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CAPHARNAUM


A ces indications ; Josèphe en ajoute deux assez importantes : l’une est dans su Biographie, § 72, où il raconte que, s’étant blessé à la main en tombant de cheval, tandis qu’il poursuivait les ennemis, échelonnés sur les routes conduisant à Cana et à la forteresse de Gamala, il fut transporté au bourg de Képharnomé, où il passa la journée en proie à la fièvre ; l’autre est dans le passage où, nous décrivant la plaine de Génésareth, Bell. jud., III, x, 8, il observe qu’elle est arrosée dans sa longueur, SiipSeTai, par une source très fécondante, à laquelle les habitants du pays donnent le nom de Capharnaoum, Ka^apvaoù[i a

r’/ xaXoO<riv. Ce nom étant, comme sa première partie l’indique, celui d’un village, il est évident que la fontaine l’empruntait au lieu d’où elle venait, et un moyen assez sur de préciser le site de la petite ville perdue sera de retrouver la source elle-même, avec le long développement que Josèphe lui assigne dans la plaine

.s-.--* r=, =" Si’i -.-î^Tl’ï. A-~£ -1- =’64. — Carte de la partie nordouest du lac de Tlbériade.

de Génésareth. De tous les arguments à produire dans une question fort débattue, il me semble que le plus puissant doit venir de cette recherche même. Aussi, dans notre second voyage en Orient, au printemps de l’année 1894, nous sommes-nous préoccupé plus particulièrement de la fameuse source, et nous allons exposer le résultat de nos investigations.

Il y a, parmi les savants, deux opinions courantes à propos du site de Capharnaùm : les uns placent la petite ville dans l’anse de Tell - Houm, les autres vers le petit promontoire qui s’élève entre Miniyéh et Aïn -Tabagha. Voir la carte (fig. 61). La première hypothèse, que nous avions adoptée avec Wilson, Ritter, Van de Velde, Bonar, Thomson, dans notre Vie de NotreSeigneur Jésus-Christ, ne me parut plus soutenable du jour où, en 1888, j’eus étudié la question sur place. Tell -Houm est à près de cinq kilomètres de la plaine d’El - Ghoueïr, le petit Rhôr, ou la petite vallée, la seule, autour du lac, qui corresponde à la description faite par Josèphe de la plaine de Génésareth. Or les indications de saint Marc, vi, 45, 53, et de saint Jean, vi, 21, supposent que Capharnaùm était dans cette plaine. En outre, Tell-Houm n’a pas de fontaine importante. Les terres où il se trouve sont plus hautes que l’Aïn -Tabagha, et une série de collines les en sépare. Xi nominalement ni effectivement, la source de Tabagha n’a jamais pu, à travers quatre kilomètres, se rattacher à la ville dont les ruines sont

à Tell-Houm. Dès lors comment expliquer son nom de Capharnaiim ? Josèphe s’est-il trompé en la désignant ainsi ? Il devait pourtant connaître le pays, puisqu’il y avait fait la guerre. Supposer que la fontaine n’avait rien de commun avec la bourgade, tout en portant le même nom et en se trouvant dans les mêmes parages, semble d’autant plus violent, que le nom même, dans sa première partie, Caphar, indique, comme nous l’avons déjà dit, un village et non une source. Ajoutons à ces observations que jamais une grande voie de communication, via maris, ne paraît être passée par Tell-Houm. Les khans actuels marquent encore les grandes routes antiques, et ceux-là ne sont pas du côté de Tell-Houm. Tout au plus si l’on y retrouve des indications de petits chemins ayant relié cette ville à celles qui étaient près du petit Jourdain. En tout cas, on s’éloigne ici de plus en plus des confins de Zabulon et de Nepththali. Il n’y a jamais eu dans l’anse de Tell-Houm un lieu de transit propice soit pour les caravanes, on y est en dehors des voies principales de communication ; soit pour les barques, le rivage n’y offre pas même l’emplacement d’un petit port. Des douaniers ou percepteurs y auraient été mal postés. Les seules raisons qu’on ait d’identifier Tell-Houm avec Capharnaùm sont généralement prises d’indications de pèlerins, mal données ou mal comprises, d’une ressemblance de nom fort arbitraire, et enfin des ruines importantes qu’on y trouve. Les témoignages des pèlerins, tels que nous les donnerons tout à l’heure, ne disent rien de concluant en faveur de Tell-Houm, si l’on fixe bien le point de départ des voyageurs. Que Caphar, village, soit devenu Tell, amas de ruines, c’est possible ; mais que Nachurn soit devenu Houm, par la suppression de la première syllabe, qui est la caractéristique du mot, c’est fort douteux. Josèphe, dans sa biographie, défigure bien un peu le nom ; mais il se garde de supprimer le nun, et dit Capharnomé. On a donc bien fait de chercher une autre explication à cette dénomination de Tell-Houm, et les uns ont supposé qu’il faut le traduire par la Butle-Noire (Houm signifie « noir » dans l’arabe moderne, comme dans l’hébreu, et les énormes blocs de basalte qui sont mêlés aux ruines leur donnent un sombre aspect), les autres voulant y voir la Butte-des-Chameaux, le mot Houm signifiant aussi, en arabe, « troupe de chameaux. » Plusieurs prétendent que Tell-Houm est une corruption de Tanchum, nom d’un rabbin célèbre enseveli en ce lieu. Voir Keim, Jésus de Nazareth, trad. angl. de Geldart, Londres, 1876, t. ii, p. 369.

Quant aux ruines elles-mêmes (fig. 65), dont nous ne contestons pas l’importance relative, elles prouvent tout simplement qu’il y eut là une petite ville où, après la destruction de Jérusalem, les Juifs s’étaient groupés, comme en un lieu presque solitaire, en dehors de la voie romaine, caché au pied des montagnes, où il était facile de se faire oublier. Si, en effet, il y a encore tant de ruines à Tell-Houm, c’est que les chameaux et les betes de somme n’y arrivent pas aisément, et que les barques elles-mêmes doivent stationner à quelque distance de la grève ; sans cela le site serait aussi dépourvu de pierres taillées qu’à Tabagha et à Khan Miniyéh. Sans doute il y aurait un charme réel pour notre piété à se dire que ces fûts de colonnes, sur lesquels nous nous sommes assis, sont ceux-là mêmes qui entendirent le Maître instruisant la foule, guérissant les malades, prononçant le sublime discours sur le pain de vie. Mais ce serait là de l’enthousiasme mal fondé. Il suffit d’avoir visité les synagogues encore à moitié debout de Meiroun et surtout de Kefr-Beram, au-dessus de Safed, pour reconnaître que celle de Tell - Houm remonte exactement à la même époque. La ressemblance de celle-ci avec les deux de Kefr-Beram est particulièrement frappante. Non seulement l’orientation du sud au nord est la même, mais l’entrée y eut les même ? portes, deux latérales rectangulaires avec moulures à crossette, sur des pieds droits, et une au milieu, plus