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CARITH (TORRENT DE) — CARMEL DE JUDA


à la fontaine du même nom, ’Aïn-el-Kelt, un peu à l’est du point de jonction des deux vallées de Fârah et de Soueînît. Les rochers à pic qui le resserrent dans la première partie de son cours sont percés de grottes nombreuses, très aptes à cacher des fugitifs. Il débouche dans le Gliôr, ou vallée du Jourdain, à deux kilomètres au sud du mont de la Quarantaine, en face de Jéricho ; passe au midi de cette localité et de Tell-Djeldjel, et aboutit au Jourdain à un kilomètre plus bas que Qasr-el-Yahoud ou le couvent de Saint-Jean-le-Précurseur. — Les motifs de cette identification sont la similitude des noms, le récit de l’historien Josèphe et les témoignages des anciens. Il n’est guère contestable que Kelt ou Kélet ait pu dériver de Kerit par la transformation du i, r, en ii, l. Josèphe traduit ainsi le passage de l’Écriture relatif à la retraite d’Élie : ovejjûpTjGôv s !  ; Ta Ttpo ; v6tov (ilpr), « il se retira dans les régions du côté sud. » Ant.jud., Vlll, xiii, 2. En traduisant le mot qédéni par veto ; (sud), l’historien l’aurait fait rarce que ce mot est susceptible de ce sens, et qu’une tradition positive lui aurait appris que le lieu de la retraite du prophète était au sud de la Samarie ou au sud-est. Le souvenir du séjour du prophète dans l’ouadi Kelt est encore conservé par le pèlerin Antonin de Plaisance, au vie siècle, qui indique non loin de’Aïn-Hadjelah la vallée où se cacha Élie. De Locis Sanctis, édit. Orient latin, Jtinera latina, t. i, p. 97. Ziegler, en 1532, marque le Cherith au C6°7’de longitude et 32° 1’de latitude nord, au sud de Galgala. Palssstina, Strasbourg, 1532, fol. xxxiii. La valeur de ces raisons est atténuée par les conclusions qui résultent des faits suivants. Jean Mosclun, au usiècle, dans le Pratum spirituale, t. lxxxvii, part. 3, col. 2852-2853, indique le Carith « tout à côté, à gauche » de la grotte de Saint-JeanBaptiste, dite de Sapsas, située a l’orient du Jourdain et non loin de l’église du Baptême du Seigneur ; Voir Bethabara, t. i, ocl. lt>48. Ce serait l’ouadi Kefrein. Cette tradition subsistait encore au xiie siècle, comme le prouve le témoignage de l’higoumène russe Daniel. Ibid.

Au IVe siècle, on montrait déjà, mais plus au nord, le « torrent de Chorath au delà du Jourdain », Xoppa "/£t[iâppouç iTTÉxeiva toO’lopôàvou. Eusèbe, Onomasticon, édit. de Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 372. Saint Jérôme rend ce passage de manière à ne laisser aucun doute sur son identité avec le Carith : « Chorath, au delà du Jourdain, où se cacha Élie, vis-à-vis du même fleuve. » De locis hebraicis, t. xxiii, col. 889. Quelques personnes ont pensé que le torrent désigné par ces Pères pourrait être l’ouadi Qeleit (k-J>£ ^>U), dont les eaux se déversent dans le Chéri’at-el-Menadiréh ou Yarmouk, à près de trente-deux kilomètres à l’est du Jourdain. Cf. Gottlieb Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, p. 266, et Map of the Jaulân ; Id., Northern’Aijlûn, Londres, 1890, p. 117, et Map of a part of the Kada Irbid or Northern’Ajlùn. Le récit de la pèlerine du ive siècle, sainte Sylvie d’Aquitaine, ne permet guère d’accepter ce sentiment. Elle visite Salem, la ville de Melchisédech, puis Énon, où saint Jean baptisait. Cet Énon paraît être celui désigné par l’Onomasticon à huit milles, ou neul kilomètres, au sud de Bethsan, probablement, Oumm-el-’Amdàn. D’Énon elle veut se rendre au pays de Job. En y allant, elle s’écarte un peu de sa voie pour visiter Thisbé, la patrie du prophète Élie. « Continuant notre chemin, ajoute-t-elle, nous vîmes à notre gauche une grande et belle vallée envoyant au Jourdain les eaux d’un torrent abondant. Dans la vallée nous aperçûmes un monastère… On nous dit : « C’est la vallée de Corra, où se retira saint Élie « de Thisbé, au temps du roi Achab. » Gamurrini, SancHe Sylvise Aquit. Peregrinatio ad Loca Sancta, Rome, 1887, p. 60-61. Si, comme nous le croyons, Thisbé est pour la pèlerine l’endroit appelé aujourd’hui Estheb ou Lestheb, qui est à moins de deux kilomètres de latitude plus au sud que’Oumm-el-’Amdàn (voir Thisbé),

la vallée qu’elle voit bientôt à sa gauche, en reprenant la direction du Hauran, le pays de Job, paraît être l’ouadi Yàbis. C’est une vallée profonde et peu large. D-as rochers perpendiculaires la ferment à droite et à gauche, sur une grande partie de son étendue. Comme au Kelt, leurs flancs recèlent de nombreuses grottes qui paraissent avoir servi de cellules aux ermites d’une laure semblable à celles de Phara ou de Màr-Saba. Le ruisseau aux eaux limpides et abondantes qui la parcourt est bordé de platanes et de lauriers-roses. Les nombreux canaux que la main de l’homme en fait dériver arrosent en maints endroits des vergers d’arbres fruitiers, orangers, citronniers, pommiers, etc., au milieu desquels se perdent quelques habitations. Il se jette dans le Jourdain à environ douze kilomètres plus au sud que Bethsan. Comme il est certain qu’une multitude de noms et de souvenirs existaient en Terre Sainte, au ive siècle, qui se sont perdus ou détériorés depuis, il est incontestable qu’Eusèbe, saint Jérôme et sainte Sylvie étaient plus en état que les voyageurs des siècles suivants et que nous-mêmes de discerner le vrai Carith. Josèphe, il est vrai, qui est Juif et plus ancien, semble les contredire ; mais il ne faut pas perdre de vue que les écrivains hébreux donnent fréquemment aux mots grecs et latins des sens plus ou moins différents de ceux qu’ils ont chez les Hellènes ou les Romains. Et Reland, après Keuchen, fait remarquer que le mot v6toç, qui chez les Grecs signifie « sud », est employé chez les écrivains sacrés du I er siècle avec la signification de Qédém. Palxstina illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 293. Or le mot qédém, pour l’orientation, a chez les Hébreux le sens constant d’  « orient » ; d’où il appert que si l’historien juif n’est pas en contradiction avec l’Écriture, sa phrase àvE^œpYjfrev eï ; Ta îtpbç vôtov (Aépï], ne saurait signifier : « il se dirigea vers le pays qui est du côté du levant. » En résumé, sainte Sylvie, exprimant les indications de la tradition locale, semble désigner l’ouadi Yàbis comme le Carith. Les données de l’Écriture ne sont pas contraires à cette identification, ce que l’on ne peut dire ni pour Djôbar, ni pour l’ouadi Phasaïl, ni pour l’ouadi el-Kelt. L. Heidet.

    1. CARMEL##

CARMEL, nom d’une ville et de deux montagnes.

1. CARMEL (hébreu : Karmél ; Septante : XepjjiéX), ville de la tribu de Juda. Son nom apparaît pour la première fois Jos., xii, 22, dans la liste des trente et un rois vaincus par Josué. Jochanan, roi de Carmel, figure parmi eux. Dans le partage du pays conquis, cette ville est nommée, Jos., xv, 55, avec Maon, Ziph et Jota. Elle dut recevoir son nom de la montagne sur laquelle elle était bâtie. Au iv « siècle, on trouvait un très grand village appelé Chermekaou Chermel (XEpjrJXa, Xepficaa, XapiiéÀ), non loin d’Hébron, au sud, inclinant à l’est, à dix milles, dans la Daroma, près de Ziph. Les Romains y avaient bâti un fort où ils entretenaient un détachement de soldats. Eusèbe et saint Jérôme, De situ et nominibus locoruw, hebraicorum, au mot Carmelus, t. xxiii, col. 887. Cf. Eusèbe, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 198-199, 252-253, 368-369, aux mots Zsië, Kàpiiù.oi et Xap[ié). ; Théodoret, Comment, in I Reg., quoest. 59, t. lxxx, col. 585 ; Procope de Gaza, In I Reg., c. xxv, t. lxxxvii, col. 1112 ; Nolitia dignitatum imperii Romani, sect. 21, citée par Roland, Paleestina, p. 695. Au xii a siècle, Carmel n’était plus qu’un petit village. Le roi Amaury, redoutant l’attaque de Saladin, vint s’y établir à cause de la grande abondance d’eau ; « car il y avait là une antique piscine de très grandes dimensions, qui pouvait suffire à l’usage de toute l’armée. » Guillaume de Tyr, Historia rerum transmarinorum, 1. xx, c. xxx, t. ccn T col. 880. Aujourd’hui, Carmel n’est plus habité ; mais son nom demeure attaché à ses ruines, appelées par les Arabes Khirbet-Kermel (fig. 82). On les trouve à environ quinze kilomètres (dix milles) au sud d’El-Khalil (Hébron), tant