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ÉVANGILES


Jesu, 1876 ; Beyschlag, Leben Jesu, Halle, 1885 ; Wendt, Die Lehre Jesu, Gœttingue, 1886 ; Scholten, Het oudste Evangelie, 1868 ; Nbsgen, Geschichte der Neutestamenll. Offenbarung, Munich, 1891 ; Ewald, Das Hauptproblem der Evangelienfrage, Leipzig, 1890 ; Wright, Comjiosition of the Four Gospels, Londres et New-York, 1890 ; Carpenter, The Synoptic Gospels, Londres, 1890 ; Mandel, Kephas, der Evangelist, Leipzig, 1889 ; Sanday, A survey of the synoptic question, dans Exjiositor 1891 ; J. C. Hartkins, Horss Synopticse, .in-8°, Oxford, 1899. Cf. Sanday, dans le Diclionary of the Bible, de Smith, 2e édit., 1893, 1. 1, p. 1230 sq., qui donne un tableau comparatif des différentes formes de la théorie documentaire.

A la théorie des deux sources principales des Synoptiques on a donné une base historique et une base critique. La base historique a été prise dans les deux notices de Papias sur saint Matthieu et saint Marc, qu’Eusèbe, H. E., iii, 39, t. xx, col. 300, nous a conservées. Selon l’évêque d’Hiérapolis, Marc, disciple et interprète de Pierre, avait écrit exactement, mais sans ordre, tout ce qu’il se rappelait des paroles et des actes du Seigneur ; Matthieu avait fait en hébreu un recueil des Logia de Jésus. Papias connaissait donc deux écrits différents sur la vie de Jésus : l’un, rédigé en grec par Marc, rapportait des faits et des discours ; l’autre, composé en hébreu par Matthieu, ne contenait que des sentences. Ce dernier ne peut être l’Évangile actuel de saint Matthieu, qui comprend des récits et des discours ; c’est un Proto-Matthieu, qui a fourni le fond didactique de notre premier Évangile. La notice de Papias sur l’œuvre de Marc conviendrait à la rigueur à notre second Évangile, si celui-ci, examiné attentivement au point de vue critique, ne présentait des indices de relouche et de remaniement. On y remarque des traces d’une seconde main, en sorte qu’il faut admettre l’existence d’un Proto-Marc, qui aurait été, suivant les uns, plus long ; suivant les autres, plus court que l’Évangile actuel de Marc, et de qui dériverait la plus grande partie des matériaux du second Évangile. Cf. du Buisson, The Origin and Peculiar Characteristics of the Gospel of S. Mark, and its Relation to the other Synoptists, Oxford, 1896, p. 47-60. Ces résultats, joints aux preuves de la priorité de Marc sur Matthieu, suffisent à expliquer les relations de parenté et de dissemblance entre les deux premiers Synoptiques. L’Évangile grec de saint Matthieu a réuni le Proto-Marc au Proto - Matthieu et a inséré dans un cadre historique, emprunté au Proto-Marc, les discours de Jésus, groupés dans les Logia du Proto -Matthieu. L’Évangile actuel de saint Marc ne serait que l’ancienne rédaction du Proto-Marc sous une forme abrégée ou amplifiée.

Les relations de l’Évangile de saint Luc avec les deux autres Synoptiques sont expliquées un peu différemment. Pour quelques critiques, les deux sources principales suffisent à rendre compte des ressemblances et des divergences du troisième Évangile avec les deux premiers. Son auteur aurait pris pour base la narration historique de Marc et l’aurait combinée avec une traduction grecque d’un écrit réunissant les Logia aux récits propres de Luc. On discute en particulier les rapports du troisième et du premier Évangile. E. Simon, liât der dritt Evangelist den kanonischen Matthàus benutzt ? Bonn, 1881. Feine, Eine vorkanonische Ueberlieferung des Lucas, Gotha, 1891, a eu recours à une source ébionite hiérosolymitaine de saint Luc. Ce document primitif comprenait un noyau de discours, auxquels on joignit successivement des paraboles et des récits. Il était d’origine judéo-chrétienne et avait été composé en grec avant la ruine de Jérusalem. A. Resch, qui réduit l’hypothèse des deux sources originelles à une seule, un Evangile hébreu ou aramaîque, contenant surtout des discours, Agrapha, aussercanonïsche Evangelienfragmente, dans Texte und L’ntersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, t. v, 4e fasc, Leipzig, 1889, p. 27-75 ; Ausserca nonische Paralleltexte zu den Evangelien, ibid., t. x, 1° fasc, Leipzig, 1893, p. 62-152 ; 2° fasc, Leipzig, 1894, p. 20-28, admet pour les récits propres à saint Luc un Évangile de l’enfance en hébreu, qu’il intitule n-iVn

7°f>, (JigXo ; ytvéaew ; ’Irjaci’j, Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien, ibid., 3e fasc, Leipzig, 1895, p. 833-838. Il a une telle assurance dans les résultats de sa critique, qu’il a reconstitué le texte hébreu de cet Évangile de l’enfance. Das Kindheilsevangelium nach Lucas und Matthœus, ibid., 5e fasc, Leipzig, 1897, p. 202-226. Cf. Lagrange, Les sources du troisième Évangile, dans la Revue biblique, t. iv, 1895, p. 5-22, et t. v, 1896, p. 5-38.

4° Conclusion. — Tant d’efforts, aboutissant à des résultats si divergents, n’ont pas été totalement inutiles. Ils ont démontré au moins la complexité du problème synoptique et l’extrême difficulté, sinon l’impossibilité absolue de lui donner, à l’aide des moyens dont dispose actuellement l’érudition, une solution adéquate et certaine. Ils ont fait ressortir la fausse voie dans laquelle s’étaient témérairement engagés plusieurs des premiers critiques qui avaient étudié la question. Ils ont fait bonne justice, par exemple, de Y Evangile primitif et de ses divers remaniements araméens ou grecs, qu’avaient imaginés Eichhorn et Marsh, et ils ont écarté définitivement les théories arbitraires et tout à fait inacceptables de certains exégètes rationalistes. Les critiques indépendants deviennent de plus en plus réservés dans leurs conclusions, et l’hypothèse d’un Proto-Marc perd successivement et avec raison ses partisans. A. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Lilteratur bis Eusebius, 1. 1, Leipzig, 1897, p. 700. Ils maintiennent généralement, il est vrai, à l’Évangile canonique de Marc la première place dans l’ordre chronologique et le regardent comme la source principale de Matthieu et de Luc. Ils se demandent si le troisième évangéliste a eu l’Évangile de saint Matthieu entre les mains ; ceux qui nient tout rapport direct entre le premier et le troisième Evangile admettent au moins un rapport indirect, saint Luc ayant puisé aux mêmes sources que saint Matthieu. Cf. P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 52-53 et 61 -74. Ces conclusions sont loin d’être certaines. Si elles étaient jamais démontrées, elles ne présenteraient rien de formellement opposé à la foi catholique, car la date des Évangiles et l’ordre de succession dans lequel ils ont paru ne sont pas déterminés par la tradition ecclésiastique avec une précision telle qu’ils s’imposent nécessairement à notre assentiment. Le principe du recours fait par les évangélistes à des sources écrites, à des documents antérieurs qu’ils auraient utilisés, est tout à fait conciliable avec leur inspiration, car leur emploi et le choix des matériaux qu’ils contenaient se seraient produits sous l’action directrice et avec l’infaillible garantie du Saint-Esprit. Mais, dans l’état actuel de la science, il nous paraît tout à fait impossible de déterminer avec certitude le nombre, la nature et le contenu des sources consultées, à plus forte raison de les classer et de dire dans quelle mesure elles ont été utilisées par les évangélistes. Toute théorie qui prétend retrouver les documents antécédents, qui en décrit la dérivation et croit reconnaître la manière dont ils ont été agglutinés dans nos Évangiles canoniques, est peut-être fort ingénieuse ; mais elle reste nécessairement hypothétique et contestable. Un dernier fait que la discussion du problème synoptique a mis en évidence, c’est l’existence et le rôle de la tradition orale dans la transmission de l’Évangile et la formation des récits canoniques. Personne aujourd’hui ne nie ce fait historique ; tous admettent que la prédication a été la forme première de l’Évangile et qu’elle a pénétré dans la rédaction des Synoptiques. Ainsi, ces récits traditioni nels, si rapprochés des événements qu’ils racontent, I méritent d’autant plus d’être tenus pour historiquement