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CALVAIRE


crâne, et que dans les divers bouleversements qui ont précédé ou suivi Constantin, on a perdu le souvenir du lieu précis où a été crucifié Notre -Seigneur. Conder développe ces raisons dans un article du Palestine Exploration Fund, Quarlerhj Slalement, avril 1883, p. 69-78, qui a été presque entièrement traduit dans les Annales de philosophie chrétienne, 1883, p. 243-254. En somme, la plus forte de ses affirmations est la suivante : « Toutes les preuves réunies jusqu’ici s’accordent à montrer que le site traditionnel actuel n’était pas en dehors de Jérusalem à l’époque du crucifiement. Tous les écrivains anciens et modernes admettent que cette objection est

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32. — Chamelle ciu Calvaire. Autel du Crucifiement.

fatale à l’authenticité de cet emplacement. » P. 74. L’objection serait fatale en effet, si l’on pouvait prouver que le Calvaire actuel était compris dans l’enceinte de la ville au temps de Notre -Seigneur. Nous avons vu plus haut, II, 1° et 2°, qu’il en était tout autrement. D’autre part, une erreur de la tradition chrétienne sur une question de cette nature est aussi difficile à supposer qu’impossible à prouver. Dans sa réponse à l’article de Conder, 11. Duchesne, Annales de philosophie chrétienne, 1883, p. 451-456, fait cette observation : « Lorsque l’empereur Constantin et sa mère entreprirent, peu après le concile de Nicée (325), de consacrer par des édifices religieux l’endroit précis de Jérusalem où s’était dressée la croix du Sauveur et où avait été creusé son tombeau, on peut croire qu’ils prirent quelques renseignements sur les lieux, qu’ils interrogèrent la tradition, et ne s’exposèrent pas, de gaieté de cœur, aux contradictions des Juifs et des païens. » — « L’Écriture porte que Notre -Seigneur fut crucifié hors de la ville ; le lieu que l’on indiqua à Constantin était de son temps en dedans de l’enceinte ; si l’on

s’était guidé uniquement sur l’Écriture, on n’aurait certes pas choisi cet endroit. » L’argument qu’on tire de la destination antique de cet emplacement n’a pas plus de solidité que le précédent. « Toute la partie positive de la thèse de M. Conder, poursuit II. Duchesne, p. 455, repose sur une pétition de principe. Suivant lui, étant connu le lieu où s’exécutaient les sentences de lapidation, on a par là même le lieu où l’on crucifiait les criminels condamnés à la croix, et en particulier le Golgotha de l’Évangile. Or non seulement il n’est pas prouvé que la grotte de Jérémie fut le lieu des lapidations, ni même qu’il y eût un théâtre unique de ces exécutions ; mais, même en supposant qu’il y en ait eu un, il resterait à dire pourquoi les crucifiements, et en particulier celui du Christ et des deux larrons, doivent avoir eu lieu précisément en cet endroit. » Notons que, plusieurs années déjà avant de recevoir l’adhésion et l’appui de Conder, cette thèse était ruinée par la découverte des cavernes royales, dont l’emplacement fixe celui du mur d’Hérode Agrippa, et par celle des assises de la seconde enceinte, en deçà du saint Sépulcre. Voir Carrière. — Le calvaire de Gordon a encore aujourd’hui des partisans parmi les protestants. Son authenticité ne semble soulever aucun doute pour Haskett Smith, qui a refondu et réédité le Handbook for travellers in Syria and Paleslina de Murray, Londres, d892, p. 73-76. Il n’ajoute pas de raisons nouvelles à celles de Conder et fait grand fonds sur les traditions actuelles des Juifs, comme si ces derniers n’étaient pas intéressés à égarer la piété chrétienne. Nul n’ignore d’ailleurs qu’à partir de l’année 70, les Juifs furent pendant longtemps tenus à l’écart de la ville sainte, et qu’en conséquence leur tradition a subi une interruption que n’a point connue la tradition chrétienne. En réalité, cette opinion nouvelle ne repose sur aucun document ancien, ce qui suffit pour en démontrer la fausseté.

2. Plus singulière encore est la théorie de Fergusson. D’après lui, Notre -Seigneur aurait été crucifié sur les pentes du Moriah, et enseveli dans le caveau de la Sakhrah, que recouvre actuellement la mosquée d’Omar, ou Dôme-du-Rocher. Cette mosquée ne serait elle-même que l’ancienne basilique de Constantin. Dans cette hypothèse, la partie méridionale du Moriah aurait seule été occupée par le temple des Juifs. Il serait difficile à un système topographique d’avoir contre lui plus d’impossibilités.Voici seulement les principales. ° L’aire du temple d’Hérode était identique à l’esplanade actuelle du Haram ech-Chérif, « le sanctuaire noble ». Il est impossible que les Juifs aient laissé ensevelir le Sauveur à un point quelconque de cette enceinte. — 2° Les conquérants musulmans n’ont jamais cru posséder, dans la roche es-Sakhrah, le tombeau de Jésus-Christ. Cette roche, si vénérée par eux, forme une sorte de crypte, percée en haut d’un trou semblable à l’orifice d’une citerne, et pavée d’un dallage qui, à un endroit, résonne sous les pas. Il existe sous les dalles un canal souterrain, que les musulmans appellent le puits des Ames. Cette cavité n’est probablement rien autre chose qu’une ancienne citerne du Jébuséen Oman. Tout porte à croire que dans l’ancien temple l’autel des holocaustes était posé au-dessus de cette citerne, et que les eaux et le sang des victimes s’écoulaient jusqu’au Cédron par le canal qu’on avait pratiqué dans les substructions. Voir V. Guérin, Jérusalem, p. 367, et Aqueduc, t. i, col. 801. Ce ne fut donc jamais là un tombeau. Les mahométans, qui révèrent JésusChrist comme un de leurs grands prophètes, n’auraient pas manqué certainement de s’attribuer, à es-Sakhrah, la possession de sa sépulture, si l’authenticité du saint Sépulcre eut prêté au moindre doute. « En appliquant au saint Sépulcre les méthodes archéologiques ordinaires, on arrive au maximum de certitude que l’on puisse atteindre en pareille matière. Et certes, personne ne songerait à la contester s’il s’agissait d’un temple de Jupiter ou de Saturne, ou du tombeau d’un des