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CAILLE — CAIN


s’est servi des causes physiques dans ces deux occasions qu’en y ajoutant la marque de son intervention surnaturelle. Le caractère surnaturel de l’arrivée des cailles se reconnaît à ce que : 1. Elle s’est produite au moment voulu par le Seigneur. — 2. Elle a été annoncée à l’avance. — 3. Dans le second cas, la quantité des cailles a prodigieusement dépassé ce qui se rencontre habituellement. Bufibn parle de cent mille cailles prises en un jour à Nettuno. Au désert, six cent mille hommes, pour ne compter que les plus forts, ramassent chacun un minimum de quatre hectolitres, soit vraisemblablement dés centaines de cailles. — 4. Enfin l’intervention divine se montre encore dans le châtiment qui frappe non seulement les « mieux repus », mais aussi les « jeunes hommes », comme marque le Psaume lxxviii, 31. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889,

t. ii, p. 463-468.

H. Lesêtre.

CAÏN ( hébreu : Qaïn ; Septante : Kiev), fils aîné d’Adam et d’Eve. Lorsque Eve l’eut mis au monde, elle dit : « J’ai acquis (qânîti) un homme par Jéhovah. » Gen., iv, 1. Cf. Gen., xiv, 19 ; Prov., viii, 22. Le nom de Caïn se retrouve avec le sens de « créature, rejeton », dans les inscriptions sabéennés de l’Arabie méridionale. En assyrien, il signifie « ce qu’on possède, un esclave », signification qui est peut-être un vestige de la malédiction du meurtrier d’Abel. F. Lenormant, Lettres assyriologiques, t. ii, p. 173 et p. 15-16. Caïn s’adonna à la culture de la terre, tandis qu’Abel, son frère, gardait les brebis. L’agriculture et la vie pastorale nous apparaissent ainsi dès les premiers jours de l’humanité. Déjà Adam cultivait la terre dans le paradis ; après qu’il en eut été chassé, il continua ce travail, devenu pénible par l’effet du péché ; il est à croire qu’ily joignit l'élevage des brebis afind’avoir de quoi se vêtir et afin de se procurer pour sa nourriture, outre les produits des champs, le lait et peut-être aussi la chair de ces animaux. Ses fils partagèrent naturellement ses travaux, et, soit par la volonté d’Adam, soit par goût personnel, chacun d’eux se livra à l’une de ces deux occupations, sauf à faire au besoin échange avec son frère des produits de leur travail respectif. L’Ecriture ne nous dit rien des sentiments de Caïn pour son frère jusqu’au jour où il offrit au Seigneur des fruits de la terre. Dieu ne regarda ni ses présents ni lui-même, tandis qu’il agréait les offrandes et la personne d’Abel. Cette préférence irrita profondément le fils aîné d’Adam, et l’abattement empreint sur son visage fit voir la colère et la haine qui venaient de s’allumer en lui contre son frère. Gen., iv, 5. Cependant plusieurs Pères ont pensé que l’aversion de Caïn contre Abel existait déjà auparavant, et que c’est pour cela que Dieu n’agréa pas son sacrifice. S. Cyprien, De Unit. Eccl., t. iv, col. 510 ; S. Augustin, In Èpist. Joan. ad Parthos, iii, Tract, v, n. 8, t. xxxv, col. 2017 ; S. Bernard, In Cantic, Serm. xxiv, 7, t. clxxxiii, col. 898. En ce qui regarde ce rejet des offrandes de Caïn, on peut en donner une autre raison plus profonde. Saint Paul, en disant, Hebr., xi, 4, que ce fut par sa foi qu’Abel présenta à Dieu des offrandes plus abondantes que celles de Caïn, nous enseigne indirectement que Caïn manqua de cette foi et de la religion qui l’accompagne nécessairement. C’est aussi ce que donne à entendre la Genèse, iv, 3-4 : « Abel, dit-elle, offrit des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse, » c’està-dire des plus gras et des plus beaux ; mais, en ce qui touche Caïn, elle se borne à dire qu’il « fit une offrande des fruits du sol », les premiers venus sans doute ; peut « tre même garda-t-il à dessein pour lui ce qu’il y avait de meilleur, comme l’insinue la traduction des Septante : ôp6w ; ôé ht, StsXr, ; , Gen., iv, 7, et comme le pensent beaucoup de commentateurs. S. Pierre Chrysologue, Serm. cix, t. iii, col. 502 ; cf. S. Chrysostome, Homil. xrii in Gènes., 5-6, t. lui, col. 155. Il faisait du moins un partage toujours abominable aux yeux de Dieu, « lui don nant quelque chose du sien, mais se gardant lui-même. » S. Augustin, De Civit. Dei, xv, vii, t. xli, col. 444.

Caïn en voulut à son frère d’un résultat qu’il savait bien ne pouvoir imputer qu'à lui-même, et la colère contre Abel le « brûla ». Gen., iv, 5 (hébreu). Dieu essaya de le ramener à de meilleurs sentiments ; comme il était allé au-devant du père après son péché dans le paradis, il vint de même au-devant du fils coupable, montrant par là que sa miséricorde était toujours assurée à l’homme. Il y eut même, dans cette démarche divine envers Caïn, quelque chose de plus touchant : le Seigneur s'était borné à faire constater à Adam sa nudité corporelle comme témoignage du péché extérieur qu’il avait commis, tandis qu’il parla à Caïn de ses dispositions intimes et des projets fratricides qu’il tenait cachés au fond de son cœur. « Pourquoi, lui dit-il, es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ? Est-ce que, quand tu as bien agi, tu ne le relèves pas, en signe de ta bonne conscience ? Mais si tu ne fais pas bien, le péché se tient en embuscade à ta porte, et son désir est vers toi [ pour que tu succombes ] ; mais toi, domine sur lui. » Gen., iv, 6-7 (hébreu). Dieu avertit donc Caïn du danger auquel l’exposaient les mauvaises dispositions dans lesquelles il s’entretenait. En outre, Dieu ne se borna pas à révéler à Caïn son état intérieur ; il lui rappela aussi la puissance de son libre arbitre pour résister aux tentations et vaincre cette bête féroce du péché. S. Bernard, Serm. v in Quadrages., n. 3, t. clxxxiii, col. 179. La version de ce passage dans la "Vulgate offre un sens un peu différent : « Si tu fais bien, ne recevrastu pas la récompense, » comme Abel a reçu la sienne ? « Si tu fais mal, au contraire, le péché ne sera - 1 - il pas aussitôt à ta porte ? mets sous toi ton désir, et tu le domineras. » Beaucoup entendent ici par le péché la peine qui le suit, le remords, le trouble, etc. Cf. Zach., xiv, 19.

Caïn ne fut ni touché par ce langage plein de bonté, ni effrayé de ce regard qui pénétrait dans les replis de son âme. Il exécuta le dessein qu’il avait formé de tuer Abel : « Et Caïn dit à son frère : Allons dehors. » Ces deux derniers mots manquent dans l’hébreu. « Et lorsqu’ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. » Gen., iv, 8. Il n’y a pas trace de lutte dans le récit, qui ne nous dit pas non plus si le meurtrier accomplit son crime par la seule force de son bras ou à l’aide de quelque arnfe. « Et le Seigneur dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? » Gen., iv, 9. C’est une chose remarquable que Dieu procède par interrogation avec Caïn comme avec Adam après leur péché : « Où es-tu ? » dit-il à Adam, Gen., iii, 9 ; et à Caïn : « Où est ton frère ? » et tout de suite après : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Gen., iv, 9, 10. Il lui avait déjà dit : « Pourquoi es-tu irrité? » Gen., iv, 6. Dieu prévient ainsi l’homme coupable, l’oblige à regarder en lui-même pour voir sa faute, et à disposer son cœur pour recevoir le pardon par le repentir. S. Prosper, De vocatione Gentium, ii, 13, t. li, col. 698. Cette bonté pour celui qui venait de commettre un si grand crime, au mépris des paternelles remontrances de Dieu, fait ressortir plus fortement l’insolente réponse de Caïn ; au lieu de se cacher et de s’humilier devant le Seigneur, comme Adam son père, il tient tête à Dieu et semble le défier : « Je n’en sais rien, dit-il. Suis-je le gardien de mon frère ? » Gen., iv, 9. Il savait bien pourtant que Dieu, qui avait lu naguère dans son cœur, ne pouvait ignorer son forfait. Par son impénitence orgueilleuse, il contraignit en quelque sorte le Seigneur à lui infliger un terrible châtiment : « Tu seras maudit sur la terre, … tu la cultiveras, elle ne te donnera pas ses fruits : tu seras vagabond et fugitif sur la terre. » Gen., IV, 10-12. Dieu n’avait pas maudit Adam, mais seulement la terre, parce qu’Adam avait confessé sa faute ; il maudit Caïn, comme il avait maudit le serpent, c’est-à-dire le démon, dont Caïn imitait l’envie et avait suivi les inspirations. Cf. S. Chrysostome, Homil. xix in Gen., 3, t. lui, col. 162. En même temps il aggrava pour lui la malédiction de la terre,