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CENDRE - CÈNE

l’autre. IV Reg., xxiii, 12 ; Job, xvi, 16 ; xxxiv, 15 ; Is., xxvii, 9 ; xxxiii, 12. Dans ces deux derniers textes, il est même question de calcaire pulvérulent.

Les cendres sacrées.

La cendre provenant des holocaustes s’appelait déšén, de dâšên, « être gras, » à cause de la graisse des victimes qui était consumée par le feu en même temps que le reste du corps. On considérait cette cendre comme sacrée, à raison de son origine, et on la transportait dans un lieu pur, où elle fut à l’abri de la profanation. Lev., i, 16 ; iv, 12 ; vi, 10. On n’a pas retrouvé l’endroit de Jérusalem ou des environs où l’on jetait les cendres du temple. Il existe bien, à gauche en sortant par la porte de Damas, une butte des Cendres. Mais, à l’analyse, on a reconnu que ces cendres ne peuvent provenir d’animaux consumés. Ce sont les résidus agglomérés des savonneries de Jérusalem, tels qu’on en retrouve à Naplouse, à Damas, à Tripoli, et partout où l’on fabriquait le savon. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, édit. in-8°, t. ii, p. 2.

La cendre de la vache rousse que le grand prêtre immolait de temps à autre possédait une vertu légale pour la purification. L’immolation de la vache rousse, pendant le séjour au Sinaï, se faisait hors du camp, d’après la loi ; sur le mont des Oliviers, à l’époque du Temple, d’après saint Jérôme, Ep. cviii, 12, t. xxii, col. 887. L’animal devait être totalement consumé, ses cendres soigneusement recueillies et placées dans un endroit très pur, toujours hors du camp. Avec cette cendre mélangée à l’eau, on composait une « eau d’impureté », destinée à purifier ceux qu’avait rendus impurs le contact d’un cadavre. La vertu purificatrice de cette cendre venait de ce que « la vache avait été brûlée pour le péché ». Num., xix, 5-12. De ce rite, saint Paul lire la conclusion suivante : « Si l’aspersion par la cendre de la vache enlève la souillure, quant à la purification de la chair, combien plus le sang du Christ purifiera-t-il notre conscience des œuvres de mort ! » Hebr., ix, 13, 14. Voir t. i, col. 1116.

Symbolisme de la cendre.

Par sa légèreté, la cendre est, avec la poussière, l’image des choses fragiles et éphémères. L’homme n’est que « poussière et cendre ». Gen., xviii, 27 ; Job, xxx, 19 ; Eccli., x, 9 ; xvii, 31 ; Sap., xv, 10. Les méchants sont comme la cendre qu’on foule aux pieds, Mal., iv, 3, et leur souvenir comme la cendre que le vent emporte. Job, xiii, 12. Le peuple infidèle est dispersé par le monde comme la cendre. Ezech., xxviii, 18. Dieu « sème les nuées comme la cendre ». Ps. cxlvii, 16.

La cendre est surtout considérée, dans la Sainte Écriture, comme le symbole et l’accompagnement du deuil et de la pénitence. Répandue sur la tête et retombant sur le visage, elle prête à l’homme un air lugubre, qui convient aux circonstances tristes de la vie. Dans le deuil, ou pour faire pénitence, on revêtait le cilice et on se couvrait la tête de cendres. II Reg., xiii, 19 ; III Reg., xx, 38, 41 ; Job, xiii, 6 ; Is., lxi, 3 ; Jer., vi, 26 ; Ezech., xxvii, 30 ; Dan., ix, 3 ; Judith, iv, 16 ; vii, 4 ; ix, 1 ; Esth., iv, 1, 3 ; xiv, 2 ; Eccli., xl, 3 ; I Mach., iii, 47 ; iv, 39 ; Matth., xi, 21 ; Luc, x, 13. Les pharisiens, si fidèles aux pratiques extérieures, ne manquaient pas de se couvrir de cendres les jours où ils jeûnaient. Cf. Matth., vi, 16 ; Taanith, ii ; Juchasin, fol. 59. « Manger la cendre comme son pain, » Lam., iii, 16 ; Ps. ci, 10, supposait la tristesse portée à un tel degré, qu’on se croyait nourri de cendre, c’est-à-dire que le chagrin empêchait de prendre aucun aliment. S’asseoir sur la cendre, Is., lviii, 5 ; Jon., iii, 6, constituait une autre marque de pénitence et de deuil.

Le monceau de Job.

En dehors des villes et des villages, il existait ordinairement des emplacements spéciaux où l’on jetait les cendres et où l’on brûlait les détritus de toutes sortes. Jérémie, xxxi, 40, fait mention d’un endroit de la vallée de Ben-Hinnom qui s’appelait « vallée des cadavres et des cendres ». On y accédait de la ville par la porte du Fumier, II Esdr., iii, 13, que Joséphe, Bell. jud., V, iv, 2, appelle porte des Esséniens, et dont on a retrouvé l’emplacement au sud-ouest de la ville. Revue biblique, Paris, 1895, p. 44, 90. C’est d’un emplacement de cette nature qu’il est question dans le livre de Job, ii, 8. D’après les Septante et la Vulgate, Job était assis « sur le fumier en dehors de la ville ». Dans l’hébreu, on lit : « au milieu de la cendré, » avec l’article qui détermine une cendre bien connue. Cette cendre n’était autre chose qu’un monceau d’immondices brûlées, d’où le nom de « fumier » que lui donnent les versions. Dans les villages du Hauran, on a encore l’habitude de porter dans un même endroit, à quelque distance des habitations, toutes les immondices provenant des animaux abrités dans les étables. Ces animaux sont surtout des chevaux et des ânes, car les troupeaux et le bétail restent jour et nuit dans les pâturages. « Quand les détritus ont séché, on les porte dans des corbeilles jusqu’à l’endroit désigné, en dehors du village. » Ils y forment peu à peu un monceau appelé mezbele en arabe. « On les brûle habituellement une fois par mois, en ayant soin de choisir un jour où le vent soit favorable, c’est-à-dire où il ne rabatte pas la fumée sur le village. Les cendres restent sur place, » parce que les terrains fertiles de ce pays volcanique n’ont besoin que de pluie pour porter de riches moissons. « Là gît le malheureux qui, frappé d’une maladie repoussante, ne peut être supporté dans les habitations des hommes. Le jour il y demande l’aumône aux passants, et la nuit il se couche dans les cendres échauffées par le soleil. » Wetzstein, dans Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 62. Le fumier de Job n’était donc autre chose qu’un mezbele, ou monceau de cendres formant monticule à l’entrée du village. De petites collines, ayant une origine analogue, se sont constituées en bien des villes : le mont Testaccio à Rome, la butte des Moulins à Paris, etc.

Autres mentions de la cendre.

La cendre est encore mentionnée dans plusieurs autres passages des Livres Saints. Pour faire constater la supercherie des prêtres de Bel, Daniel prescrit de répandre de la cendre sur les dalles du temple. Dan., xiv, 13.

C’est en lui jetant des projectiles et de la cendre que les Juifs chassent l’impie Lysimaque de leur sanctuaire. II Mach., iv, 41.

Enfin la cendre sert au supplice du grand prêtre prévaricateur Ménélas. Antiochus Eupator, irrité contre lui, le fit conduire, d’après le texte grec des Machabées, à Bérée, ville située à l’est d’Antioche de Syrie. Voir Bérée, t. i, col. 1607. Là se trouvait une tour, haute de cinquante coudées, « pleine de cendres. » Ménélas fut précipité dans la cendre, où il périt étouffé. Il expia ainsi ses sacrilèges contre le feu sacré et la cendre de l’autel. II Mach., xiii, 4-8.

H. Lesètre.


CÈNE (δείπνον ; Vulgate : cæna), dernier repas fait par Notre-Seigneur avec ses Apôtres et dans lequel il institua le sacrement de l’Eucharistie. Joa., xiii, 2, 4 ; xxi, 20 ; I Cor., xi, 20. Cf. Matth., xxvi, 26 ; Luc, xxii, 20. Le mot latin cœna, d’où vient cène, signifie « souper » en général ; mais la langue française a réservé exclusivement le mot qu’elle en a tiré pour désigner le repas où le Sauveur se donna lui-même en nourriture à ses disciples. Comme ce jour-là Jésus célébra également la Pâque, les évangélistes appellent aussi la dernière Cène Pâque. Matth., xxvi, 17, 18, 19 ; Marc, xiv, 12, 14, 16 ; Luc, xxn, 8, 12, 13, 15 ; Joa., xviii, 28.

I. Jour ou fut célébrée la Cène.

Jésus la célébra un jeudi ; car tous les évangélistes s’accordent à la placer la veille de sa mort. Matth., xxvi, 20 ; Marc, xiv, 17 ; Luc., xxii, 14 ; Joa., xiii, 1. Or cette mort eut lieu un vendredi. Matth., xxvii, 62 ; xxviii, 1 ; Marc, xv, 42 ; Luc, xxm, 54 ; Joa., xix, 31, 42. Mais la difficulté est de déterminer si ce jeudi coïncide avec la veille de la Pâque juive, c’est-à-dire le 14 Nisan, ou avec l’avant-veille, c’est-à-dire le 13 Nisan. Dans le premier cas, Jésus aurait célébré la Pâque en même temps que les Juifs; dans le