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    1. COLOSSIENS##

COLOSSIENS (ÉPITRE AUX)

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(il, 19), ils égarent les âmes par leur prétendue science (yvSmts ?) et les dévoient des voies véritables de la sainteté par leurs principes ascétiques. Ils portent la division et le trouble dans l’Église (m, 14-15). »

Ce résumé des opinions anciennes et modernes sur le caractère des erreurs colossiennes montre qu’il est difficile sinon impossible de dire exactement à quelle secte se rattachaient les hérétiques de Colosses. Pourquoi vouloir d’ailleurs ne pas y voir une hérésie composite, admettant des doctrines anciennes, mais ayant aussi ses caractéristiques propres et nouvelles, issues de circonstances locales, telles que les cultes de Mêm et de la grande Cybèle ? Il faut y reconnaître un certain fond de christianisme, où dominent les doctrines juives : nécessité de la circoncision, observation des fêtes, des nouvelles lunes, des sabbats ; mais c’est un judaïsme altéré, car par ces observances, par l’abstinence dans le boire et dans le manger et par d’autres pratiques ascétiques, on devait se détacher de la matière et être en communication avec les êtres surnaturels, les anges, auxquels on rendait un culte.

Pour réfuter ces erreurs, saint Paul établit que Jésus-Christ, image du Dieu invisible, agent et chef de la création, est l’unique médiateur entre Dieu et l’homme, qu’en lui est la plénitude (7cXrjpw|J.a) de la divinité, qu’en lui tout a été racheté, et que toutes les puissances lui sont soumises ; que toutes ces pratiques mesquines, observations des fêtes, sabbats, néoménies, abstinences, sont inutiles, puisque Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous. À cette spiritualité factice il oppose la sanctification réelle de la vie entière, individuelle, domestique et sociale. L’analyse de l’Épître fera ressortir les erreurs des faux docteu-s de Colosses et la réfutation qu’en donne saint Paul.

II. Lieu de la. composition de l’Épître. — C’est pendant qu’il était prisonnier que saint Paul écrivit l’Epître aux Colossiens, iv, 3, 10, 18. Mais est-ce de Césarée ou de Rome, les deux villes où il fut captif, qu’il l’envoya ? Les critiques ne sont pas d’accord sur ce point. D’après la tradition, l’Épître aux Colossiens fut écrite à Rome ; comme témoins de cette tradition, nous avons les souscriptions des manuscrits onciaux A, B°, P, K ; des minuscules 12, 42, 109, etc. ; des deux versions syriaques, cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, edit. viii, t. ii, p. 748 ; le témoignage des Pères grecs et latins : S. Chrysostome, In Éphes. argum., t. lxii, col. 10 ; Théodoret, In’Eph. arg., t. lxxxii, col. 508 ; S. Jérôme, In Ephes., t. xxvi, col. 477-553 ; Synopse d’Athanase, t. xxviii, col. 417 ; le texte grec reçu, fin de l’Épître. — De nos jours, la très grande majorité des critiques catholiques, beaucoup de protestants et même de rationalistes, Mangold, Klopper, Ewald, Holtzmann, Oltramare, Godet, von Soden, adoptent cette tradition. Cependant quelques auteurs catholiques, Haneberg, Duchesne, Lesêtre ; quelques protestants et la majorité des rationalistes, Schulz, Wiggers, Reuss, Meyer, Schenkel, Weiss, llilgenfeld, Hausrath, Plleiderer, pensent que cette lettre a été envoyée de Césarée. Atoici les arguments mis en avant de part et d’autre.

1° La liberté dont jouit saint Paul pendant sa captivité fut plus grande à Rome qu’à Césarée. Ici les siens pouvaient lui rendre des services, Act., xxiii, 35 ; mais il était en prison dans le prétoire, et il ne semble pas que des étrangers pussent venir à lui. À Rome, au contraire, il était lié à un soldat, Act., xxviii, 16 ; mais il demeura dans un appartement qu’il avait loué, et où il recevait tous ceux qui venaient le voir, prêchant le royaume de Dieu en toute liberté. Cette situation répond bien à ce que saint Paul écrit aux Colossiens, iv, 3 : « Priez en même temps pour nous, afin que Dieu nous ouvre la porte de la parole, pour que j’annonce le mystère du Christ, pour lequel je suis lié. » Les tenants pour Césarée font remarquer que ces paroles indiqueraient plutôt que

saint Paul réclame plus de liberté pour prêcher l’Évangile, et que c’est de Césarée seulement, où toute communication avec d’autres que les siens lui était interdite, qu’il a pu écrire ces lignes.

2° Mais ce n’est pas, réplique-t-on, à Césarée, mais à Rome qu’il a pu recevoir Onésime, l’esclave fugitif ; Èpaphras, l’apôtre des Colossiens, son compagnon de captivité, et qu’Aristarque partageait sa prison. Col., IV, 10. De plus, Onésime, fuyant son maître, a dû se réfugier à Rome, où il était facilement perdu dans la foule, plutôt qu’à Césarée, où il pouvait plus aisément être découvert. — Non, répond-on, il a dû fuir à Césarée, beaucoup plus rapprochée de Colosses que Rome. — La distance, réplique-t-on, ne peut être prise en considération, puisque de Colosses il était plus facile, en passant par Éphèse, d’aller à Rome qu’à Césarée.

3° En outre, dans la lettre à Philémon, envoyée à Colosses en même temps, il demande à celui-ci de lui préparer un logement. Comment, s’il a écrit de Césarée, peut-il, si peu de temps après avoir fait ses adieux aux « anciens » d’Éphèse, Act., XX, 36-38, penser à retourner déjà en Asie Mineure, lorsque quelque temps auparavant, Rom., xv, 28, il annonçait un voyage en Espagne ? Lorsqu’il fut à Rome, nous voyons, au contraire, par l’Épître aux Philippiens, ii, 24, qu’il avait l’intention de retourner en Orient avant son départ pour l’Espagne. — Les faits s’enchaînent bien mieux, répond-on, si l’on suppose que la lettre a été écrite de Césarée. Là, saint Paul espérait être mis bientôt en liberté ; il avait toujours l’intention d’aller à Rome, mais librement, et de là en Espagne. Avant de partir pour ce pays lointain, il visiterait les communautés chrétiennes d’Asie Mineure, qu’il avait fondées, et s’arrêterait à Colosses, chez Philémon.

4° Outre les arguments cités plus haut, les tenants pour Césarée ajoutent les suivants : Dans l’Épître aux Colossiens il est parlé d’Onésime, et il n’en est pas fait mention dans celle aux Éphésiens. Onésime devait donc rester à Colosses ; par conséquent, la lettre venait de l’Orient et non de Rome, auquel cas il aurait passé par Éphèse. — Cet argument est faible, car saint Paul a pu parler d’Onésime aux Colossiens parce qu’il était leur compatriote ; il n’en dit rien aux Éphésiens, qui ne le connaissaient pas.

5° Saint Paul, écrivant de Rome vers l’an 61, aurait dû, ajoute-t-on, parler aux Colossiens du tremblement de terre qui en 60-61 frappa Laodicée et les environs ; il a donc écrit de Césarée avant l’événement. La preuve ex silentio est toujours contestable. En outre. Tacite mentionne seulement le tremblement de terre de Laodicée, et il est possible que Colosses ait été très peu atteinte. Eusèbe parle bien d’un tremblement de terre qui frappa Colosses, mais il le place en 64.

6° Saint Paul dit, iv, 11, aux Colossiens, qu’Aristarque, Marc et Jésus Justus sont les seuls judéo-chrétiens qui l’ont aidé à prêcher le royaume de Dieu et lui sont venus en aide. Mais alors, s’il écrit de Rome, que sont devenus ces nombreux amis, qu’il salue dans son Épitre aux Romains, xvi, et qui étaient venus à sa rencontre jusqu’à Très Tabernae ? Act., xxviii, 15. — Il est singulier, en effet, que Paul ne mentionne que ces trois judéochrétiens ; mais il est possible que la restriction porte seulement sur le fait que seuls ces trois-là ont été ses collaborateurs pour le royaume de Dieu ; les autres probablement vaquaient à leurs affaires. — Tout bien examiné, nous devons reconnaître que les arguments tirés de l’étude même de l’Épître indiquent qu’elle a été écrite à Rome plutôt qu’à Césarée, et comme la tradition est unanimement en faveur de cette hypothèse, nous conclurons que cette lettre a été écrite à Rome, tout en reconnaissant que l’opinion contraire a pour elle quelques vraisemblances.

III. Date de la. composition. — Ceci admis, la date de composition peut être fixée entre des limites assez