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CORINTHE — CORINTHIENS (PREMIÈRE ÉPITRE AUX)


perd, dans des plantations de vignes, la route de Sicyone. En dehors de ces indications générales, d’une ville si opulente, si peuplée, si bruyante, il ne reste absolument rien.

Au moment où nous terminons cet article, on nous apprend qu’une société américaine vient d’exhumer, à six mètres de profondeur, et non loin du temple dont les colonnes (fig. 352) se dressent encore au centre de PaléoCorinlhe, une des anciennes rues de la ville. Soigneusement pavée, la belle voie antique avait un double trottoir, avec rigoles d'écoulement pour les eaux. Ce fut là très probablement une des grandes artères que nous avons signalées comme partant de l’agora. De nombreux fragments de colonnes et de chapiteaux la couvraient dans tout le parcours. Non loin de là, on a mis à jour la cavea d’un monument qui fut un théâtre ou un Odéon, bâti en pierre ordinaire.

Voir J. A. Cramer, À geographical and historical Description of ancient Grèce, 3 in-8°, Oxford, 1828, t. iii, sect. 15, p. 9-37 ; W. M. Leake, Travels in the Morea, 3 in-8°, Londres, 1830, t. iii, p. 229-284 ; Id., Peloponesiaca, in-8o, Londres, 1846, p. 392-395 ; E. Puillon-Boblaye, Expédition scientifique de la Morée. Recherches géographiques sur les ruines de la Morée, in-4o, Paris, 1836, p. 33-40 ; E. Curtius, Peloponesos, 2 in-8o, Gotha, 1851-1852, t. ii, p. 516-537 ; K. E.Wagner, ïterum Corinthiarum Spécimen, in-4o, Darmstadt, 1824 ; H. Barth, Corinthiorum commercii et mcrcaturse historiée particula, in-12, Berlin, 1844 ; Barclay V. Head, Catalogue of Greek Coins, Corinth, in-8o, Londres, 1889 ; Le Camus, Notre voyage aux Pays bibliques, t. iii, p. 289-390 ; Id., Voyage aux sept Églises de l’Apocalypse, in-8°, Paris, 1896, p. 60-68., E. Le Camus.

    1. CORINTHIENS##

CORINTHIENS (PREMIÈRE ÉPÎTRE AUX).

Les plus anciens manuscrits ont en tête de cette Épltre : irpo ; xoptvfhou ; a ; quelques-uns, plus récents, upo ; xopivfhouç jipuTi]. Pour les titres plus développés, voir Tischendorf, Novum Testamentum gr&ce, 8* edit., t. ii, p. 458.

I. Destinataires de l'Épître. — Nous apprendrons à les connaître en étudiant dans les Actes des Apôtres, xvin, 1-19, le ministère de saint Paul à Corinthe, et en relevant dans les deux épilres ce qu’il nous dit lui-même des fidèles auxquels il s’adresse. Au printemps de l’an 52, l’Apôtre, venant d’Athènes, où sa prédication paraît avoir été peu féconde, arriva à Corinthe, capitale de la province d’Achaïe. Act., xviii, 1. Il y rencontra un Juif, originaire du Pont, Aquila, et sa femme Priscille, tous les deux venus récemment de Rome, chassés par l'édit de Claude qui expulsait les Juifs de cette ville. Ils étaient fabricants de tentes, et Paul habita avec eux pour exercer ce métier, qui était le sien. Il ne semblait pas que dans une ville telle que Corinthe la prédication de l’Apôtre dût être très fructueuse. Cependant, ainsi que Dieu lui-même le dit à saint Paul, Act., xviii, 10 : « Un peuple nombreux est à moi dans cette ville. » Ces paroles se réalisèrent. L’Apôtre, chaque sabbat, parlait à la synagogue, et il persuadait Juifs et Grecs. Dans sa prédication, ainsi que le disent le Codex D et la Vulgate, il prononçait le nom de Jésus-Christ. Act., xviii, 4. Lorsque Silas et Timothée furent venus de Macédoine, Paul se donna tout entier à la parole, rendant témoignage aux Juifs que Jésus était le Christ. Act., xviii, 5. Il a d’ailleurs caractérisé lui-même sa prédication : « Et moi, en venant chez vous, frères, je ne suis pas venu avec supériorité de parole et de sagesse vous annoncer le témoignage de Dieu ; car je n’ai pas jugé que je dusse savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » 1 Cor., ii, 1-2. Devant l’opposition des Juifs et leurs blasphèmes, il se sépara violemment de la synagogue pour s’adresser plus spécialement aux Grecs. Act., xviii, 6, 7. Son ministère fut fécond, surtout parmi les Gentils,

I Cor., xil, 2, et il recruta des chrétiens dans tous les rangs de la société. Nous en connaissons quelques-uns par leur nom : Titus Justus, dans la maison duquel il s'était retiré en quittant la synagogue, Act., xviii, 7 ; Crispus, le chef de la synagogue, ꝟ. 8 ; Stéphanas et sa famille, que Paul appelle les prémices de l’Achaïe, ï Cor., xvi, 15 ; Caius, chez qui il logea lors de son troisième séjour à Corinthe, Rom., xvi, 23 ; Éraste, trésorier de la ville, et Quartus, Rom., xvi, 23 ; Fortunat et Achaïque, qui semblent, d’après la Vulgate, être de la maison de Stéphanas. I Cor., xvi, 15. Nous connaissons aussi deux femmes par leur nom : Chloé, dont les gens avaient instruit Paul de ce qui se passait à Corinthe, I Cor., i, 11 ; Phœbé, de Cenchrée, servante de Dieu, qui avait assisté l’Apôtre. Rom., xvi, 1-2.

Parmi ces convertis, qui furent d’ailleurs très nombreux, Act., xviii, 8, quelques-uns étaient des philosophes, des hommes aimant la discussion, estimant à haut prix la science, témoin les passages où saint Paul parle de ceux qui cherchent la sagesse humaine. I Cor., ï, 18-31. Il y en eut de riches et de puissants, ainsi que le prouve ce qui se passait aux agapes, I Cor., xi, 21, 22 ; mais ils étaient en minorité. Saint Paul lui-même l’atteste, I Cor., i, 26 : « Car considérez, frères, ceux qui ont été appelés parmi vous ; il ne s’y trouve pas beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. » I] y avait des esclaves, I Cor., vu, 21, et même des hommes livrés aux vices les plus honteux. « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du royaume de Dieu ? Ne vous abusez pas : ni débauchés, ni idolâtres, ni adultères, ni efféminés, ni gens de mœurs contre nature, ni voleurs, ni avares, ni ivrognes, ni insulteurs, ni rapaces, n’hériteront du royaume de Dieu. Et c’est là ce que vous étiez quelques-uns. » ICor., VI, 9-11.

Tels étaient les membres de cette communauté de Corinthe, à laquelle fut écrite la première Épître aux Corinthiens ; on y trouvait mélangés des Juifs et des Grecs, des gens de toute condition et de culture intellectuelle très diverse, d'état religieux et moral assez complexe. Les éloges que donne saint Paul aux fidèles de Corinthe, « qui ont été enrichis en Jésus-Christ de tous les biens, de tous les dons de parole et de science, » I Cor., ï, 5, prouvent que la grâce de Jésus-Christ avait puissamment opéré en eux ; mais l'état où se trouva la communauté de Corinthe, deux ans à peine après le départ de l’Apôtre, prouve aussi que la grâce n’avait pas changé complètement en eux la nature. Nous allons voir exposée sous nos yeux, dans les deux Épitres aux Corinthiens, une situation où se montrent à découvert les dons naturels et les défauts des Grecs et des Juifs, membres de la jeune Eglise. C’est aux Grecs que nous avons surtout affaire dans la première Épitre.

IL Occasion et but de l'Épître. — Apres dix-huit mois de séjour à Corinthe, Paul laissa à elle-même la communauté, en ce moment-là en plein développement. Il paraît résulter des textes que l’organisation ecclésiastique en était alors, dans cette Église, à la période de transition qui a précédé celle que nous trouvons dans la Doctrine des douze Apôtres ; les apôtres, les prophètes et les docteurs étaient les conducteurs de la communauté, I Cor., xii, 28 ; l'évêque et le diacre ne sont pas nommés. On ne voit pas que saint Paul y ait établi, comme il le fit ailleurs, Act., xiv, 22, des chefs de l'Église. Il semblerait même que beaucoup de fidèles voulussent, à titre de prophètes ou de docteurs, ou comme possédant les. dons spirituels, conduire la communauté. I Cor., xii et xiv. Cet état d’organisation libre, le tempérament, les dispositions naturelles des membres de cette Église et l’introduction de nouveaux éléments nous expliquent l'état moral qui a obligé saint Paul à écrire sa lettre.

L'Église de Corinthe, nous l’avons vii, était composée de Juifs, mais en grande majorité de Grecs, pour la plu-