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CHANAAN


se vérifia par rapport à Chanaan lui-même. Quant à sa postérité, on sait comment elle fut en partie détruite, en partie subjuguée par les Israélites, et comment les peuples chananéens ont fini par disparaître de la scène de l’histoire.

2. CHANAAN (PAYS DE). On est naturellement tenté de croire que ce terme géographique comprend toutes les contrées habitées par les descendants de Chanaan, c’est-à-dire le pays des Chananéens dans le sens le plus large. Néanmoins, parmi les peuples chananéens mentionnés Gen., x, 15-18, il yen a qui, d’après toutes les données de l’histoire, ont toujours eu leur siège hors des limites assignées au pays de Chanaan. Ailleurs, au contraire, le nom de « Chananéens » est pris dans un sens beaucoup plus restreint, ne comprenant qu’une petite partie des descendants de Chanaan. Voir, par exemple, Gen., xv, 21 ; Exod., xxiii, 23, 28, etc. Et en prenant le nom dans ce sens restreint, le territoire « des Chananéens » ne comprenait que la moindre partie du pays « de Chanaan », c’est-à-dire la côte de la Méditerranée de Gaza à Sidon et la vallée du Jourdain. Cf. Gen., x, 19 ; Num., xill, 30 (hébreu, 29) ; xiv, 25 ; Deut., i, 7 ; Jos., xi, 3. L’étude des textes où il est question du « pays de Chanaan » montre que cette expression désigne la Palestine occidentale ou cisjordanienne, avec le pays compris entre le cours supérieur du Jourdain et le Nahr er-Rouqqâd ou le Djaulan occidental.

Le pays de Chanaan est d’abord la terre où habitaient les patriarches, Gen., xi, 31 ; xii, 5 ; xvii, 8 ; la terre promise à leur postérité, Gen., xvii, 8 ; Lev., xiv, 34 ; xxv, 38 ; Num., xiii, 3 ; xxxiv, 2, 29, et que les Israélites ont conquise sous Josué. Ps. civ (hébreu, cv), 11. Elle est à l’ouest du Jourdain. Num., xxxiii, 51 ; cf. xxxiv, 2, 12, et Ezech., xlvii, 18. Le pays de Chanaan, où la manne cessa de tomber, Exod., xvi, 35 ; Jos., v, 12, commence au Jourdain ; car Moïse a vu le pays du mont Nébo, Deut., xxxii, 49, sans pouvoir y entrer, Deut., xxxii, 52 ; cf.Num., xiv, 30 ; xx, 12 ; Deut., xxxii, 49. C’est pourquoi il est opposé au pays transjordanien, Num., xxxii, 32 ; xxxiii, 51 ; xxxiv, 2, 15 ; xxxv, 14, ou pays de Galaad, Jos., xxii, 9-15, comme au cercle (kikkar) de la Pentapole, Gen., xm, 12, et à la montagne de.Séir. Gen., xxxvi, 5-8. Il comprend Béthel et Haï, Gen., xiii, 3, cꝟ. 12 ; xxxv, 6 ; Ilébron, Gen., xvï, 3 ; cf. xiv, 13 ; xxxvii, 1, cꝟ. 14 ; Num., xm, 23, 30 ; Salem, ville des Sichémites, Gen., xxxiii, 18 ; Arad, dans le midi de la Palestine, Num., xxxiii, 40 (hébreu) ; les montagnes de Garizim et d’Hébal, Deut., xi, 30 ; la ville de Silo. Jos., xxii, 9 ; Jud., xxi, 12. Il s’étend enfin « du désert de Sin au midi jusqu’à Rohob à l’entrée d’Émath ». Num., xiii, 3, 17, cꝟ. 22. Nous ne connaissons qu’un seul texte qui pourrait faire croire un moment que le pays de Galaad était compris dans la terre promise aux patriarches. Deut., xxxiv, 2-4, sur le mont Nébo, Dieu montre à Moïse « toute la terre de Galaad jusqu’à Dan », la terre de Nephthali, d’Éphraïm, de Manassé et de Juda jusqu’à la Méditerranée, y compris le Négeb et la plaine de Jéricho jusqu’à Ségor, en disant : « Voilà le pays que j’ai juré à Abraham, à Isaac et à Jacob de donner à leur postérité. » Néanmoins ces dernières paroles ne s’appliquent pas au pays transjordanien, où se trouvait Moïse, et qu’il venait de conquérir sur les rois d’Hésébon et de Basan, Num., xxi ; Deut., n-m ; car, quant à la Terre Promise, Dieu ajoute immédiatement : « Je vous l’ai fait voir de vos yeux, mais vous n’y entrerez pas. » Il est tout naturel cependant que le pays de Galaad soit nommé au ^.2, dans la description du panorama vu du mont Nébo, dont il faisait la partie la plus rapprochée. Une description détaillée des « frontières s du pays de Chanaan se lit au chap. xxxiv des Nombres, 3-12, et au chap. xlvii d’Ézéchiel, 15-20. Il est vrai que dans ce dernier passage le nom de « Chanaan » n’apparaît pas : il s’agit de la terre, qui, d’après une vision prophé tique, devait être distribuée de nouveau entre les douze tribus d’Israël ; mais on ne saurait douter de l’identité des deux lignes de frontières.

Il est hors de doute encore que dans le Pentateuque et dans Ézéchiel la Méditerranée limite le pays vers l’ouest, tandis que le cours inférieur du Jourdain et la mer Morte forment en grande partie la limite orientale. La frontière du midi est déterminée dans les Nombres par les localités suivantes, en allant de l’est vers l’ouest : le désert de Sin, à côté d’Édom ; la montée à"Aqrabbîm (Vulgate : ascensus Scorpionis) ; Sin (Vulgate : Senna) ; Cadèsbarné ; Ifâfar-Addâr (Vulgate : villa nomine Adar) ; Asémona ; le torrent d’Egypte. Ézéchiel ne mentionne que « Thamar, Cadès = Cadèsbarné et le torrent ». Mais toutes les localités des Nombres se retrouvent dans Josué, xv, 1-4, sur les limites méridionales de la tribu de Juda. Ici encore deux villes sont ajoutées : Esron à l’est, et Carcaa à l’ouest d’Adar. Il résulte donc de ce passage de Josué que le pays de Chanaan promis à Moïse, Num., xxxiv, ne s’étend pas plus loin vers le midi que le territoire occupé de fait par les Israélites sous Josué. Ce point mérite d’être constaté. Du reste, nous n’avons pas à entrer dans le détail des identifications proposées, qui en grande partie sont encore peu certaines. Voir les articles spéciaux. Disons seulement ici que Cadèsbarné semble être retrouvé dans’Ain Qadîs, à 30° 33’latitude nord, et qu’on peut par conséquent étendre jusque-là la limite méridionale de la terre de Chanaan.

Du côté du nord on rencontre des difficultés plus . sérieuses. L’opinion commune ne voit dans les frontières septentrionales des Nombres et d’Ézéchiel que des frontières « idéales » ou « prophétiques », allant vers le nord et vers l’est à une distance considérable au delà des frontières réelles du pays occupé par Josué. Et de fait pas une seule des localités nommées dans ces deux livres sur les frontières du pays de Chanaan ne se retrouve dans la description des deux tribus septentrionales (Aser et Nephthali) dans le livre de Josué, xix, 24-39. Nous croyons néanmoins que la différence entre les frontières « idéales » et les frontières réelles du pays d’Israël, si différence il y a, se réduit à très peu de chose. Voici les localités données par les Nombres, en partant de la Méditerranée : Hôr hà-hâr (Vulgate : mons allissitnus. L’expression hébraïque pourrait signifier s Hor de la montagne », mais on comprend ordinairement « le mont Hor a) ; Bô’flâmât (Vulgate : a quo venient in Ernath) ; Sedada ; Zephrona ; ffasar’Ênân (Vulgate : villa Enan).

— Le texte d’Ézéchiel, xlviii, 1-28, est un peu plus développé ; on y rencontre, en allant également de l’ouest à l’est : le chemin d’Héthalon ; Bô’Sedâdâh (Vulgate : venientibus Sedada) ; Émath (nous croyons, d’après xlviii, 1, qu’il faudra lire avec les Septante : Bô’Cernât, Sedâd, etc.) ; Bérotha ; Sabarim, entre le territoira de Damas et celui d’Émath ; Ifâ^êr hat-tikôn (= Ifâçêr du milieu ; Vulgate : domus Tichon), sur la frontière du IJaurân (Vulgate : juxta terminum Auran) ; Hâ$ar’Ênôn ou IJàsar’Ênân, Ezech., xlviii, 1 (Vulgate : atrium Enan). Le texte ajoute : « sur la frontière de Damas. »

— La frontière orientale, d’après les deux textes, part de Jfâ$ar’Ênân et parvient au Jourdain pour le suivre jusqu’à la mer Morte. Mais les Nombres ajoutent d’autres détails : « Vous vous marquerez la frontière à l’est de Ifâsar’Ênân jusqu’à Sephama. Et la frontière descend de Sephama jusqu’à Rebla (mais d’après les Septante, qui ont Ap8tj), i£, on pourrait lire Harbèl), à l’est de’Ayin (Vulgate : contra fontem Daphnin). Et la frontière descend et touche à l’épaule de la mer de Cennéreth, vers l’est, et descend au Jourdain… »

L’opinion la plus récente et la moins invraisemblable que nous trouvons chez les savants modernes à propos de ces frontières est celle de Furrer (Antike Stâdte im Libanongebiete, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, année 1885, p. 27-34), adoptée