Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/1076

Cette page n’a pas encore été corrigée
2073
2074
ÉVANGILES


constitué, et que les Évangiles qui en faisaient partie jouissaient dès lors d’une considération et d’une autorité auxquelles nul apocryphe ne pouvait prétendre. Les critiques modernes qui pensent que saint Justin n’a pas eu l’idée d’un canon évangélique, en sorte que cette idée serait née entre le temps de saint Justin et celui de saint Irénée, oublient que ces auteurs ont été contemporains. Le changement que l’on suppose se serait produit du vivant de saint Irénée, sans qu’il s’en. aperçût. L’auteur du Canon de Muratori n’aurait pas eu connaissance d’une transformation aussi importante, et il aurait pu croire très ancien un état de choses qui se serait établi sous ses yeux. Tous les personnages notables de l’époque se seraient donc entendus pour définir le canon évangélique et présenter aux Églises comme apostolique le recueil des quatre Évangiles qu’ils venaient de concerter. Pareille hypothèse est insoutenable, et il faut bien reconnaître que la réception des quatre Évangiles comme œuvres apostoliques et écrits inspirés remonte plus haut. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 125-126. Cf. Zahn, t. i, 1, p. 437-440. A. Harnack, Die Chronologie, t. i, p. 681-700, a cherché à déterminer comment, quand et où s’est formé reùayyéy.iov TETpijj.opçov. En remontant de la fin du IIe siècle, où il le trouve partout, il arrive, d’étape en étape, à constater son existence, au moins en Asie Mineure, dès la composition du quatrième Évangile, 80-110. La formation du recueil canonique des quatre Évangiles a suivi de près la publication de l’Évangile de saint Jean.

Durant la période que nous étudions, il se produisit un essai de mutilation de l’Évangile quadriforme. Par réaction contre le montanisme, qui voulait introduire un troisième Testament, celui du Paraclet, quelques catholiques n’acceptaient pas l’Évangile de saint Jean, afin de réfuter le don et la mission du Saint-Esprit dans l’Église. Saint Irénée, Cont. hxres., 111, xi, 9, t. vii, col. 890-891, déclare leur faute impardonnable. On les a appelés les Aloges. Saint Hippolyte a écrit contre eux son traité perdu :

  • Tjrkp tou y.aTÔc’ltoavvriv £)a.yyEk’.oj xat àizoy.xkv<î/Ewz.

Saint Philastre, Hxres., lx, t. xii, col. 1174-1175, nous apprend que les Aloges attribuaient le quatrième Évangile à Cérinthe. Saint Épiphane, Hxres., li, t. xli, col. 892, les déclare inexcusables de soutenir une pareille attribution. « On doit noter que les Aloges ne songèrent pas à faire passer le quatrième Évangile pour une œuvre récente. Voulant se débarrasser du livre et ne pouvant s’attaquer à un apôtre, ils supposent une fraude littéraire, comme il y en avait eu au cours du ne siècle, et ils la placent au temps même de saint Jean : ils avouent ainsi d’une manière implicite ce que déclarent hautement saint Irénée et les autres témoins de la tradition chrétienne, à savoir, que le quatrième Évangile était aux mains de l’Église dès la fin de l’âge apostolique et les premières années du IIe siècle. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 136-137. Leurs objections contre l’Évangile de saint Jean n’eurent aucun succès, tandis que leur opinion sur l’Apocalypse fut prise en considération ; leurs affirmations, qui ne s’appuyaient pas sur la tradition, n’ébranlèrent pas la conviction universelle, qui était fondée sur des témoignages historiques. C’est une preuve nouvelle que le crédit de la collection canonique des Évangiles remonte à l’âge apostolique.

5° De 3’20 à 450. — Au début de cette période, le recueil des quatre Évangiles existait depuis plus d’un siècle. Dans le cours de sa durée s’élèveront des discussions sur le canon du Nouveau Testament. On remarquera les divergences que présente la tradition ecclésiastique au sujet de quelques livres canoniques de la nouvelle alliance. Mais pour le recueil des Évangiles il n’y aura pas lieu à controverse, et on constatera, en Orient aussi bien qu’en Occident, que l’Eglise a toujours reçu }es quatre Évangiles canoniques et n’a jamais reçu qu’eux. 1. En Orient. — Origène est très explicite sur le nombre

des Évangiles que l’Église reçoit : « L’Église, dit-il, a quatre Évangiles ; les hérésies en ont un grand nombre. » Après avoir cité les titres de plusieurs évangiles apocryphes, il ajoute : « Mais, parmi tous ces écrits, nous approuvons ceux que l’Église approuve, c’est-à-dire les quatre Évangiles qui doivent être reçus. » In Luc, hom. i, t. xiii, col. 1803. Ces quatre Évangiles, en effet, sont les seuls qui soient garantis par la tradition et acceptés sans conteste dans l’Église de Dieu. In Matth., i, t. xiii, col. 829. Voir Canon, col. 171-172. Eusèbe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 268-272, a dressé la liste des écrits du Nouveau Testament. Il les distingue en différentes classes. Parmi ceux qui sont universellement admis, Èv ùloloyou ^évoiç, il place eu premier lieu « la sainte tétrade des Évangiles », tt, v àyîav ràv E-JœyyEÎiMv TSTpaxrjv. Au nombre des apocryphes, èv-rot ; v6601ç, et des livres contestés, tûv àvnXî--9jj.évuv, quelques-uns mettent l’Évangile selon les Hébreux. Les quatre Évangiles appartiennent à la catégorie des Écritures qui, selon la tradition ecclésiastique, sont vraies et authentiques et qui sont universellement reçues, tccç xarâ tiqv âxy.}.Yi<iia<TT[xr|V TrapctSodtv à>T|ôeï ; y.a àîrXâtTTOUç xcà àvcojj.oXoYï]jjiÉv : x ; Ypàçiç. Les Évangiles apocryphes doivent être rejetés comme tout à fait impies et absurdes, wç atoîta îiàvTrj y.u ôucycTcêy}. Non seulement ils n’ont pas l’autorité de la tradition ; leur style lui-même est tout différent de la manière apostolique, et leur contenu est presque toujours en opposition avec la vraie foi. Voir Canon, col. 173.

Saint Athanase, Epist. fest. xxxix, t. xxvi, col. 1177, énumère les quatre Évangiles parmi les livres canoniques du Nouveau Testament. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech. , iv, 36, t. xxxiii, col. 500, fait de même, en excluant les Évangiles apocryphes. Saint Épiphane, Hœres., lxxvi, t. xlii, col. 560, a le même canon évangélique ; il a défendu contre les Aloges l’origine apostolique du quatrième Évangile. Hxres., li, 3, t. xli, col. 892. Saint Grégoire de Nazianze, Carmen de gen. lib. insp. Script., t. xxxvii, col. 474 ; saint Amphiloque, Carmen ad Seleucurn, t. xxxvii, col. 1595 ; le 60e canon du concile de Laodicée, Mansi, Collectio Concil., t. ii, col. 574 ; le Lxxxve Canon apostolique, t. cxxxvii, col. 211, ne reconnaissent que quatre Évangiles. La Synopsis Sacrx Scripturx, attribuée à saint Chrysostome, t. lvi, col. 318, contient le résumé des quatre Évangiles canoniques. Les Constitutions apostoliques, ii, 57, t. ii, col. 729, font dire à saint Pierre, dans une ordonnance relative à la lecture publique du Nouveau Testament : « Un diacre ou un prêtre lira les Évangiles que moi, Matthieu et Jean, vous avons transmis, et que les collaborateurs de Paul, Luc et Marc, vous ont laissés. »

Dans l’Église syrienne, Aphraate cite l’Évangile du Christ, sans mentionner le nom d’aucun évangéliste. D’après l’ordre et l’enchaînement des textes, on voit qu’il se servait du Aià Tscro-spMv de Tatien. Voir t. i, col. 738. Saint Éphrem, qui a commenté le Aià cscrcrapcov, connaissait et citait les Évangiles séparés. Rabbulas prescrivit de lire dans les églises, non plus l’Harmonie de Tatien, mais les quatre Évangiles séparés. Théodoret, Hxres., i, 20, t. lxxxiii, col. 372, trouva encore dans son diocèse deCyr plus de deux cents exemplaires du Aià mjaipun, qu’il lit remplacer par le texte des Évangiles distincts et séparés.

2. En Occident. — L’évêque de Carthage, saint Cyprien, Epist. lxxiii, 10, t. iii, col. 1116, compare les quatre Évangiles aux quatre fleuves du paradis. Saint Philastre, évêque de Brescia, Hxres., lxxxviii, t. xii, col. 1199, rapporte que les Apôtres et leurs successeurs ont établi quels livres on devait lire dans l’Église catholique, et après la Loi et les Prophètes il cite les Évangiles. Dans son catalogue du Nouveau Testament, Rufin d’Aquilée, Expositio Symboli, xxxvii, t. xxi, col. 374, indique les quatre Évangiles. Saint Jérôme, Epist. lui ad Paulin., n° 8, t. xxii, col. 548, fait de même. À partir du ive siècle, i tous les canons des Livres Saints mentionnent les quatre