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CHÉRUBIN


aux données bibliques. La description de l’Exode « convient bien mieux à ces figures de forme humaine, que les monuments égyptiens nous montrent fréquemment placées face à face des deux côtés des naos des dieux, et étendant pour les envelopper leurs bras garnis de grandes ailes. Tout est d’ailleurs… égyptien de forme dans le mobibier sacré du tabernacle…, comme il était naturel que cela fût au lendemain de la sortie d’Egypte ». Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. i, p. 125126. Toutefois ces chérubins, imités des figures ailées de l’Egypte, avaient certainement des visages humains, et non des têtes d’oiseaux, comme ceux qu’on aimait à représenter sur les bords du Nil. Voir t. i, col. 914, et pour les figures de chérubins, fig. 242-241, col. 915-918. Le nom de kevûb est sémitique et chaldéen. Cependant, en égyptien, on trouve la racine jrp, yrb ou yrpu, signifiant « figure, simulacre », et désignant souvent les représentations figurées comme ornements sur les plaques de métal, les portes, etc. Brugsch, Hieroglyphisch-demotisches Wôrterbuch, Leipzig, t. vi, 1881, p. 961. En parlant de kerûbîm, Moïse n’évoquait donc pas une notion qui fut étrangère aux Hébreux sortant d’Egypte.

Les deux chérubins de l’arche, entre lesquels le Seigneur rendait ses oracles, Num., vii, 89, sont considérés par les écrivains sacrés à un point de vue qui exclut toute idée d’idolâtrie : ils ne sont que l’escabeau sur lequel monte le Seigneur, le trône sur lequel il siège. « Celui qui est assis sur les chérubins » est une expression qui apparaît à l’époque de Samuel, I Reg., iv, 4, et que les écrivains postérieurs reproduisent volontiers. II Reg., vi, 2 ; I Par., xiii, 6 ; IV Reg., xix, 15 ; Ps. lxxix, 2 ; xcvm, 1 ; Is., xxxvii, 16 ; Dan., iii, 55. Mais ce trône est constitué par des êtres pourvus d’ailes ; on peut dès lors le concevoir comme transformé en char aérien. C’est David qui emploie cette poétique image :

Il incline les cieux et descend ;

Un nuage sombre est sous ses pieds.

Porté sur le chérubin, il vole,

Il plane sur les ailes des vents.

Ps. xviii (xvii), 10, 11 ; ir Reg., xxii, 11.

Il est donc naturel que saint Paul appelle les chérubins de l’arche des « chérubins de gloire », Hebr., IX, 5, c’est-à-dire des êtres sur lesquels rejaillit la gloire du Seigneur. IV. Les chérubins du Temple de Salomon. — Le roi Salomon fit entrer les chérubins comme motif de décoration dans le Temple. Tout d’abord il plaça deux grands chérubins de forme colossale dans le Saint des saints. On les avait sculptés en bois d’olivier, et recouverts de lames d’or. Ils étaient debout, de chaque côté de l’arche qu’ils regardaient. Hauts de dix coudées, soit environ cinq mètres, ils avaient des ailes de même longueur. Celles-ci étaient étendues ; les ailes inférieures se touchaient au-dessus du propitiatoire, et les supérieures atteignaient jusqu’aux murs. III Reg., vi, 23-28 ; II Par., iii, 10-13. Le texte ne dit pas de quelle forme étaient les chérubins. Josèphe, Ant. jud., VIII, iii, 3. Il est assez probable qu’on ne s’écarta guère du type égyptien, dont on avait le modèle sous les yeux dans les chérubins mêmes de l’arche. Les chérubins du Saint des saints auraient alors ressemblé à ces génies égyptiens, à figure humaine, qui encadrent dans leurs ailes étendues un personnage divin. Voir t. i, fig. 241 et 242, col. 913, 915. Cf. Wilkinson, Manners and customs of the ançient Egyptians, Londres, 1878, t. iii, pi. L. Munk, Palestine, p. 157-158, croit qu’en effet ces chérubins reproduisaient le type égyptien. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1880, p. 126, est d’un avis différent. « À cette époque, dit-il, l’influence égyptienne n’était plus seule à s’exercer sur les Hébreux. L’influence assyrobabylonienne la balançait… Il est très possible que les nouveaux keroubim exécutés alors aient été différents des anciens, tels que les décrit l’Exode. Il y a même de fortes

raisons de croire que dés lors ce furent des kiroubi à l’assyrienne. » Les Phéniciens, constructeurs et décorateurs du Temple, pratiquaient un art très composite, et il se peut qu’ils aient renoncé au type purement égyptien dans la fabrication des chérubins du sanctuaire. Les Assyriens sculptaient aussi des génies à tête humaine, debout et pourvus d’ailes. Voir t. i, col. 1 155. De fait, les animaux symboliques qu’Ézéchiel, x, 20, 21, voit dans le Temple de Jérusalem ressemblent aux taureaux ailés des Assyriens. Toutefois l’on ne peut conclure de la vision à la réalité, et rien ne permet de déterminer sûrement à quel type appartenaient les chérubins de Salomon. Voir Riehm, Die Cherubim in der Stiftshûtte und in Tempel, dans les Theologische Studien und Kriliken, 1871, p. 399-457. A en croire les traditions rabbiniques, Echa Rabbathi, 54, 1, les Ammonites et les Moabites se seraient emparés de ces chérubins, au moment de la prise de Jérusalem par les Chaldéens, et auraient cherché à les

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543. — Les chérubins d’Ezéchiel.

Miniature placée en tête du chap. I d’Ezéchiel, dans la Blblo manuscrite écrite par Goderan, moine de Lobbes, et achevée par M en 1084, D’après la Bévue de l’art chrétien, 1880, p. 359.

faire prendre pour des dieux adorés par les Hébreux. II est plus probable que ces statues de bois périrent dans l’incendie du Temple, après avoir été dépouillées de l’or qui les revêtait. Il n’est pas question de chérubins semblables dans le second Temple, privé d’ailleurs de la présence de l’arche. Cf. Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 39.

Salomon fit encore tisser, pour masquer la vue du Saint des saints, un rideau précieux sur lequel étaient brodés des chérubins. II Par., iii, 14. Sur le vêtement royal d’Assurnazirpal, on voit aussi un grand nombre de génies ailés en broderie. Voir t. i, fig. G20, col. 1941. On sait d’ailleurs que les Phéniciens s’étaient acquis une grande habileté dans l’exécution de ces sortes d’ouvrages.

Enfin, sur tous les murs du Temple, des bas-reliefs représentèrent des chérubins alternant avec des palmes et des fleurs écloses. III Reg., VI, 29 ; Ezech., xli, 18-20, 25. Ici l’imagination des artistes put se donner libre carrière. « Ces keroubim, sculptés en très bas relief, se rangeaient le long des parois sacrées en files silencieuses, alternant avec des palmiers, semblables aux figures alignées sur les murs de Thèbes ou de Khorsabad ; ces processions étaient encadrées dans des frises de Heurs fermées ou épanouies, lotus ou papyrus en Egypte, lotus ou pavots en Assyrie, coloquintes à Jérusalem. » De Vogué, Le Temple de Jérusalem, p. 33.

V. Les chérubins d’Ezéchiel. — Voici comment le prophète décrit la première vition qu’il eut des animaux symboliques, en Assyrie, sur les bords du fleuve Chobar : « Au milieu, la ressemblance de quatre animaux. Voici