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CHRONOLOGIE BIBLIQUE


postérieur à la pacification universelle, marquée par la fermeture du temple de Janus, à Rome. Ce fait ne se produisit qu’au milieu de l’été de l’an 746, huit ans avant l’ère vulgaire. La naissance de Jésus-Christ doit se fixer au 25 décembre de l’une des trois années 747, 748 et 749 de Rome.

La plupart des chronologistes choisissent l’une de ces trois années et justifient leur préférence par le rapport qu’ils établissent entre la naissance du Sauveur et les autres données chronologiques de l’Évangile. Or saint Luc nous apprend encore, iii, 1 et 23, que saint Jean-Baptiste commença sa mission la quinzième année de Tibère, et que Jésus était âgé d’environ 30 ans quand il reçut le baptême des mains de son précurseur. Mais on a supputé les années de Tibère de deux manières différentes. Si l’on adopte la façon ordinaire de compter, le règne de Tibère part de la mort d’Auguste, qui eut lieu le 19 août 767 de Rome. La quinzième année de Tibère court donc du 19 août 781 au 19 août 782, 28-29 de notre ère. En retranchant exactement 30 ans, la naissance de Jésus tomberait en 751 ; mais cette date ne se concilierait pas avec la mort d’Hérode, survenue en 750. Il faut donc entendre les mots « environ trente ans » dans un sens plus large, et au sentiment de Keppler, ils peuvent se dire d’un homme qui a plus de 25 ans et moins de 35. Si on suppose Jésus né en 747, il aurait eu de 34 à 35 ans l’an xv de Tibère ; s’il est né seulement en 749, il aurait eu alors de 32 à 33 ans. Plusieurs chronologistes ont compté la quinzième année de Tibère non de la mort d’Auguste, mais de l’association de Tibère à la puissance tribunitienne, l’an 765 ou 764 de Rome. Elle tomberait ainsi en 779 ou 778. Par conséquent, Jésus, fût-il né dès 747, n’aurait encore à l’époque de son baptême qu’environ trente et un ans.

Quant à la durée de la vie publique de Jésus, elle a été réduite à une année par quelques anciens pour des raisons peu fondées, que saint Irénée, Contra heereses, il, 22, t. vii, col. 781-783, a fortement réfutées. Eusèbe de Césarée, H. E., i, 10, t. xx, col. 112, et Demonst. ev., I. viii, t. xxii, col. 625 et 628, l’a étendue à trois ans et demi. Des commentateurs modernes adoptent ce chiffre, mais en se référant aux Pâques expressément mentionnées par saint Jean et en entendant de cette solennité la fête des Juifs, dont il est parlé, Joa., v, 1. Cependant beaucoup ne donnent à la prédication du Sauveur qu’une durée de deux ans et demi, et avec saint Irénée, loc. cit., et saint Jérôme, In Isaiam, 1. ix, t. xxiv, col. 330, ils ne reconnaissent que trois Pâques. La première suivit de près le baptême, Joa., ii, 13 ; la seconde fut précédée de peu par la multiplication des pains, vi, 4 ; la troisième fut celle de la passion, xiii, 1. Si donc Notre -Seigneur a été baptisé l’an xv de Tibère, la première Pàque de son ministère eut lieu en 782 de Rome, l’an 29 de l’ère vulgaire, et la dernière, celle de la passion, l’an 31 ou 32, 784 ou 785 de Rome.

La date de la mort de Jésus serait ainsi fixée à une année près, et on pourrait la contrôler en déterminant en quelle année le jour de la mort se trouve être un vendredi. Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, 31. Malheureusement cette question si simple se complique, et il s’agit de savoir si ce vendredi fut le 14 ou le 15 nisan. Or sur ce point les chronologistes et les commentateurs se partagent en deux camps. Voir t. ii, col. 408-413. Si le vendredi de la mort du Sauveur était le 14 nisan, il faut éliminer l’an 32, durant lequel le 14 nisan commença le samedi soir, et accepter l’an 33, durant lequel ce jour tomba, à la manière de compter des Juifs, du jeudi soir au vendredi soir. Préfére-t-on le 15 nisan, ce jour du premier mois n’est tombé un vendredi que l’an 30, 31 et 34 de l’ère vulgaire, pour restreindre les recherches entre les années 28 à 34. On le voit donc par ce court résumé, les dates et la durée de la vie de Jésus-Christ sont incertaines. Toutefois les travaux des

savants ont notablement réduit les limites de l’incertitude. Il semble en résulter qu’on doive fixer l’époque de la naissance du Sauveur entre les années 747 et 749 de Rome, ou 7 et 5 avant l’ère chrétienne, et celles de sa mort entre les années 29 et 33 de notre ère. La durée de la vie de Jésus flottera entre un minimum de 33 et un maximum de 38 années.

Cf. Magnan, De anno natali Christi, Rome, 1772 ; Keppler, De Jesu Christi vero anno natalitio, Francfort, 1606 ; De vero anno quo œternus Dei films humanam naturam in utero benedictse Virginis Mariée assumpsit, Francfort, 1614 ; Sanclemente, De vulgaris eerse emendatione, Rome, 1793 ; Fréret, Éclaircissement sur l’année et sur le temps précis de la mort d’Hérode le Grand, roi de Judée, dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions, 1754, t. xxi, p. 278-298 ; Huschke, Veber den zur Zeit der Geburt Jesu Christi gehaltenen Census, Breslau, 1840 ; Veber den Census und die Steuefærfassung der frûheren rômisheen Kaiserwelt, Breslau, 1847 ; Wieseler, Chronologische Synopse der vier Evangelien, Hambourg, 1843 ; Patrizi, De evangeliis libri 1res, Fribourg-en-Brisgau, 1853 ; H. Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 329-413 ; Zumpt, Dos Geburtsiahr Christi, Leipzig, 1869 ; H. Lutteroth, Le recensement de Quirinius en Judée, Paris, 1865 ; Mémain, La connaissance des temps évangéligues, 1886 ; Ljunberg, Chronologie de la vie de Jésus, Paris, 1878 ; Riess, Das Geburtsiahr Jesu Christi, Fribourg-en-Brisgau, 1880 ; Nochmals das Geburtsiahr Jesu Christi, ibid., 1883 ; Schegg, Das Todesiahr des Kônigs Rerodes und das Todesiahr Jesu Christi, Munich, 1882 ; Le Hir, Résumé chronologique de la vie du Sauveur, dans l’Université catholique, 1889, p. 6-27 et 189-202 ; M. Velieky, Quo anno Dominus noster mortuus sit, quœstio inslituitur, Prague, 1892.

X. Chronologie de l’histoire des Apôtres. — Nous n’avons pour la fixer que quelques dates des Actes des Apôtres et des épîtres de saint Paul. L’histoire apostolique commence à l’ascension de Jésus, qui eut lieu quarante jours après la résurrection. Dix jours plus tard, le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres. Act., ii, 1. Ces faits se passaient l’année même de la mort du Sauveur, leur date varie donc suivant celle qu’on adopte pour ce dernier événement. La mort d’Hérode Agrippa 1 er, rapportée Act., xii, 19-23, détermine l’époque du martyre de saint Jacques et de l’emprisonnement de saint Pierre. D’après Josèphe, Ani. jud., XIX, viii, 2, ce roi célébrait alors des jeux en l’honneur de l’empereur Claude. C’était en Tan 44 de notre ère. Il n’est pas nécessaire cependant d’admettre que la persécution d’Hérode Agrippa contre les chrétiens ait eu lieu l’année même de sa mort, et on peut supposer avec Patrizi, In Actus Apost. comment., 1867, p. 93 et 96, et Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, 1886, p. 527-531, qu’il s’est écoulé plusieurs années dans l’intervalle. Aussi ces. critiques placent-ils la mort de saint Jacques et l’emprisonnement de saint Pierre en l’année 42.

La première mission de Saul et de Barnabe est postérieure à la mort d’Hérode Agrippa. Il faut donc la fixer au plus tôt à la fin de l’année 44. Cette date peut servir de point de repère dans la vie de saint Paul. L’Apôtre des Gentils, avant son voyage à Jérusalem, avait passé un an à Antioche. Act., xi, 26. Si on lient compte de son retour à Tarse, Act., ix, 30 ; Gal., i, 21, et des trois années de séjour en Arabie et à Damas, Gal., i, 17, on doit reporter sa conversion à cinq ou six ans auparavant. D’autres considérations confirment ces conclusions, qui ne sont qu’approximatives. Arétas, roi d’Arabie, dominait à Damas, quand saint Paul dut en sortir. II Cor., xi, 32. Or on pense généralement que ce roi reprit cette ville après la mort de Tibère, survenue le 16 mars de Tan 37. Voir Arétas IV Philodème, t. i, col. 943-944. D’autre part, la persécution des Juifs contre les chrétiens.