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CÉTHIM


Grecs de Chypre, malgré la supériorité de l’alphabet phénicien, qui s’était imposé aux autres Grecs, rester attachés jusque sous la domination perse à une écriture à part, originaire aussi sans doute de l’Asie, mais dont le système primitif conservait une valeur syllaWque aux caractères et, par l’absence de consonnes douces ou aspirées, ne s’adaptait que très imparfaitement à la prononciation de leur langue. Rien que ce fait suffirait à prouver que, doués d’un certain esprit d’isolement et d’indépendance, ils s’étaient laissé entamer moins complètement qu’on ne le croyait par l’ascendant des Phéniciens auxquels ils étaient mêlés, et qui occupaient de longue date plusieurs positions importantes sur les côtes de l’île. » L. Heuzey, Catalogue des figurines antiques de terre cuite du musée du Louvre, 1. 1, p. 114. L’écriture cypriote est celle des aborigènes, antérieurs à la venue des colons phéniciens et des colons grecs de la seconde émigration, c’est-à-dire d’une des populations préhelléniques que les anciens ont confondues sous le nom de Pélasges. La langue de ces inscriptions est le dialecte éolien, avec des formes grammaticales se rapprochant beaucoup de l’arcadien. Philippe Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, 1891, p. 85-69 et 111-113 ; Transactions of the Society of Biblical archseology, mémoires de MM. Hamilton Lang, G. Smith et S. Birch, t. i, 1872, p. 116-128, 129-144, 145-172 ; Journal des savants, articles de M. Michel Bréal, août et septembre 1877, p. 503 et 551 ; G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, p. 497. On a cherché l’origine de cette écriture dans le système cunéiforme et dans le système héthéen ; mais jusqu’à présent on en est encore réduit à des conjectures. P. Berger, ouvr. cit., p. 88 et 112 ; W. Deecke, Der Ursprung des Kyprischen Sylbenschrift, in-8°, Strasbourg, 1877 ; jBessenberger’s Beitràge zur Kunde der Indogerm. Sprachen, t. IX, 1884, p. 250 et 251 ; W. Wright, The Empire of the Hittites, 2e édit, in-8°, Londres, 1866, p. 177-198. On peut dire, en tout cas, que de la ressemblance des alphabets il ne faut pas conclure à l’identité d’origine des deux peuples, et que, dans l’état actuel de la science, l’assimilation entre les Kittim et les Héthéens n’est aucunement prouvée. E. Schrader, Keilinschriften und Geschiehtsforschung, 1878, p. 236.

Le nom de Cition, Kathian, figure, au XIIIe siècle avant J.-C, dans la liste des villes de Chypre soumises par Ramsès III. J. Dûmichen, Historische Inschriften altàgyptischer Denkmàler, dans le Recueil de monuments égyptiens de H. Brugsch et J. Dûmichen, 5e partie, Leipzig, 1885, pi. xii ; S. Birch, Records of the Past, t. VI, p. 17. Au contraire, le nom de ses rois ne figure pas dans la liste des rois’de Chypre soumis à Assaraddon. Le pays avait été cependant conquis par Sargon, qui éleva en souvenir de sa victoire un monument que l’on a retrouvé à Larnaca, sur l’emplacement même où se trouvait Cition, et qui est conservé aujourd’hui au musée de Berlin. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 208 et 249 ; Halévy, dans la Revue des études juives, t. ii, 1881, p. 2-6, 12-14 ; cf. Oppert, inscription des Taureaux de Khorsabad, 1. 36, dans Botta, Monuments de Ninive. Inscr., pi. xii ; E. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 243. Cette absence s’explique par un fait que rapporte l’historien Ménandre, cité par Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 12 ; cf. VIII, v, 3, et Contr. Apion., i, 18. Les habitants de Cition étaient alors soumis au roi de Tyr, il n’y avait donc pas à cette époque de rois indépendants à Cition. E. Schrader, Die Keilinschriften und Geschichtsforchung, p. 80 et 245 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e partie, 1884, p. 49. Par la suite, Cition eut des rois indépendants, et leurs noms figurent dans les inscriptions phéniciennes à côté de celui des rois d’Idalie. Ces rois ont tous des noms phéniciens. Corpus Inscriptionum semilic., n os 10, II, 13, 14, 16, 89, 90, 91, 92. Parfois cependant Cition et Tyr se trouvèrent de nouveau réunies sous un seul roi, qui porte

le nom de roi de Cition et de Tyr. C’est le titre qui est mentionné sur certaines monnaies du Ve siècle à légende phénicienne. De Luynes, Essai sur la numismatique des satrapies, 1846, p. 72, 82, 83, pi. xm et xiv ; Six, Du classement des monnaies cypriotes, 1883, p. 256. Au temps des Ptolémées, nous voyons mentionnée une ère particulière, dite ère des Ciliens. Corpus Inscr. Semilic, t. r, part, i, n os 93, 94. Cf. Revue archéologique, 1874, l re part., p. 90.

Le mot Kittim désigne l’île de Chypre dans le passage d’Isaïe où le prophète annonce les malheurs qui séviront sur Tyr. Is., xXm, 1. (Septante : Kmaïoi ; Vulgate : Céthim. ) Les navires marchands qui reviennent de Tharsis apprennent par les habitants de Céthim que la flotte a été détruite. Un peu plus loin, le même prophète invite les Sidoniens à se réfugier à Céthim. Is., xxiii, 12. (Septante : KiTieîs ; Vulgate : Céthim.) Ce texte trouve son commentaire dans l’inscription de Sennachérib sur les taureaux de Koyoundjick, 1. 18-19. Cuneiform Inscriptions of the Western Asia, t. iii, pi. 12 ; cf. t. i, pi. 43.

II. Céthim désignant les pays de l’Occident. — Dans d’autres passages, le mot Kittim désigne par extension les îles de la Méditerranée en général et même tous les pays d’Occident. Quand Balaam, Num., xxiv, 24, annonce les défaites des Assyriens et des Hébreux, il dit que des navires viendront deKittim (Septante ; Kitraïoi ; Vulgate : ltalia). Ce mot désigne d’une manière générale les pays d’Occident. D’après F. Lenormant, cette prophétie s’appliquerait à des événements du règne de Nabuchodonûsor, qui sont racontés par les historiens et mentionnés dans les inscriptions. Hérodote, II, 161 ; Diodore de Sicile, i, 68 ; Josèphe, Ant. jud., X, ix, 7 ; Zeitschrift fur àgyptische Spràche, S~8, p. 87-89 ; 1879, p. 45 ; Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. vii, p. 210-225 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, 2e part., p. 63. Jérémie, ii, 10, quand il demande aux Juifs de jeter les yeux à l’occident et à l’orient, pour constater que les nations n’ont point abandonné leurs dieux, qui cependant sont de faux dieux, désigne l’occident sous le nom d’îles de Kittim (Septante : vf, <j-ot XiTTcei^ ; Vulgate : insulse Céthim). De même dans Ézéchiel, xxvii, 6, le pays des Kittim (Septante : vyjtoi twv Xetie£(i ; Vulgate : insulse Italise) est celui où les Tyriens prennent le buis dont ils se servent pour leurs navires. Il s’agit ici du buis provenant des îles et des pays occidentaux en général. Il y avait cependant à Chypre des bois précieux, notamment du buis, qui servait à l’ornementation des navires phéniciens, ce qui pourrait donnera penser que l’île est particulièrement désignée dans ce passage du prophète.

La même extension est donnée au mot Kittim dans Daniel, xr, 30. (Septante : Kîtioi ; Vulgate : trières et Romani. ) Dans ce passage, le prophète annonce la défaite du roi du Nord, c’est-à-dire d’Antiochus IV Épiphane. Le roi de Syrie fut, en effet, battu par Ptolémée Philométor, soutenu par les Romains. Popilius Lenas vint au secours du roi d’Egypte avec une flotte et obligea Antiochus à rentrer dans ses États au moment où il allait s’emparer d’Alexandrie. Polybe, xxix, 11 ; Appien, Syriaca, 66 ; Tite Live, xiv, 11-13. Il est donc naturel de traduire ou plutôt de commenter comme saint Jérôme : . trières et Romani. Ce Père ne faisait, du reste, que suivre ici l’interprétation des Juifs. Le Targum de Jérusalem traduit, en effet, le mot Kittim par Italie dans Gen., x, 4, et I Par., i, 7. Dans Ézéchiel, xxvii, 6, là où saint Jérômfr traduit par ltalia, le Targum traduit par Apulie. Cf. Hieronym. ad Jeremiam, I, 2, 10, t. xxiv, col. 690. Cette tradition a été recueillie par les Byzantins, G. Syncelle, édit. de Bonn, t. i, p. 49 ; Chronic. pascale, même édit., t. i, p. 47, et par les exégètes juifs du moyen âge. Il faut remarquer cependant que d’après Polybe, xix, 11, et Tite Live, xlv, 13, la flotte romaine touche à Chypre. Le mot Kittim est donc exact, même si on l’entend strictement de l’île.