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CHRONOLOGIE BIBLIQUE


de l’Egypte, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, de Jaugey, col. 1045-1058. D’autres exigent une augmentation de quelques milliers d’années. Les exégètes ne peuvent pas dire non plus entre quels chaînons de la généalogie de Sem ils placeront les lacunes Tiécessaires. Ce ne sera pas entre Noé et Sem, ni entre Tharé et Abraham, dont les rapports directs de paternité et de filiation sont expressément marqués dans récriture ; ce pourra être entre les autres anneaux de la liste généalogique, dont le lien est moins étroit.

Cf.Mo r Meignan, Lemonde et l’homme primitif selon la Bible, 3e édit., 1879, p. 289-359 et 389-397 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, t. i, p. 575-587 ; Id., Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, 1890, p. 452480 ; J. Brucker, La chronologie des premiers âges de l’humanité, et Quelques éclaircissements sur la chronologie biblique, dans La Controverse, 1866 ; nouvelle série, t. vi, p. 375-393 ; t. vii, p. 5-27, et t. viii, p. 87-120 ; E. Pannier, Genealogise biblicæ cum monumentis jEgyptiorum et Chaldœorum collatse, Lille, 1886 ; abbé de Broglie, Étude sur les généalogies bibliques, dans le Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1889, t. i, p. 92-153 ; Mo r Lamy, Comment, in lib. Gen., 1883, t. i, p. 274-279 ; Thomas, Les temps primitifs et les origines religieuses d’après la Bible et la science, Paris, 1890, t. i, p. 167-210.

V. De la vocation d’Abraham a la sortie d’Egypte.

— La Bible indique expressément les principales dates de cette période. Abraham avait soixante-quinze ans lorsqu’il partit de Haran pour se rendre dans le pays de Chanaan. Gen., XII, 4. Il était centenaire quand la naissance d’isaac lui fut annoncée. Gen., xvii, 1 et 17 ; xxt, 5. A l’âge de quarante ans, Isaac épousa Rébecca, et vingt ans après naissaient Ésaù et Jacob. Gen., xxv, 20 et 26. Quatrevintg-cinq années s’étaient donc écoulées depuis l’arrivée d’Abraham en Palestine jusqu’à la naissance de ses petits-lils. Jacob avait 130 ans quand il vint en Egypte. Gen., xl vii, 9. Ses fils demeurèrent dans ce pays 430 ans. Exod., xii, 40. Tous ces chiffres additionnés donnent pour la période un total de 645 années.

Seule, la date du séjour des Israélites en Egypte est contestée. La version des Septante et le Pentateuque samaritain présentent, Exod., xii, 40, une variante notable, qui est confirmée par les Targums du pseudoJonathan et de Jérusalem : « Le temps que les enfants d’Israël et leurs pères demeurèrent en Egypte et dans la terre de Chanaan fut de 430 ans. » Ce nombre a donc son point de départ à l’arrivée d’Abraham en Palestine. Or, comme depuis cette époque jusqu’à la venue de Jacob en Egypte il s’est écoulé 215 ans, le séjour des Hébreux dans la terre de Gessen eut une durée égale de 215 années. Josèphe, Ant. jud., II, xv, 2, reproduit ce calcul, et d’après Calmet, Commentaire littéral, Gen., xv, 13, 1724, t. i, p. 145, la plupart des commentateurs se rangent à cet avis et suivent la leçon des Septante. Mais cette variante ne se lisait pas dans tous les anciens manuscrits de la version grecque, car saint Théophile d’Antioche, Ad Autolycum, 1. iii, n° 10, t. vi, col. 1136, écrit que les Israélites ont séjourné 430 ans en Egypte. Saint Chrysostome, qui propose la durée de 215 ans, Ire Genesim, IJom. xxxvii, Patr. gr., t. lui, col. 344, admet cependant ailleurs, In Acta apost., Hom. xvi, Patr. gr., t. lx, col. 129, que les Hébreux sont restés dans la terre des Pharaons 400 ans et plus. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, trad. Schwab, t. vi, 1883, p. 218, signale ce verset 40 du chapitre xii de l’Exode comme un des treize passages que les Septante ont modifiés dans leur traduction du Pentateuque à cause du roi Ptolémée. D’ailleurs les mots : « et de leurs pères…, et dans la terre de Chanaan, » ne cadrent guère avec le contexte, qui ne parle que de l’Egypte, et paraissent être des gloses ajoutées au texte original.

Les tenants de la date la plus comte confirment leur

sentiment par le témoignage de saint Paul, Gal., iii, 17, et par le peu de longueur de la généalogie de Moïse. Cf. Dom. Palmieri, Comm. in Epist. ad Galatas, 1886, p. 141-144. L’Apôtre, en effet, parle incidemment de la date de la promulgation de la loi, faite 430 ans après la promesse. Mais il ne précise pas le point de départ de ces 430 années, et au lieu de le prendre à la première promesse de Dieu à Abraham, à son entrée dans le pays de Chanaan, on peut fort bien le rapporter aux promesses postérieures, réitérées à Abraham, Isaac et Jacob. Cf. Beelen, Comment, in Acta Apost., 1850, 1. 1, p. 122-124 ; Patfizi, In Actus Apost. comment., 1867, p. 46-50. Quant à la généalogie de Moïse, on peut à bon droit la considérer comme une dé ces généalogies raccourcies dont nous avons parlé. Voir Caath, t. ii, col. 1 -3.

Le texte hébreu, qui donne une durée de 430 ans, n’est pas isolé. Il est reproduit par le Targum d’Onkélos, la Peschito, la Vulgate latine, la version arabe de Saadias et la version grecque de Venise. Il est confirmé par d’autres données bibliques. Le temps de la captivité des Hébreux avait été prédit par Dieu à Abraham : r Sache que tes descendants vivront en qualité d’étrangers dans un pays qui ne leur appartiendra pas ; on les asservira et on les persécutera durant quatre cents ans. » Gen., xv, 13. Cette prophétie, rappelée par le diacre saint Etienne, Act., vii, 6 et 7, se lit aussi bien dans la version des Septante que dans le texte hébreu, et annonce en nombre rond la durée du séjour des Israélites en Egypte. Dieu ajoute, ꝟ. 16, que la postérité d’Abraham reviendra en Palestine à la quatrième génération (hébreu : dôr). Le mot dôr signifie « période de vie humaine », et peut s’entendre d’un siècle. Des interprètes rattachent aussi à cette prophétie la parole de saint Paul dans son discours à la synagogue d’Antioche de Pisidie. Act., un, 19-20. Ils adoptent la leçon de la Vulgate, qui au point de vue critique est la meilleure, et ils entendent le nombre de 450 ans environ des 400 années de Gen., xv, 13, plus les 40 ans de séjour dans le désert et les 7 de la conquête de la Palestine par Josué. F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., t. ii, p. 59, note. Achior, général des Ammonites, rapporta plus tard, Judith, v, 9, à Holopherne, que les Israélites s’étaient multipliés en Egypte pendant quatre cents ans au point de former une armée innombrable. D’après quelques commentateurs, Knabenbauer, Comment, in Ezech., 1890, p. 56-60 ; Trochon, Les prophètes, Ézécliiel, 1884, p. 46-47, Ézéchiel, iv, 5 et 6, prédirait une seconde servitude d’Egypte, dont la durée est évaluée à 390, plus 40 jours, c’est-à-dire à 430 années, car les jours désignent les années.

A ces preuves exégétiques, on peut joindre en faveur du chiffre de 430 un argument tiré de l’histoire d’Egypte. Il est très vraisemblable que Joseph fut amené en Egypte sous les rois Pasteurs, et on pense généralement qu’il a été ministre du pharaon Apapi II, que Manéthon nomme Apophis. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 S édit., 1896, t. ii, p. 98-101. Or entre le règne de ce roi et celui de Menephtah, sous lequel a eu lieu l’exode, « il faut placer d’abord les 150 ans au moins qui, d’après les égyptologues, furent nécessaires aux chefs indigènes pour détruire la domination des Pasteurs ; puis toute la durée de la XVIIIe dynastie et d’une partie de la XIXe, c’est-à-dire plus de seize règnes, dont deux ( ceux de Thotmès III et de Ramsès II) embrassèrent à eux seuls 121 ans. » J. Brucker, dans La Controverse du 15 septembre 1886, p. 111. La durée du séjour des Hébreux en Egypte a donc été véritablement de 430 ans. Par conséquent, si, comme le pense M. Oppert, l’exode eut lieu en 1493 avant J.-C., l’entrée des Israélites en Egypte remonte à 1923, Jacob naquit en 2053, et Abraham arriva en Palestine en 2138. Mais ces chiffres sont loin d’être certains.

VI. De l’exode a la construction du temple de Salomon. — « Tous les égyptologues, guidés par le synchronisme des époques et par l’ensemble des faits, sont