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CHARMEL — CHARMEUR DE SERPENTS


qui signifie « champ cultivé et fertile », dans ce passage d’isaïe, xxix, 17 : « Ne verra-t-on pas bientôt et dans peu de temps le Liban se changer en Charmcl et le Charmel devenir une forêt ? » Le texte original doit se traduire : « Le Liban (qui n’est qu’une forêt inculte) ne sera-t-il pas dans peu de temps changé en un champ cultivé ( karmél), et les champs cultivés (karmél) ne deviendront-ils pas une forêt (inculte comme le Liban) ? » c’est- à- dire ce qui paraissait stérile comme le Liban deviendra fertile, et ce qui promettait une abondante récolte ne portera aucun fruit. L’alliance égyptienne sur laquelle les Juifs avaient compté pour les sauver de leurs ennemis, les secours humains sur lesquels ils s’appuyaient, sont comparés à un champ fertile ; ils leur sont inutiles ; mais Dieu, qui est comparé au Liban, les protégera et les délivrera. — Le Carmel étant une montagne boisée comme le Liban, il n’y a pas d’antithèse possible entre l’un et l’autre ; aussi l’auteur sacré n’a-t-il point dit, comme l’a supposé saint Jérôme, que le Carmel deviendrait une forêt, car il l’était déjà. F. Vigouroux.

    1. CHARMEUR DE SERPENTS##

CHARMEUR DE SERPENTS (hébreu : melahàiim, Ps. lviii [Vulgate : lth], 6 ; nebôn lahas, Is., iii, 3, de lâlias, « siffler ; » Septante : èTuxSôvTE ; -, sraiot80 !  ; VuIgate :

208. — Charmeur de serpents sur un vase égyptien en bronze. Musée du Louvre.

incanlantes, incanlalor), nom donné à celui qui a l’art de découvrir et de prendre les serpents, de jouer impunément avec eux, et au besoin de les apprivoiser. On se servait aussi des serpents pour une espèce de divination appelée ophiomancie. Celui qui la pratiquait est appelé dans le Deutéronome, xviii, 10, menahvs, dendhâs, « serpent ; » mais il est différent du charmeur. Voir Ophioman’CIE.

I. L’art du charmeur. — Cet art remonte à une très haute antiquité. On le constate chez les Égyptiens dans les temps les plus reculés ; un de leurs anciens vases de bronze, conservé au Louvre, représente un psylle qui a enchanté un serpent et le tient par la partie supérieure du corps (fig. 208). Les auteurs de l’antiquité racontent des choses merveilleuses sur les exploits des charmeurs de serpents. Aristote, Jlirab., 151 ; Élien, Hist. animal., I, 57 ; Pline, H. N., ii, 2 ; viii, 38, xxviii, 6 ; Strabon, xvii, 44 ; Silius Ital., iii, 302 ; Lucain, Phars., ix, 890 ; Virgile, JEneid., vii, 753, etc. ; Bochart, Hierozoicon, III, 161 ; Bôhmer, De Psyllorum, Marsorum et Ophiogenum adversus serpentes virtute, Leipzig, 1745. L’art de ces enchanteurs ne s’est point perdu. On rencontre fréquemment, en Egypte et dans les pays orientaux, des hommes qui savent se faire obéir des serpents (fig. 209). Ils les obligent à sortir de leurs trous, les manient comme des

bêtes inoffensives, les mettent dans leur sein, se les lancent les uns aux autres comme des balles, les dressent à exécuter certains exercices et même parfois les mangent tout vivants. Cf. J. Bruce, Travels to discover the source of the Nile, Edimbourg, 1790, t. v, p. 208-209 ; W. G. Browne, Travels in Africa, Egypt and Syria, Londres, 1799, p. 84, 104 ; H. von Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1839, t. ii, p. 115, 116 ; de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode, Paris, 1811, p. 22-27 ; Vigouroux, La Bible et les.découvertes modernes, Paris, 6= édit., 1896, t. ii, p. 298-304, 593-607. Voici comment, d’après Tristram, The nalural history of the Bible, Londres, 1889, p. 272, les choses se passent aujourd’hui. Le charmeur se sert d’un procédé fort simple. Il fait entendre au serpent les sons aigus de la flûte, les seuls que puisse bien distinguer cet animal,

fi S- 209. — Charmeur de serpents au Caire. D’après une photographie.

chez lequel le sens des sons est fort imparfait. Il doit pardessus tout avoir du sangfroid, du courage et assez de délicatesse de main pour manier le serpent sans l’irriter. Les charmeurs ne sont pas des imposteurs. Quelquefois, sans doute, ils peuvent retirer au reptile ses crochets venimeux ; mais il est incontestable qu’ils les laissent habituellement subsister. Du reste, ils opèrent aussi volontiers sur celui qu’ils viennent de prendre que sur un autre depuis longtemps en leur possession. Mais il leur répugne beaucoup de faire l’expérience sur une autre espèce que le cobra, le pétén hébreu ou aspic. Cf. t. i, col. 1124.’Quand il a découvert un cobra dans un trou, le charmeur l’attire dehors en sifflant, puis il le saisit soudain par la queue et le tient à longueur de bras. Ainsi suspendu, le serpent est incapable de se retourner pour mordre. Lorsque ses vains efforts l’ont épuisé, on le place dans un panier muni d’un couvercle. Ce couvercle est ensuite soulevé pendant qu’on joue de la flûte, et à chaque tentative du serpent pour se précipiter dehors, on.