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CANTIQUE DES CANTIQUES


lousie, i, 5 ; elle est d’abord petite, viii, 8 ; elle cherche ! son divin Époux, iii, 2, 4 ; elle l’aime, ii, 5 ; lui est dé- ! vouée, viii, 1, 2 ; devient reine, vii, 7-9 ; mère, vii, 3 ; I forte et puissante, vi, 3 ; faisant paître son troupeau, 1, 7, et pourtant persécutée et dépouillée, v, 7, etc. — Néanmoins il ne convient pas de s’arrêter à tous les détails et d’en vouloir désigner l’application. Les sentiments de l’époux et de l’épouse ne sont en définitive qu’une figure très imparfaite des sentiments de Jésus-Christ et de son Église. Aussiserait-ce tomber dans la puérilité que de vouloir trouver un sens spirituel à tous les traits de l’allégorie. « Tout ce qui se trouve.dans la parabole, remarque Mart. del Rio, n’appartient pas au sens historique et allégorique, et ne doit pas nécessairement lui être rapporté. Il y a des traits qui sont pour l’ornement et pour l’élégance, mais n’en forment point une partie intégrante. Ce sont des images que l’habitude, et non la nécessité, a fait introduire. » In Cant. comment. Isagoge, p. xxxiv.

2° À cet objet principal s’en rattachent d’autres qui sont compris dans le premier. Ces autres objets sont :

i. L’union du Seigneur avec son peuple d’Israël. Le Cantique tout entier a été expliqué dans ce sens par les docteurs juifs de tous les temps. Plusieurs auteurs catholiques ont admis qu’une partie au moins du Cantique a la Synagogue pour objet. Ainsi saint Thomas rapporte la fin du livre, vi, 10-vn, 14, à la conversion des Juifs. Tiefenthal explique en ce sens les chapitres v-vm. D’autres voient la Synagogue dans l’épouse qui désire et appelle l’époux au début du livre. Sans doute l’ancienne loi est la figure de la nouvelle, et la Synagogue prépare l’Église, liais on ne peut appliquer à la première les paroles du Cantique que dans un sens indirect et incomplet, c’est-à-dire dans la mesure où l’ancien peuple peut être considéré comme ne faisant qu’un avec le nouveau. — a) Israël était le peuple de Jéhovah ; or Salomon, le « roi pacifique », ne fut pas la figure de Jéhovah, mais du Fils de Dieu, qui a épousé l’Eglise, non la Synagogue. — 6) Salomon et le peuple d’Israël sont des figures ; Jésus-Christ et l’Église, des réalités. Mais Salomon n’a pas été pour son peuple ce que Jésus-Christ est pour son Église. Il y aurait donc une certaine incohérence à faire de la Sulamite le type de la Synagogue. — c) Enfin le Cantique ne reproche à l’épouse aucune infidélité, trait fort important qui ne saurait convenir au peuple d’Israël. Cf. Gietmann, Comm. in Cant. cantic, p. 407.

n. L’union de Jésus-Christ avec la très sainte Vierge Marie. L’application du Cantique à la Mère du Sauveur a été faite par plusieurs Pères, particulièrement par saint Ambroise, dont l’abbé Guillaume a collectionné les textes, Patr. lat., t. xv, col. 1945, et ensuite par Rupert de Deutz, Denis le Chartreux, saint Bernard., etc. L’Église autorise cette application, en se servant elle-même d’un grand nombre de textes du Cantique dans les offices de la Sainte Vierge. Cf. Schâfer, Das hohe Lied, p. 253. C’est à bon droit qu’elle agit de la sorte, car — 1. Marie résume en elle toutes les qualités de l’épouse bien-aiméc, la beauté, la pureté, l’amour, etc. — 2. Marie est un membre de l’Église tellement éminent par sa sainteté, qu’elle peut en être considérée comme la personnification la plus parfaite. Néanmoins il faut se garder de vouloir appliquer à la Sainte Vierge tous les traits du Cantique. On ne pourrait le faire sans tomber dans des interprétations et des accommodations arbitraires.

m. L’union de Jésus-Christ avec l’âme chrétienne. Ce sens a été développé, conjointement avec les deux précédents, par Origène, saint Ambroise, saint Grégoire de Nysse, Théodoret, saint Basile, Hom. xii, in princip. Prov., 1, t. xxxi, col. 388, d’après lequel le Cantique « renferme l’union de l’époux et de l’épouse, c’est-à-dire l’amitié familière de l’âme avec le Verbe de Dieu ». « Non point, ajoute saint Bernard, que personne puisse avoir la présomption d’appeler son âme l’épouse du Seigneur ;

mais comme nous faisons partie de l’Église, qui s’honore de porter ce nom et de le mériter, c’est à bon droit que nous prenons part à cet honneur. » Serin, in Cant., Serm. xii, 11, t. clxxxiii, col. 833.

3° Il ne serait pas complètement exact de comprendre dans l’allégorie : — 1. L’union du Verbe avec la nature humaine dans le mystère de l’Incarnation. Ce fut l’idée d’Aponius, au VIIe siècle, et quelques auteurs contemporains la suivent encore. « L’ensemble du sacré Cantique se prête mal à cette interprétation, et il est visible que le Verbe, envisagé dans sa nature humaine, est l’époux lui-même ; mais que l’épouse est son corps mystique, son Église considérée dans son tout et dans ses membres. » T, e Hir, Commentaire, p. 101. D’ailleurs l’épouse du Cantique est manifestement une personne, et l’humanité prise par le Verbe de Dieu n’a point à elle seule le caractère de personnalité. — 2. L’union de Salomon avec la sagesse. Rosenmùller, Scliolia in Cant., p. 271 et suiv. L’union avec la sagesse est représentée dans un des Livres sapientiaux sous le symbole de l’union conjugale. Sap., viii, 2, 9, 16, 18. On trouve aussi dans l’Ecclésiastique, xxiv, 20, 23, 25-27, etc., des traits qui semblent empruntés au Cantique. Ces emprunts permettent de croire que les auteurs postérieurs ont cherché à imiter l’écrit de Salomon ; mais rien ne prouve qu’ils aient eu la pensée d’en fixer le sens véritable. Ils font de l’accommodation et non de l’interprétation.

4° Ce qui a été dit précédemment de l’authenticité et de l’interprétation du Cantique ne permet point de l’entendre dans les sens rationalistes, par exemple de l’union désirée entre les dix tribus schismatiques et le royaume d’Ézéchias (Hug, Herbst), de la restauration du culte sous Esdras et Néhémie (Kaiser, Vemes), etc.

5° Plusieurs auteurs se sont efforcés de trouver dans la suite du Cantique les phases diverses de l’amour de Jésus-Christ pour son Église, ou les différentes formes de son union avec la créature. Saint Thomas voit dans ce livre la peinture de l’amour de Jésus-Christ pour l’Église :

— 1° dans les premiers temps, quand les Juifs refusent d’entrer dans la société nouvelle, Cant., i-ih, 6 ; — 2° dans l’état intermédiaire, quand l’Église grandit et reçoit les nations dans son sein, iii, 7- vi, 9 ; — 3° dans les derniers temps, quand Israël sera sauvé, vi, 10- viii, 13. — Nicolas de Lyre explique le Cantique de l’amour de Dieu pour son peuple : — 1. dans l’Ancien Testament : a) à la sortie d’Egypte, l, 1-11 ; — b) au désert, i, 12-iv, 7 ; — c) en Judée, iv, 8-vi, 12 ; — 2. dans le Nouveau Testament : a) au berceau de l’Église, vii, 1-10 ; — b) pendant son accroissement, vil, 11-13 ; — c) pendant son repos, viii, 1-13. — Cornélius a Lapide y trouve : 1. l’enfance de l’Église, i-ii, 7 ; — 2. les progrès de l’Église, ii, 8- iii, 5 ; — 3. la maturité de l’Église, iii, 6-v, 1 ; — 4. la décrépitude de l’Église, v, 2-vi, 2 ; — 5. le renouvellement et le perfectionnement de l’Église, vi, 3- viii, 14. — Schjefer, Das Hohe Lied, Munster, 1876, croit que le Cantique célèbre :

— 1. les noces du Christ avec la nature humaine, i-ii, 7 ;

— 2. les noces du Christ avec l’Église, ii, 8-v, 1 ; — 3. les noces du Christ avec chaque âme, v, 2-vin, 5. — Gietmann, Comm. in Cant., p. 413, résume ainsi son commentaire : 1. 1, 1-n, 7, l’époux, répondant aux désirs de l’épouse, la visite et la console par les plus douces caresses ; — 2. ii, 8-17, il la visite de nouveau et la dispose à la vie active ; — 3. iii, 1-5, il l’éprouve et la console ; — 4. il l’épouse avec le plus magnifique appareil ;

— 5. v, 2- vi, 8, l’épouse s’encourage à souffrir pour l’époux dont elle conquiert toute la faveur ; — 6. vi, 9-vm, 4, l’épouse recueille des fruits abondants de ses travaux et par là fait la joie de l’époux ; — 7. viii, 5-14, elle est transportée dans le séjour céleste de l’époux.

Ces différents exemples montrent que cette allégorie sacrée prête à beaucoup d’interprétations qui concordent pour le fond, bien qu’elles varient dans l’explication des détails. D’autres seront sans doute encore imaginées dans