apportant les nouvelles de Corinthe. Il Cor., ii, 12-13 ; vii, 5, 6. C’est alors que saint Paul écrivit sa seconde lettre, probable. ment vers le mois de septembre 57 ; car, pour que ces | divers événements aient eu lieu, quatre ou cinq mois ont i dû s'écouler entre les deux lettres. L'écrivit-il de Philippes, ainsi que le dit une souscription du manuscrit B et de la Peschito ? C’est ce qu’il est impossible de dire, mais c’est fort possible. — Dans la deuxième hypothèse qui a été présentée, un plus long espace de temps est nécessaire entre les deux lettres, puisqu’il y eut entre elles un voyage de l’Apôtre à Corinthe et une autre lettre ; il faut donc supposer entre les deux au moins l’espace d’un an, ce qui reporterait la date de notre seconde Épitre à l'été de 58.

Les porteurs de cette lettre furent ceux que Paul envoyait à Corinthe pour organiser la collecte pour les 1 pauvres de Jérusalem, viii, 16-24 ; Tite et les deux envoyés I des Églises pour la collecte : le frère dont la louange s’est