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EVANGILES


Évangiles et eux seulement. Voir col. 176-178. Il n’y eut plus dès lors dans l’Église lu moindre hésitation relativement à l’origine apostolique et à l’autorité divine des Évangiles. Cf. Norton, On the Genuineness ofthe Gospels, 2 in-8, Londres, 1847 ; H. de Valroger, Introduction historique et critique aux livres du Nouveau Testament, Paris, 1861, t. i ; H. "Wallon, L’autorité de l’Évangile, 3e édit., Paris, 1887, p. 19-64 ; Ms r Meignan, Les Evangiles et la critique, 2e édit., Paris, 1870.

VI. Ordre des Évangiles. — Les Évangiles ont été rangés dans un ordre déterminé dès que les quatre récits canoniques de la vie de Jésus-Christ ont été réunis en un recueil ; mais nous ne pouvons pas dire quel était l’ordre primitif ; il n’en reste aucune trace certaine. Saint Irénée, Cont. hseres., III, i, 1, t. vii, col. 844-845, a placé les Évangiles dans l’ordre accoutumé : Matthieu, Marc, Luc, Jean ; mais il n’indique pas leur disposition dans les manuscrits, il mentionne seulement l’ordre chronologique de leur publication. Ailleurs, Cont. hseres., III, ix-xi, col. 868-892, il dispose les Évangiles dans cette suite : Matthieu, Luc, Marc et Jean ; il tient compte alors de leur contenu, et il les range d’après leur point de départ dans l’histoire de Jésus-Christ. L’ordre Jean, Luc, Matthieu, Marc, indiqué Cont. hseres., III, xi, 8, col. 887-888, répond à l’interprétation des animaux symboliques du char d’Ézéchiel. Le classement ordinaire correspond à l’ordre chronologique d’apparition adopté par la tradition ecclésiastique. Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 581-584 ; Eusèbe lui-même, H. E., va, 24, col. 264-268 ; S. Épiphane, Hseres. li, t. xli, col. 893 ; S. Jérôme, In Malth. prsef., t. xxix, col. 528 ; S. Augustin, De consensu Evang., i, 2, t. xxxiv, col. 1043. Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552, rapportait une autre tradition sur l’ordre chronologique des Évangiles, r.tÇ’. xr, ; z&inwz twv EOa-ryeHwv ; les Évangiles qui contenaient la généalogie de Notre-Seigneur étaient les premiers, puis venaient les récits de Mare et de Jean. On ne sait pas dans quel ordre les Évangiles se suivaient dans les Hypotyposes de Clément. Tertullien ne suit pas un ordre rigoureux et constant. Il distingue les Évangiles écrits par les Apôtres de ceux qui ont été composés par leurs disciples, Cont. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 363 ; il indique aussi cette disposition : Jean, Matthieu, Marc, Luc. Cont. Marcion., iv, 5, col. 366-367. On ne peut rien conclure des citations évangéliques qu’on lit dans les écrits des Pérès. Pour les auteurs ecclésiastiques, l’Évangile forme un tout, un seul livre, où ils puisent au hasard des circonstances. Le Canon de Muratori lui-même, bien qu’il ait numéroté les Évangiles, ne semble pas indiquer pour eux l’ordre d’un manuscrit, comme on croit qu’il l’a fait pour les Épîtres. Dans les manuscrits, les Évangiles sont disposés dans sept ordres différents. — 1° Matthieu, Marc, Luc, Jean. C’est l’ordre actuel de nos Bibles ; il a été le plus fréquemment suivi dans l’antiquité. On le trouve dans presque tous les manuscrits grecs, depuis les plus anciens jusqu’aux plus récents, dans la plupart des manuscrits de la Peschito, de la version Charkléenne et dans le Codex Lewisianus. Les écrivains ecclésiastiques l’ont adopté ; Eusèbe l’a employé dans sa lettre à Carpien et dans ses canons évangéliques ; saint Athanase, saint Épiphane, saint Grégoire de Nazianze et saint Amphiloque, l’ont reproduit dans leurs listes des Livres Saints. Tous les canons seripturaires postérieurs au rv » siècle l’ont conservé. Saint Jérôme, Epist. ad Damasum, t. xxix, col. 528, l’a introduit dans sa recension latine du Nouveau Testament. Il était déjà usité dans l’Église latine avant saint Jérôme. Cassiodore l’a trouvé dans l’ancienne version latine de la Cible. Rufm et saint Augustin l’admettaient. Il était très répandu au commencement du IVe siècle, et il a supplanté tous les autres grâce à la recension de saint Jérôme.

— 2° Matthieu, Marc, Jean, Luc. Il se rencontre dans l’unique manuscrit connu de la version syriaque dite Cu retonienne. Le Canon de Mommsen nous apprend qu’il était usité dans l’Afrique latine, vers 360. Voir Canon, col. 151 et 176. Le commentaire latin des Évangiles, attribué à saint Théophile d’Antioche, l’a suivi. Il est peu probable que l’Évangile de saint Luc aurait été placé le dernier pour le rapprocher du livre des Actes, qui est l’œuvre du même écrivain ; car la version syriaque et le commentaire latin ne contiennent que les Évangiles, et dans le Canon de Mommsen les Épîtres séparent saint Luc des Actes, — 3° Matthieu, Luc, Marc, Jean. Cet ordre ; n’est suivi que par le commentateur désigné sous le nom d’Ambrosiaster, Qusestiones ex Veteri et Novo Testamento, t. xxxv, col. 2260, et dans une recension du canon des soixante livres canoniques, contenue dans un manuscrit du Musée britannique, Addit., 17, 409. Cf. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, p. 289, . note 1. — 4° Matthieu, Jean, Marc, Luc. Cet ordre est celui du canon du Codex Claromontanus, voir col. 176 ; . du Grsecus Venetus, cf. Gregory, Prolegomena, p. 591 ; d’un vieux manuscrit grec, qui passait, au IXe siècle, pour une relique du IVe. Cf. Druthmar, Expositio in Matthseum Evangelistam, i, t. cvi, col. 1266. Ici encore il n’y a pas de .raison de penser que saint Luc est placé en dernier lieu afin de le rapprocher des Actes des Apôtres. — 5° Matthieu, Jean, Luc, Marc. Cette disposition est usitée dans le Codex Bezse, voir t. i, col. 1770, dans un manuscrit oncial grec du Xe siècle, le Monacensis, dans les minuscules 309 et 256, cf. Gregory, Prolegomena, p. 442, 524 et 516, dans la version gothique, quelques anciens manuscrits de la Peschito, un certain nombre de manuscrits latins de la version antérieure à saint Jérôme, a, b, f, e, ꝟ. 2, ii, o, q, et par saint Ambroise. On l’a appelée l’ordre occidental des Évangiles. Elle est peut-être d’origine africaine ou espagnole. Ses témoins d’Italie sont du iv « siècle.

— 6° Jean, Luc, Marc, Matthieu. Cet ordre était peut-être dans le manuscrit k de l’ancienne version latine. Les fragments de Marc et de Matthieu que le Bobbiensis contient étaient, à en juger par le chiffre des cahiers, les derniers Évangiles. Voir t. i, col. 1822. On ne connaît point d’exemple de son emploi chez les Grecs. — 7° Jean, Matthieu, Marc, Luc. Les versions sahidique et memphitique, qui suivent cet ordre, prouvent qu’il était autrefois fréquemment employé en Egypte. On le retrouve dans le minuscule grec 255. Il a dû être suivi par beaucoup d’écrivains et peut-être par Origène. C’est le plus ancien dont on trouve des traces, puisque les versions coptes qui le reproduisent datent du ine siècle. — 8° Jean, Matthieu, Luc, Marc. Cet ordre est celui de la Synopsis Sacræ Scripturx, attribuée à saint Chrysostome, t. lvi. col. 318, et d’un manuscrit latin du xve siècle, le n° 45 de la cathédrale d’Halberstadt. Les lectionnaires coptes suivent cette disposition ; mais on peut penser que c’est pour se conformer à l’ordre des lectures liturgiques de l’Évangile. — 9° Jean, Luc, Matthieu, Marc. Les Évangiles sont ainsi ordonnés dans les manuscrits cursiꝟ. 90 et 399. — Cf. Credner, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, Berlin, 1860, p. 393-394 ; Gregory, Prolegomena, Leipzig, 1881, p. 137-138 ; Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, t. ii, Erlangen et Leipzig, 1890, p. 364-375.

VII. Divergences des récits évangéliques. — Nous avons constaté précédemment qu’il existe entre les quatre Évangiles canoniques des divergences nombreuses et assez notables sur le choix des faits racontés et des discours rapportés, sur leur ordonnance et la manière de narrer les uns et de reproduire les autres. Depuis longtemps les adversaires de la religion les exagèrent, les déclarent absolument inconciliables, et s’en font une arme contre la vérité des récits évangéliques et leur inspiration. Les Pères de l’Église les avaient remarquées les premiers ; ils s’étaient préoccupés de bonne heure d’en donner l’explication et d’établir une concordance parfaite entre les écrits en apparence discordants. Eusèbe de Césarée