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CARRIÈRE


des pierres intactes de carrière, » si bien qu’on n’entendit ie bruit d’aucun outil pendant la construction. III Reg., vi, 7. La carrière est ici appelée massa’. On en extrayait les pierres toutes préparées pour être mises en place. — Quand il fallut réparer le temple sous Joas, on paya un salaire aux « tailleurs de pierres, » hôsbê hd’ébén, et l’on se procura du bois et des « pierres de carrière, » ’abnê niahsêb. IV Reg., xii, 12 (hébreu, 13). Sous Josias, on tira dans le même but des pierres des carrières, de lapicidinis, comme traduit ici la Vulgate. IV Reg., xxii, 6 ; II Par., xxxiv, 11. Le sens du mot mahsêb est donc bien déterminé par cette traduction, comme aussi par le mot ).xTotXï|toy ; , qu’emploient les Septante. Dans les Targums, on trouve mahàsâb et mahsâbayyd’avec le sens de « carrière ». Scheb., 37. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 417.

3° Enfin Isaïe, li, 1, parlant aux Israélites de leur ancêtre Abraham, s’exprime ainsi : « Écoutez-moi, vous qui suivez la justice et qui cherchez Jéhovah : examinez la pierre dont vous avez été taillés et la carrière profonde (mot à mot : « la carrière fosse, » maqqébét bar) dont vous avez « té tranchés. » (Vulgate : « la caverne de la citerne dont vous avez été taillés. » ) Dans la plupart de ces passages, le sens de « carrière » ne s’est pas présenté avec netteté aux traducteurs, ce qui tient sans doute à la diversité des mots employés en hébreu.

IL Les carrières royales. — Les pierres qui ont servi à la construction du temple ont été extraites des carrières appelées royales. En décrivant le parcours du troisième mur d’enceinte qui enfermait le faubourg de Bézétha dans la ville de Jérusalem, Josèphe dit que ce mur passait par les <rirr)), aia ftaat).ixâ, « cavernes royales ». Bell, jud., V, iv, 2. Dans sa description de Jérusalem, Tacite, Hist., v, 12, mentionne aussi des « montagnes avec des cavités souterraines ». En 1854, une partie du mur voisin de la porte de Damas s’écroula, et fit apparaître une petite ouverture. Cette ouverture donnait accès dans de vastes carrières souterraines, que les Arabes appelèrent Maghâret el-Qoutoun, ou caverne du Coton, du nom d’un marché à coton qui existait dans les environs (fig. 97). Voici la description qu’en fait Gérardy Saintine, consul de France en Orient, Troisansen Judée, Paris, 1860, p. 197-202 : « Rien de plus saisissant que ces grottes… Des salles immenses, soutenues par des colonnes naturelles, laissent s’ouvrir dans leurs parois des percées sombres et béantes, qui pénètrent dans d’autres chambres non moins grandes. À gauche, c’est un amas confus, désordonné, de roches entassées, un chaos d’énormes blocs de calcaire, soutenus par d’autres blocs roulés pêle-mêle… Devant moi d’autres blocs immenses, qui pendent perpendiculairement, semblent me reprocher mon audace et me menacer de leur chute. Partout la trace de l’industrie humaine, la preuve évidente d’un grand génie constructeur… On retrouve dans la coupe du calcaire le même procédé dont ou s’est servi pour creuser la plupart des excavations des vallées de Hinnom et du Cédron. Les pierres, séparées du rocher par des entailles verticales d’un décimètre de largeur, .affectent dans leurs concavités la courbe d’un quart de cercle. Je crois ces coupes pratiquées avec une scie ou plutôt un disque circulaire, qui, mis en mouvement par un archet, opérait une demi-révolution. Aujourd’hui encore les maçons arabes qui veulent percer un mur emploient un instrument de ce genre. L’entaille faite et suffisamment profonde pour l’épaisseur qu’on désirait conserver à la pierre, on en détachait avec un pic ou un levier la face postérieure adhérente au roc, ce qui explique la grande largeur des entailles. Ainsi la pierre se trouvait, par l’opération même de l’extraction, taillée sur trois de ses surfaces. » Quand la pierre était détachée de la paroi, il ne restait plus qu’à aplanir la quatrième face, ainsi que les deux bases du parallélépipède ; puis on la transportait à pied d’œuvre. C’est ce qui explique qu’aucun bruit d’outil ne fut entendu pendant la construction du temple.

III Reg., vi, 7. « Si nous prenons maintenant, continue G. Saintine, la mesure du vide laissé par les pierres enlevées, nous trouvons qu’elle coïncide parfaitement avec la grandeur des blocs, … qui forment, dans certaines parties, le soubassement des murailles actuelles de la ville et du temple. Eu outre, la composition du calcaire est la même… Autrefois on pénétrait dans ces carrières par une grande et large porte comblée par les terres, mais dont on distingue parfaitement encore les vestiges dans l’excavation, à gauche. La profondeur de cette excavation, jusqu’au fond de laquelle s’aperçoivent les traces de l’ancienne porte des carrières, est de ll m 90. Le pied de la porte de Damas est à 12 m 61 plus bas que l’ouverture actuelle des carrières, et l’on retrouverait facilement les m 74 de différence de niveau entre les deux portes, si l’on enlevait les immondices qui sont au fond de cette excavation, s Voir aussi, pour la description de ces carrières, Simpson, The royal caverns or quarries of Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Stalement, 1869, p. 373-379. Le calcaire de ces carrières, appelé malkéh, ce royal, » est très blanc, assez tendre et durcissant à l’air. Il contient des débris de rudistes et d’autres mollusques. Il est surmonté d’un banc oolithique, à la partie supérieure duquel se trouve une assise de calcaire marmoréen gris clair et très compact, appelé missih. Lartet, Essai sur la géologie de la Palestine, Paris, 1869, p. 175. On voit dans la carrière un certain nombre de blocs qui gisent sur le sol et qui étaient prêts à être emportés. D’autres n’ont pas été détachés de la paroi, à laquelle ils adhèrent par leur quatrième côté. Pour détacher ces blocs, les carriers employaient aussi sans doute la méthode égyptienne. Ils introduisaient des coins de bois sec à l’endroit où le bloc devait être séparé de la paroi, puis ils les mouillaient. Par leur gonflement, les coins faisaient détacher la pierre de la masse à laquelle elle ne tenait plus que par un côté. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, t. i, p. 34. Parmi les pierres ainsi préparées, il en est dont les dimensions sont énormes. L’une d’elles, encore dans la carrière, forme un cube qui a sept ou huit mètres sur chaque face. Dans les soubassements du Harana, les blocs ont de l m à l m 90 de hauteur, et de m 80 à 7 m de longueur. On en signale un qui a jusqu’à 12 m de longueur sur 2 m de hauteur. Le poids d’une des pierres angulaires est estimé à plus de cent tonnes. Wilson, The recovery of Jérusalem, 1871, t. i, p. 121. Les ouvriers de Jérusalem n’étaient pas plus embarrassés pour transporter et mettre en place ces énormes blocs, que les Égyptiens et les Assyriens pour remuer leurs statues colossales. Ces transports se faisaient à force de bras, au moyen d’un système assez simple de rouleaux et de cordes. Du reste, lorsqu’il fallut élever le temple de Salomon, quatre-vingt mille ouvriers furent employés à la taille des pierres et à leur mise en place et soixante-dix mille aux transports, sous la conduite de trois mille trois cents contremaîtres. III Reg., v, 15-16. Grâce à ce nombre d’ouvriers, la construction du temple fut terminée en sept ans. Hérodote, ii, 124, rapporte que pour édifier la pyramide de Chéops, on employa pendant vingt ans cent mille hommes, qui se relevaient tous les trois mois. Les carriers, hosebîm, IV Reg., xii, 13, étaient sans doute à peu près tous des Israélites. Mais parmi les contremaîtres, il devait se trouver bon nombre de Phéniciens. Ces étrangers avaient d’ailleurs la direction du travail. C’est ce dont on a trouvé une preuve assez inattendue : comme les carriers d’aujourd’hui, ceux d’autrefois notaient de signes particuliers les pierres taillées à la carrière, afin de leur assigner dans l’œuvre la place pour laquelle on les avait préparées. Or Warren, Underground Jérusalem, 1876, p. 420-423, dans des fouilles qu’il a pu pousser jusqu’à vingt-quatre mètres de profondeur à l’angle sud-est de la muraille du temple, a retrouvé sur une pierre différents signes à la peinture rouge, et entre autres trois lettres phéniciennes. qui équivalent à O, Y et Q de l’alphabet latin. La pierre qui porte ces