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    1. CARMEL##

CARMEL (MONT)

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3. CARMEL, chaîne de montagnes dans la Galilée.

III Reg., xviii, 19. — I. Nom. — Elle est appelée tantôt simplement Carmel, hébreu : Karmél ; Septante : Kotp[A-rjX, ou avec l’article : « le Carmel, » hak-Karmél, o KipjiTpioç ; tantôt « la montagne du Carmel » ou « le mont Carmel », har hak-Karmél, o’po ; tî> Kapjiv.iov.

— Selon Origène, Lexicon nominum hebraicorum, Patr. lat., t. xxiii, col. 1231-1232, le mot « Carmel » signifierait « science de la circoncision », èrayviixri ; TîepiTtojjA ; , et ainsi serait formé des racines kârâh, a creuser, manifester, » et mûl, « circoncire. » S. Jérôme, Liber de nomin. hebraic, t. xxiii, col. 803-804, 819-820, au mot Carmel, traduit Origène, en ajoutant la signification « tendre », mollis ; mais, au mot Chermel, ajoute : « Il est mieux de traduire par agneau tendre, » le faisant dériver de kâr, « agneau, » et probablement’âmal, « être faible. » Les anciens commentateurs ont ordinairement adopté ces étymologies ; quelques-uns y ont vu les racines kâr et mûl, et ont traduit par « agneau circoncis ». Parmi les modernes, quelques-uns ont cru le mot Carmel composé de kérém et’êl, « vigne de Dieu » ou « jardin de Dieu » ; d’autres, avec Bochart, y voient le mot karmîl, « la pourpre, » qui se péchait au pied du Carmel ; mais presque tous, avec Gesenius, n’y reconnaissent qu’une forme de kérém, avec la désinence l, usitée en d’autres noms. Comme kérém, il a la signification de « vigne, jardin », avec l’idée de fertilité et de beauté. C’est en ce sens et comme nom commun qu’il paraît employé Is., x, 18 ; xxxii, 15 ; Jer., II, 7. On le trouve usité aussi, dans le texte hébreu,

IV Reg., iv, 42 ; Lev., ii, 14 ; xxiii, 14, pour désigner des fruits nouveaux, tendres et succulents. Voir Blé, t. i, col. 1818. Le charme de son aspect, l’abondance de sa végétation, la supériorité de ses produits, auront fait attribuer à la chaîne du Carmel cette dénomination comme nom propre. — Le Carmel devint en Israël le type et le symbole de la grâce et de la prospérité. Nabuchodonosor s’avançant dans sa gloire et sa puissance est comme le Thabor et le Carmel, Jer., xlvi, 18 ; la terre de Juda bénie de Dieu et comblée de biens resplendira comme le Carmel, Is., xxxv, 2’; ruinée et désolée, ce sera le Carmel dénudé et dépouillé de ses charmes. Is., xxxiii, 9 ; xicvii, 24 ; Jer., iv, 26 ; Amos, i, 2 ; Nahum, i, 4. Salomon compare la tête de l’épouse, Cant., vii, 5, au Carmel. C’est du moins l’interprétation des massorètes ponctuant Karmél et de la plupart des anciens commentateurs ; plusieurs cependant croient qu’il faut lire Karmîl, et voient dans ce passage une allusion à la pourpre ou à l’écarlate. Cf. Matth. Polus, Synopsis criticorum, in-f°, Francfortsur-le-Mein, 1712, t. ii, col. 1900 ; Migne, Scripturse Sacrée Cursus complétas, t. xvii, col. 271, note 1. Les orateurs sacrés et les écrivains ecclésiastiques ont souvent comparé Jésus-Christ, la très sainte Vierge et l’Eglise au Carmel, en leur appliquant les versets du Cantique. Voir Cornélius a Lapide, Comment, in Cant., vii, édit. Vives, in-4°, Paris, 1800, t. viii, p. 183-187.

IL Situation et nature. — Le Carmel était au sud de la tribu d’Aser, à laquelle il servait de limite de ce côté, Jos., xix, 26. Il était à cent vingt stades (environ vingt-deux kilomètres) d’Acco ou Ptolémaïde. Josèphe, Bell, jud., II, x, 2. Il s’étendait vers l’est jusqu’au Cison et à la plaine de Jezraël. III Reg., xviii, 19-45. Il bornait au sud-ouest la tribu de Zabulon, et faisait partie de la Galilée, qu’il terminait à l’ouest. Jos., xix, 11 ; Josèphe, Ant.jud., v, i, 22 ; Bell, jud., III, iii, 1. On le rencontrait près de la ville de Hépha (Caïpha), appelée aussi Sycaminon, entre Césarée et Dora (aujourd’hui Tantoura) et Ptolémaïde. Josèphe, Cont. Apion., ii, 9 ; EusèLe et S. Jérôme, De silu et nominibus locorum hebraicorum, aux mots Japhet et Jaflie, t. xxiii, col. 906 ; Mrabon et Ptolémée, dans Reland, Palseslina, 1714, p. 433 et 457, et Christ. Cellarius, Kotitia orbis antiqui, Amsterdam, 1706, t. ii, p. 507. Selon Théodoret, In Is., xxxii, y. 5, t. lxxxi, col. 384, a le Carmel est un mont de la Samarie. » Il servit de

borne entre la Palestine et la Phénicie. Eusébe et saint Jérôme, Onomasticon, édit. Larsow et Parlhey, p. 252 et 253.

De ces divers témoignages il résulte que la dénomination de Carmel embrassait toute la ramification de montagnes et collines, laquelle, prenant naissance en Samarie, près du Sahel’Arrabéh, à peu près à la latitude de Césarée, s’étend depuis l’extrémité sud-est du Merdj-Ibn-’Amer (plaine d’Esdrelon), en inclinant au nord-ouest, jusqu’à la mer, qu’elle atteint près de Caïpha, où elle forme le promontoire qui ferme au sud la baie de Saint-Jean -d’Acre. Elle se prolonge ainsi sur une longueur de plus de trente kilomètres, ne dépassant guère quinze kilomètres dans sa plus grande largeur. Le nom se trouve conservé par les indigènes rattaché à un village situé presque au centre du massif, et appelé par eux Daliet-el-Karmel, c’est-à-dire « Dalieh du Carmel » ; ils appellent plus communément la montagne, à cause de ses souvenirs historiques, « la montagne de saint Élie, » Djebel MûrElias.

Les sommets du Carinel n’atteignent point la hauteur des monts de la Galilée ou de la Judée. Le mont d’Es/iah, le plus élevé du Carmel, n’a que 651 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée ; le Mohraqah a 615 mètres seulement, et le promontoire, là où se dresse le couvent des religieux Carmes et le phare du Carmel, ne domine la mer que de 150 mètres. Les montagnes du Carmel, comme toutes celles de Palestine, affectent généralement la forme de mamelons ; elles ne sont un peu escarpées et abruptes que du côté de l’est, depuis Mansourah jusqu’à la mer. Elles sont formées presque exclusivement de calcaire ; mais elles sont recouvertes presque partout d’une terre végétale abondante et riche, pouvant se prêter à toute espèce de culture. Des sources jaillissent de toute part dans les vallées, souvent assez fortes pour donner naissance à des ruisseaux. La flore est variée et produit un grand nombre de plantes médicinales, dont les plus communes sont la mélisse et l’absinthe. Le chêne-vert, le pin, le lentisque, le poirier sauvage, le laurier, abondent dans la partie nord. Le sanglier, la gazelle, le lièvre, le chacal, le porc-épic, quelques panthères, le chat-tigre, habitent les fourrés. Tous les oiseaux de la Palestine s’y retrouvent en multitude.

III. Histoire. — La région du Carmel paraît avoir été conquise par Josué peu après Mageddo, Thanac et Cadès, lorsqu’il vainquit le roi Jochanan du Carmel. Jos., x », 22. Elle devint, selon Josèphe, Ant. jud., V, i, 22, le partage de la tribu d’Issachar, moins quelques villes situées dans les plaines inférieures, comme Thanac, Dor et leurs dépendances, qui furent concédées à Manassé. Jos., xvii, 11.

— Sous Salomon, la préfecture d’Issachar et du Carmel fut confiée à Josaphat, fils de Phavué. III Reg., iv, 17 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 3. — Après le schisme de Jéroboam, à une époque inconnue, les Israélites lidèles à Dieu paraissent lui avoir élevé un autel sur un des sommets de la montagne ; c’est cet autel renversé que releva le prophète Élie, pour y offrir le sacrifice miraculeux qui rendit le Carmel à jamais illustre. III Reg., xviii, 30. Élie fait convoquer en ce lieu par le roi Achab tout Israël, les quatre cent cinquante prêtres de Baal et les quatre cents prophètes d’Astarté, qui mangeaient à la table de | Jézabel. Il démontre, en se raillant, l’impuissance de leur I dieu. Avec l’aide du peuple, il prend douze pierres, selon

; le nombre des tribus d’Israël, rétablit l’autel, y place l’holocauste, 

invoque le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et le feu descend du ciel, consume la victime, le bois, la pierre, la terre et l’eau. La foule proclame de nouveau le Dieu d’Israël pour son Dieu, et sur l’ordre d’Élie se saisit des prophètes de Baal, et va les immoler près du Cison, qui coule au pied de la montagne. Élie remonte au sommet du Carmel, pour implorer du Seigneur la pluie et la cessation de la sécheresse qui depuis trois ans désole la terre. Sept fois il envoie son serviteur : « Monte, lui