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CAINAN


diluvien, comme on le voit dans Grégoire Bar-Hebræus, Chronic, pars i a, Dyn. i, édit. de J. Bruns et G. Kirsch, 2 in-8°, Leipzig, 1789, t. i, p. 8 ; t. ii, p. 7. L’origine en est inconnue. Fried. Bæthgen, Beitràge zur semit. Réligionsgeschichte, in-8°, Berlin, 1888, p. 128, 152, suppose qu’elle provient de l’assonance qui existe entre le nom de Caïnan et le dieu sabéen Kenan. D’autres l’expliquent par le sens de la racine arabe ou araméenne dont on fait dériver le nom de Caïnan. E. Palis.

2. CAÏNAN (Septante : Kaïvîv), fils d’Arphaxad-et père de Salé, d’après les Septante, Gen., x, 24 ; xi, 12-13 ; I Par., i, 18 et peut-être 24 ; Luc, iii, 35-36. Le texte hébreu actuel ne porte ce nom ni dans la Genèse ni dans les Paralipomènes. Cette différence entre le grec et l’hébreu a été le sujet de longues discussions parmi les commentateurs, et leurs tentatives pour concilier les deux textes ont donné naissance à diverses opinions. Pererius, après avoir rappelé cinq de ces opinions, dont aucune ne le satisfait, déclare, à la suite de Bède et de plusieurs autres, que cette question du Caïnan postdiluvien soulève des difficultés insolubles et qu’elle demeure pour lui une énigme indéchiffrable. Voir Estius, Annot. in Luc, m, 36, Paris, 1684, p. 457.

Cependant la difficulté de la solution paraît provenir non pas tant du fond même de la question que de la manière dont elle était posée. On regardait les nombres des généalogies patriarcales tels qu’ils se trouvent dans la Bible comme une donnée fort importante, et voilà sans doute pourquoi on ne voulait trouver en défaut sur ce point ni le texte hébreu des Massorètes, objet d’une sorte de respect superstitieux, surtout avant les travaux du P. J. Morin (voir Cornely, Introduct. in libros sacros Compendium, Paris, 1889, p. 163), ni le texte des Septante, qui était autrefois regardé par plusieurs comme inspiré. S. Augustin, De consensu Evangel., ii, 66, t. xxxiv, col. 1139, et Qumst. clxix in Gen., t. xxxiv, col. 595. Il fallait donc, tout en maintenant la leçon de l’hébreu et celle du grec, expliquer comment Caïnan se lisait dans celui-ci et manquait dans celui-là. On conçoit que le problème ainsi proposé devait embarrasser même les plus habiles.

1° Il y eut des commentateurs qui prétendirent que, pour obtenir un nombre égal dans les deux listes des patriarches antédiluviens et postdiluviens, ou pour toute autre raison, Moïse aurait omis Caïnan dans la seconde, et que les Septante l’y auraieut rétabli par une inspiration divine. C’est là une affirmation gratuite, et personne du reste n’admet aujourd’hui l’inspiration des traducteurs alexandrins. — 2° Non moins arbitraire est le procédé de certains autres, qui, tenant pour véritable le nombre de générations donné par l’hébreu, et croyant qu’on pouvait, sans augmenter ce nombre, maintenir le nom de Caïnan dans la version des Septante, imaginèrent soit de faire de Salé un fils adoptif de Caïnan, soit de le lui donner pour frère : deux hypothèses également gratuites, dont la seconde contredit en outre Gen., x, 24 ; xi, 12-13. On peut adresser le même reproche d’arbitraire à ceux qui identifient Caïnan avec Salé, en s’appuyant sur le passage parallèle de saint Luc, iii, 36, où, d’après eux, les deux mots toû Kafvâv auraient été placés après toC SoeXi comme une sorte d’explication par apposition, de manière à donner ce sens : « Salé, celui qui s’appelle aussi Caïnan. i, — 3° Selon une opinion adoptée par Grotius et un assez grand nombre d’exégètes, il n’y aurait pas de contradiction entre le texte original hébreu et le texte primitif des Septante, et Caïnan aurait été introduit plus tard dans le grec par des copistes, peut-être avec l’intention de compléter la liste des traducteurs alexandrins par celle de saint Luc. Voir Grotius, Annotât, in Luc., iii, 36, Amsterdam, 1641, p. 658. — 1. Ces auteurs regardent comme un indice de cette interpolation la singulière identité des deux nombres d’années qui suivent le nom de Caïnan et

celui de Salé. Gen., xi, 12-13. — 2. Ils allèguent encore l’absence de Caïnan dans l'édition sixtine des Septante, I Par., i, 18, 24 ; dans l'édition vulgaire, I Par., i, 24, et dans les Codex Vaticanus et Sinaiticus, et ils concluent de cette omission que ce nom manquait aussi primitivement même dans le grec de Gen., x, 24, et xi, 1$1-$23. — 3. Un autre argument qu’apportent ces écrivains pour prouver que Caïnan n'était pas dans l’original grec, c’est qu’il n’a été connu ni des anciens auteurs païens ou juifs, Bérose, Eupolème, Polyhistor, Josèphe, Philon, ni des premiers Pères. Mais Alexandre Polyhistor et Eupolème (ce dernier connu seulement par les citations du premier) ne parlent pas des généalogies de la Genèse dans les fragments que nous a conservés Eusèbe, et qui ont été recueillis dans les Historicorum grsecorum fragmenta, t. iii, édit. Didot. Bcrose (le Bérose chaldéen authentique) n’a jamais cité la Bible ; quant à Josèphe et à Philon, ils suivent quelquefois, Josèphe. surtout, le texte hébreu ; leur silence sur Caïnan ne tirerait donc pas à conséquence, non plus que celui des autres auteurs profanes. En ce qui regarde les plus anciens Pères, leur témoignage ne saurait fournir un argument certain dans un sens ou dans l’autre. En effet, tandis que, d’après Grotius, Annot. in Luc, iii, 36, p. 658, et d’après d’autres, ils auraient ignoré l’existence du second Caïnan, le P. Pezron affirme, au contraire, dans Calmet, Comment, littéral de la Genèse, x, 24, Paris, 1707, p. 297, qu’il a été connu de tous les Pères qui ont vécu avant Origène. Cette divergence tient sans doute à ce que la supputation du nombre des générations est souvent exprimée d’une manière équivoque, rien n’indiquant par quels personnages commencent ou finissent les lignes généalogiques dont s’occupent ces écrivains. Voir S. Épiphane, De meneur, et ponderibus, 22, t. xliii, col. 277 ; cf. Expositio fidei, 4, t. xlii, col. 780. De plus, il arrive quelquefois qu’on juge de leur sentiment par des passages discutables, sans recourir à ceux où leur vraie pensée est formellement exprimée. Saint Épiphane, par exemple, qu’on invoque contre Caïnan, nomme plusieurs fois ce patriarche, en le donnant expressément comme fils d’Arphaxad et père de Salé, Hæres. lxvi, 83, t. xlii, col. 164 ; Lib. Ancor., 59 et 114, t. xliii, col. 121, 224 ; et il paraît supposer sa présence dans la seconde dizaine généalogique du texte cidessus indiqué de V Expositio fidei. Du reste, on ne pourrait jamais rien inférer de certain contre Caïnan soit des textes, même incontestables, des Pères, soit des versions faites sur les Septante, parce qu’il a pu circuler de bonne heure des copies corrigées d’après l’hébreu, comme le fut celle des Hexaples d’Origène. Ajoutons enfin que si la liste donnée par saint Luc a été empruntée aux Septante, comme le pensent la plupart des commentateurs, Caïnan se lisait dans la version grecque du temps de Notre -Seigneur. L’opinion de Grotius est donc loin d'être appuyée sur des preuves vraiment solides, et il faut chercher ailleurs la solution du problème de Caïnan. — 4° La véritable explication paraît avoir été donnée par ceux qui ont pensé que le nom de Caïnan, primitivement porté par le texte hébreu, a été omis plus tard dans les manuscrits qui ont servi à saint Jérôme et aux Massorètes. Cette explication si simple et si naturello est admise pour bien d’autres passages des Livres Saints ; rien ne s’oppose à ce qu’on y recoure dans celui-ci. On conçoit aisément, en effet, quand il s’agit d’une liste souvent recopiée pendant de longs siècles, qu’un des noms qu’elle porte soit omis par certains copistes et conservé par d’autres ; les Septante ont donc pu faire leur traduction sur un ou plusieurs manuscrits portant le nom de Caïnan, tandis que ce nom manquait dans le manuscrit des Massorètes.

Il résulte de là que si l’on ne peut apporter en faveur de l’existence historique du second Caïnan des preuves décisives, il n’y a point non plus de raison suffisante pour la rejeter. Cette existence nous est d’ailleurs attestée par