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CHAMEAU — CHAMOS


il que l’impossibilité indiquée par Notre -Seigneur ne serait guère atténuée. — D’autres ont cru trouver la solution de la prétendue difficulté dans le second terme de la comparaison, et ont déclaré que le « trou de l’aiguille » était une petite porte de Jérusalem par laquelle les animaux ne pouvaient passer qu’en s’agenouillant et en s’inclinant très bas. Dans certains pays, dans la vallée du Nil en particulier, on accède dans les enclos par des portes très basses, et il n’est pas rare de voir les chameaux se traîner sur les genoux et incliner le cou en avant pour pouvoir passer. L. de Laborde, Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, Paris, 1841, p. 36, dit à ce sujet : « La docilité de cet animal est complète. J’en ai vu mettre plusieurs dans une écurie où l’on avait l’habitude de garder des ânes, et dont la porte n’avait pas trois pieds de hauteur. Voici comment on s’y prenait : on les faisait asseoir, puis on les obligeait à marcher sur les genoux et sur la rotule de derrière, de manière à avancer sans s’élever. » « Hier, écrit aussi lady Dulf Gordon, j’ai vu un chameau qui se glissait par un trou d’aiguille. On appelle ainsi, en effet, la petite ouverture d’un enclos. L’animal doit glisser sur les genoux et courber la tête pour y pénétrer. » Letters from Egypt, Londres, 1865, p. 133. Cette explication, qui fait du trou de l’aiguille une petite porte, date du moyen âge ; mais elle manque de base. Nulle part, dans toute la Syrie, on ne donne à une porte le nom de trou d’aiguille, et, dans les pays où l’on emploie aujourd’hui cette expression, c’est très probablement par pure application du proverbe évangélique. Cf. Socin, Zeitschrift des deutschen Palâstina, Vereins, 1891, p. 30. Ce proverbe, du reste, n’est pas isolé. Notre -Seigneur en emploie un autre tout aussi hyperbolique quand il dit que les pharisiens « filtrent le moucheron et avalent le chameau », Matth., xxiii, 24, c’est-à-dire se font scrupule de fautes insignifiantes et commettent sans broncher les plus graves transgressions. Le Talmud contient plusieurs locutions tout à fait analogues. On dit à quelqu’un qui raconte une chose incroyable : « Tu es donc de Pum-Beditha, où l’on fait passer un éléphant par le trou d’une aiguille ? » Baba Metzia, fol. 38, 2. « On ne voit nulle part ni palme en or, ni éléphant passer par le trou d’une aiguille. » Berachoth, fol. 55, 2. On lit encore dans le Midrasch sur le Cantique des cantiques, fol. 25, 1 : « Dieu dit aux Israélites : Ouvrez-moi la porte du repentir grande comme un trou d’aiguille, et je vous ouvrirai la porte du royaume céleste de telle sorte que vous y entrerez sur un char à quatre chevaux. » Enfin, dans le Koran, surate vii, 39, il est écrit : « Les infidèles n’entreront dans le paradis que quand un chameau passera par le trou d’une aiguille. » Il est curieux de remarquer que plusieurs commentateurs du Koran ont aussi cherché à remplacer gemel, « chameau, » par geml, « câble ». Ces exemples prouvent que l’expression employée par Notre -Seigneur était proverbiale et que, sous une forme hyperbolique familière aux Orientaux, elle marquait la grande difficulté de réussir dans une entreprise. Voir Aiguille, t. i. col. 306. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, Paris, 1859, p. 17 ; Million, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1878, p. 381 ; Knabenbauer, Comment. inEvang. sec. Matth., Paris, 1893, t. ii, p. 161. Remarquons en terminant que, même en français, nous nous servons d’hyperboles tout aussi fortes. Quand nous lisons dans la Fontaine, Fables, viii, 25 :

Si j’apprenais l’hébreu, les sciences, l’histoire ! Tout cela, c’est la mer à boire,

cette locution : « la mer à boire, » ne nous choque nullement. Nous l’employons couramment pour parler d’une chose de difficile exécution, et personne n’a jamais songé à la prendre à la lettre. L’hyperbole y est pourtant plus accusée encore que dans les proverbes évangéliques. — Voir J. von.Hammer-Purgstall, Dos Kamel, in-4°, Vienne, lSJi, II. Lesltre.

CHAMOIS. C’est une sorte d’antilope, Antilope rupicapra, qui a la taille d’une forte chèvre, et qui vit en troupes peu nombreuses dans les hautes montagnes comme les Alpes et les Pyrénées. Dans ces dernières, il porte aussi le nom d’isard. Il n’y a aucune trace de chamois en Palestine à l’époque actuelle, et rien absolument n’autorise à penser qu’il en ait existé autrefois dans ce pays. On ne peut donc identifier cet animal avec le zémér, Deut., xiv, 5, ainsi que l’ont fait quelques auteurs. Le zémér est « l’animal qui saute », il est vrai ; mais ce caractère peut convenir à beaucoup d’autres qu’au chamois.

Voir Caméléopard, Mouflon.

H. Lesêtre.
    1. CHAMOS##

CHAMOS (hébreu : KemûS ; Septante : Xajjuic), dieu de Moab et d’Ammon. Il apparaît comme dieu d’Ammon en une circonstance unique, lors du message adressé par Jephté au roi des Ammonites, où il réclame comme siens les pays conquis par Jéhovah, le Dieu d’Israël, au même titre que lui revendique les possessions de Chamos, son dieu. Jud., xi, 2’t. Le dieu national des Ammonites était Moloch, « le roi. » I (III) Reg., xi, 7 ; II (IV) Reg., xxm, 13 ; Il Sam. (II Reg.), xii, 30 ; Jer., xlix, 1. Chamos est ici nommé comme dieu d’Ammon, sans doute parce que les Ammonites honoraient à la fois Chamos et Moloch, comme plus tard Salomon adora Chamos, Moloch et Astarté en même temps que Jéhovah. III Reg., xi, 5, 7, 33. — En dehors de cette circonstance, Chamos apparaît partout ailleurs comme dieu de Moab. Moab est appelé « le peuple de Chamos », Num., xxi, 29 ; Jer., xlviii, 46 ; les prêtres et les princes de Moab sont désignés comme « ses prêlres et ses princes ». Jer., xlviii, 7. Chamos « a laissé ses fils prendre la fuite et ses filles devenir captives de Séhon, le roi amorrhéen », Num., xxi, 29 ; « il doit être lui-même emmené en exil avec ses prêtres et ses princes ; il sera une cause de confusion pour Moab, qui a mis en lui sa confiance ; car ses fils et ses filles ont été pris captifs. » Jer., xlviii, 7, 13, 46. — Salomon introduisit son culte dans sa capitale ; il « éleva un bâmâh (lieu haut) à Chamos, idole de Moab, sur la montagne qui est contre Jérusalem et l’adora ». I (III) Reg., xi, 7, 33. Plus tard, Josias « profana les bâmôf (hauts lieux) qui se dressaient contre Jérusalem, à la droite de la montagne du Scandale, et que Salomon avait élevés en l’honneur de Chamos, idole de Moab, et d’autres dieux étrangers ». II (IV) Reg., xxiii, 13.

Un monument moabite, la stèle de Mésa, découverte en 1869 et actuellement au musée

judaïque du Louvre, parle comme

l’Écriture du dieu Chamos. Il est seul nommé dans l’inscription, mais as socié une fois à la déesse Astarté, appelée’Aslar - Kamos, 1. 17. Moab est désigné comme « sa terre », 1. 5. Nous ignorons comment ou le re présentait. Voir Mésa. — Les découvertes épigraphiques modernes ne

nous ont pas fourni jusqu’ici d’autres renseignements sur le dieu Chamos.

On a retrouvé seulement son nom

dans certains noms propres, tels que Chamos [gad ( ?)], sur la stèle de

Mésa ; Kamusunadbi, dans une inscription assyrienne ; Kamosihï (cf. hébreu : Yehî’êl, I Par., xv, 18), sur une gemme (fig. 182) reproduite dans de Vogué, Mélanges d’archéologie orientale, p. 89. Peut-être ce nom se retrouve-t-il aussi dans le nom de Charcamis, qui, d’après Lauth, Ilion und Helena, dans l’Allgemeine Zeitung, juillet 1875, Beilage, n° 191, p. 3009, signifie « ville de Chamos ». — Sur la vraie nature de ce dieu on a émis diverses hypothèses. Les uns, comme saint Jérôme, In 7s., xv, 2, t. xxiv, col. 168, l’identifient à Béelphégor et fixent à Dibon le centre de son culte, — la découverte delà stèle de Mésa semble confirmer ce dernier point ; —

[[File: [Image à insérer] |300px]]
182. — Sceau de

Chaniosihi.

Collection de Clercq.