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EVANGILES


1853, 1. i, p. 52-62, 79-92 ; deValroger, Introduction historique et critique aux livres du Nouveau Testament, Paris. 1861, t. ii, p. 16-17 ; H. Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 177-188 ; Schanz, Commentai’ïiber das Evangelium des heiligen Mardis, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 23-32 ; Commentai’ûber das Evangelium des heiligen Lucas, Tubingue, 1883, p. 10-17 ; Coleridge, The Life our Life, Vita vitx nostrss, Londres, 1869, p. xlv ; Bacuez, Manuel biblique, t. iii, Ie édit., 1891, p. 114-115. Il a été adopté aussi par divers critiques protestants, entre autres par Keil, Commentar ûber die Evangelien des Marcus und Lucas, p. Il et 174. On a essayé, avec un grand déploiement d’érudition, de trouver à cette hypothèse un fondement dans la tradition patristique. On l"a appuyé surtout sur l’autorité de saint Augustin, De consensu evangelistarum, i, 2, n° 4, t. xxxiv, col. 1044. Quelques Pères, il est vrai, mais non les plus anciens, ont pensé que les évangélisles Marc et Luc s’étaient servis de l’Évangile de saint Matthieu, et que saint Marc en particulier n’avait fait que résumer l’œuvre de son prédécesseur. Ils présentent ce sentiment comme le résultat de leurs investigations exégétiques, non comme une tradition ecclésiastique. Les Pères les plus rapprochés de l’origine du christianisme, par exemple, Papias, dans Eusèbe, H. E., m, 39, t. xx, col. 300 ; saint lrénée, Cont. hier., iii, 1, t. vii, col. 845 ; Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552, ont affirmé l’indépendance des évangélistes, et toute la tradition a nié qu’ils se soient concertés ou simplement mis d’accord pour la rédaction de la vie de Jésus. C’est donc à tort qu’on présente comme traditionnelle l’hypothèse de la dépendance mutuelle des Évangiles. R. Cornely, Historica et critica introductio in utriusque Testamenti libros sacros, Paris, 1886, t. iii, p. 183. D’ailleurs, si cette hypothèse rend suffisamment compte des ressemblances des Synoptiques, elle n’explique pas leurs divergences et leur méthode propre. Elle n’explique pas en particulier les omissions. Pourquoi saint Marc, s’il a été l’abréviateur de saint Matthieu, ne résume-til pas tous les discours de Jésus qui sont rapportés dans le premier Évangile ? Pourquoi surtout ne range-t-il pas dans l’ordre chronologique qu’il établit tous les faits racontés par saint Matthieu ? Pourquoi saint Luc, s’il a connu le premier Évangile, a-t-il négligé des événements et des enseignements aussi importants que ceux qui sont contenus dans Matth., ix, 27-34 ; xiii, 24-35 ; xvii, 24-27 ; xviii, 10-35 ; xxi, 17-22 ; xxii, 34-40 ; xxvi, 6-13 ; xxvii, 28-31 ? Cf. Berthold, Einleitung in sâmmtlichen Scliriften des A. und N. T., t. iii, p. 1164. Pourquoi tout le morceau, Matth., xiv, 22-xvi, 12, manque-t-il entièrement dans saint Luc, qui se proposait pourtant d’être complet ? On ne peut guère donner d’autre raison valable, si ce n’est qu’il ne connaissait pas l’Evangile de saint Matthieu. Et dans les passages parallèles, d’où vient que la ressemblance n’est pas absolue ? Marc et Luc, dans l’hypothèse, copient Matthieu, ou Luc copie Marc ; pourquoi ne copient-ils pas constamment le même modèle ? Comment expliquer que dans le même récit, dans la même phrase, ils s’en écartent et modilient la période, en partie reproduite ? Godet, Commentaire sur l’Évangile de saint Luc, 2e édit., t. ii, p. 534. Ces questions non résolues montrent assez clairement l’insuffisance de l’hypothèse de l’emploi de saint Matthieu par saint Marc, et de saint Matthieu et de saint Marc par Saint Luc.

L’hypothèse de Griesbach, d’après laquelle saint Luc serait venu immédiatement après saint Matthieu, aurait mis à profit sa narration, puis aurait servi à son tour avec le premier Évangile à saint Marc, a été reprise par plusieurs exégètes catholiques d’Allemagne, A. Maier, Einleitung in die Scliriften des Neuen Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1852, p. 29 ; Langen, Grundriss der Einleitung in das Neue Testament, Fribourg-en-Bris gau, 1808, p. 59 ; J. Grimm, Die Einheit der vier Evangelien, Ratisbonne, 1868, p. 507. Mais cette hypothèse se heurte aux mêmes difficultés et à d’autres du même genre que celles qui ont été soulevées par la précédente. Pour ne parler que de saint Marc, s’il a connu et résumé le premier et le troisième Évangile, pourquoi en a-t-il négligé des parties importantes, notamment tout ce qui concerne l’enfance de Jésus ? Dans des passages communs, il fournit de nouveaux détails ; où les a-t-il puisés ? Il a des récits propres. Prétendre avec Saunier, Ueber die Quellen des Evangeliums des Marcus, Berlin, 1825, que saint Marc, quand il écrivait, n’avait pas sous les yeux Matthieu et Luc, mais qu’il les citait de mémoire, c’est faire une supposition gratuite, qui n’explique pas d’ailleurs l’absence des discours de Jésus dans le second Évangile. Cf. Michel Nicolas, Études critiques sur la Bible, Nouveau Testament, Paris, 1864, p. 57-60.

On pourrait rattacher au système de la dépendance mutuelle des Évangiles la critique de tendance de l’école de Tubingue. Pour Schwegler, Das nachapostoliche Zeitalter, Tubingue, 1846, et pour Baur, Kritische Untersuchungen ûber die canonische Evangelien, Tubingue, 1847 ; Markusevangelium nach seinen Ursprung und Charakler, Tubingue, 1851, les Évangiles actuels ont été composés seulement au ne siècle et sont les manifestes des partis qui divisaient alors l’Église. Il y eut un premier cycle de traditions évangéliques, qui comprenait des Evangiles multiples, aujourd’hui perdus, tels que les Évangiles des Hébreux, des Ebionites et des Égyptiens. Ils émanaient tous du parti pétrinien ou particulariste, qui voulait soumettre les gentils convertis aux ordonnances judaïques. L’Évangile de saint Matthieu appartient à cette catégorie d’écrits judaïsants et n’est que l’Évangile des Hébreux, remanié dans une intention pacifique. L’Évangile de saint Luc est le manifeste du parti paulinien ou universaliste, qui exemptait les gentils des pratiques juives ; mais il a été retouché au ne siècle dans un but de conciliation et mélangé de quelques idées pétriniennes. L’Évangile de saint Marc est postérieur à ce double remaniement ; c’est un simple résumé des deux précédents, et il a été écrit avec une telle circonspection, qu’il garde une neutralité parfaite dans les questions discutées. Les différences des Synoptiques s’expliquent donc par la diversité des tendances primitives, et leurs ressemblances sont l’œuvre des remaniements qu’on leur a fait subir pour les accorder et leur enlever leur caractère originel de manifestes de partis. Cf. Yigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1886, t. ii, p. 470-477. Les disciples de Baur modifièrent et rectifièrent les conclusions du maître. Hilgenfeld, Einleitung in das Neue Testament, 1875, reporte au I er siècle la composition des Synoptiques. Volkmar, Die Evangelien, 1870, accorde la priorité à l’Évangile de Marc. Keim, Geschichte Jcsu von Nazara, 1807, t. i, p. 61-63, reste plus fidèle aux idées de Baur, et, tout en rehaussant la date des Évangiles, il maintient à celui de Marc la dernière place. Holsten, Die drei ursprûnglichen noch ungeschrieben Evangelien, 1883 ; Die Synoptisclien Evangelien nach der Form ihres Inhaltes, 1885, pense que l’Évangile actuel de saint Marc, qui est paulinien, est un remaniement de l’Évangile de saint Matthieu, qui est pétrinien. L’Évangile de saint Luc, selon lui, fusionne les deux précédents et représente le parti paulinien, parvenu à un nouveau stade de son développement.

Une autre forme de la dépendance mutuelle des Évangiles a eu plus de succès et a reçu un nom à part ; c’est l’hypothèse de Marc, ainsi nommée parce que ses partisans regardent saint Marc comme le plus ancien des Synoptiques, que saint Matthieu et saint Luc ont successivement imité et développé. Le second Évangile suivant l’ordre du canon est le plus court de tous ; il omet les discours pour ne s’occuper que des faits ; quoique très bref et très rapide, il contient néanmoins la plupart des