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ÉVANGILES


récit de la sueur de sang, qui est particulier à saint Luc, xxii, 44. D’autres particularités de l’histoire évangélique, qui ne se rencontrent que dans le troisième Évangile, sont rapportées par saint Justin : Luc, i, 7, Dialog., lxxxiv, col. 676 ; Luc, i, 26, / Apol., xxxiii, et Dialog. , c, col. 381 et 712 ; Luc, ii, 2, I Apol., xxxiv, et Dialog. , lxxviii, col. 384 et 657 ; Luc, iii, 1 et 23, I Apol., xin, xi.vi, et Dialog., lxxxviii, col. 348, 397 et 685. Des paroles du Seigneur, qui correspondent au texte de saint Luc, sont citées : 1 Apol., xv, t. vi, col. 352 ; xvii, col. 356 ; xix, col. 357 ; lxvi, col. b29 ; Dialog., ciii, col. 717. Saint Justin sait par les Mémoires des Apôtres que Jésus est le Fils unique du Père, son Verbe, qu’il s’est fait homme et chair en naissant d’une Vierge. Dialog., cv, col. 720721 ; I Apol, xxxii, col. 380 ; Dialog., lxiii, col. 620. Il n’a pu l’apprendre que dans le quatrième Évangile. Une parole du Christ, empruntée au discours avec Nicodème, Joa., iii, 3-5, est rapportée I Apol., l.xi, col. 420. Des expressions caractéristiques et des comparaisons propres à saint Jean se retrouvent sous la plume de saint Justin,

I Apol., lx, col. 417 ; vi, col. 337 ; Dialog., ex, col. 729.

II serait absurde de prétendre que l’auteur du quatrième Évangile a puisé dans saint Justin, ou que tous deux ont mis à contribution un Évangile perdu, car à l’époque du premier apologiste l’Évangile de saint Jean était depuis longtemps déjà dans l’usage ecclésiastique. Les Mémoires des Apôtres que saint Justin a connus et cités sont donc les quatre Évangiles canoniques. Toutes les théories inventées depuis un siècle pour prétendre le contraire sont insoutenables. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturae Sacrée, p. 77-93. Assurément saint Justin a mis à contribution des documents apocryphes ou des traditions extracanoniques ; mais il n’en cite aucune comme ayant fait partie des Mémoires des Apôtres. Ces Mémoires formaient donc un recueil fixe, à Côté duquel cependant saint Justin acceptait certaines traditions écrites ou orales sur Jésus-Christ. Zahn, i, 2, p. 463-538 ; A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 48-56. — Tatien, disciple de saint Justin, a publié à Rome son Discours aux Grecs, vers l’an 160. Cet ouvrage ne contient aucune citation formelle des Évangiles ; mais il est évident que l’auteur les connaît, qu’il s’en est nourri et qu’il a puisé sa doctrine spécialement dans l’Evangile de saint Jean. Ainsi il cite, Oral., xiii, t. vi, col. 833, comme parole divine une partie de Joa., i, 5 ; il fait, v, col. 813 et 817, des considérations sur le Verbe et la création qui sont comme le commentaire du prologue de saint Jean ; il fait allusion à Joa., i, 3, Orat., xix, col. 849, et à Luc, vi, 25, Orat., xxxii, col. 872. Cf. Zahn, i, 2, p. 778-779. Mais Tatien a publié à Édesse un Atx Teaaipwv, ou Harmonie des quatre Évangiles. Cotait une concordance évangélique, formée par la combinaison des récits canoniques. Cette harmonie des quatre Évangiles, à l’exclusion de tout apocryphe, montre clairement qu’à l’époque de Tatien l’Église reconnaissait ces livres, et ceux-là seulement, comme l’histoire authentique de la vie et de la prédication du Seigneur. Zahn, i, 1, p. 388-423, et ii, 2, p. 530-536. — L’épître à Diognète, qu’on croit contemporaine de saint Justin et qui n’est pas postérieure à Tan 170, mentionne, à côté de la Loi et des Prophètes, les Évangiles comme un corps d’ouvrages en nombre déterminé, ch. xi. Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 330. — Hégésippe, durant un voyage qu’il fit vers l’an 150, visita les principales chrétientés, notamment celles de Corinthe et de Rome. Or il trouva partout un enseignement conforme « à la Loi, aux Prophètes et au Seigneur ».

! Par ce dernier nom il désigne évidemment l’Évangile, 

répandu partout et reconnu comme divin aussi bien que les livres de l’Ancien Testament. Eusèbe, H. E., iv, 22, t. xx, col. 377-384, après avoir rapporté ce témoignage, ajoute qu’llégésippe citait l’Évangile des Hébreux, l’Évangile syriaque et les traditions orales des Juifs, et il explique ce fait singulier par l’origine judaïque de cet écrivain.

2. Témoignages des hérétiques. — Marcion, qui vivait à Rome vers le temps d’Hadrien, 117-138, enseignait que l’Évangile était en opposition absolue avec la Loi. Il rejetait donc tout l’Ancien Testament. Il n’admettait même qu’une partie des écrits du Nouveau Testament, ceux qui lui semblaient correspondre à son enseignement. Selon lui, la doctrine du Christ a été altérée par les Apôtres judaïsants ; saint Paul seul a compris le Maître. Il admet par conséquent les Épîtres de saint Paul et l’Évangile composé par Luc, disciple de saint Paul. Marcion connaît les Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Jean ; mais il les condamne et les exclut de son recueil. Il ne contestait pas leur origine apostolique ; il les repoussait parce qu’il ne les trouvait pas conformes à sa propre doctrine. L’Évangile qu’il adoptait, c’était celui de saint Luc, mais mutilé, altéré et modifié selon sa conception de la prédication chrétienne. S. Irénée, Cont. liserés., i, xxvii, 2, t. vii, col. 688 ; Tertullien, Adv. Marcion., iv, 2, t. ii, col. 364. Ainsi Marcion fit ce que n’avait pas encore fait l’Église, il décida quels livres contiennent la vérité divine et en publia le texte revu et corrigé. Il ne choisit pas un Évangile apocryphe, mais il prit parmi ceux qui étaient reçus dans l’Église celui qui cadrait le mieux avec ses idées. Zahn, I, 2, p. 619-622, 664-716 ; II, 2, p. 409-494 ; Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 69-75 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. i, p. 119-130. — Valentin, qui était originaire d’Egypte et qui enseignait à Rome du temps d’Antonin le Pieux, 138-161, acceptait tous les Évangiles. Il avait toutefois une prédilection marquée pour le quatrième, et son ogdoade suprême d’Éons avait été dressée d’après le texte de saint Jean. Héracléon, son disciple, avait écrit sur cet Évangile un commentaire dont Origène, In Joa., tom. xiii, 59, t. xiv, col. 513, nous a conservé des fragments. Saint Irénée, Cont. hseres., I, viii, 5, t. vii, col. 533-537, a rapporté l’interprétation que Ptolémée, un autre disciple de Valentin, avait donnée du prologue de saint Jean et de la manière dont on y trouvait les Éons. Un troisième valentinien, Marc, se servait aussi du quatrième Évangile. S. Irénée, Cont. hseres., I, xiv-xv, t. vii, col. 593-616. L’école de Valentin ne négligeait cependant pas les Synoptiques. Marc, Héracléon et Ptolémée interprétaient à leur façon plusieurs passages de saint Luc. S. Irénée, Cont. hseres., III, xiv, 3, t. vii, col. 916, et I, xv, 3, col. 620. Valentin et ses disciples employaient également les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Clément d’Alexandrie, Strom., iv, 9, t. viii, col. 1281 ; Excerpta ex scriptis Theodoti, 85, t. ix, col. 697 ; S. Irénée, Cont. hseres., i, iii, 5, t. vii, coi. 476. Zahn, i, 2, p. 725-744 ; Loisy, op. cit., p. 64-66. — Les autres sectes hérétiques du temps employaient plus ou moins les Évangiles canoniques. Les Ébionites se servaient uniquement de l’Évangile de saint Matthieu. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxvi, 2, t. vii, col. 686-687. Les Rarbelosiens semblent, comme les Valentiniens, avoir mis l’Évangile de saint Jean à contribution pour trouver des noms à la hiérarchie de leurs Éons. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxix, t. vii, col. 691-694. Les Ophites connaissaient le troisième Évangile, et ils expliquaient à leur façon les récits de la naissance de saint Jean-Baptiste et de Jésus et ceux de la mort et de la résurrection du Sauveur. S. Irénée, Cont. hseres., i, xxx, 14, t. vii, col. 703. D’après les Philosophoumena, v, 6-11, t. xvi, 3° pars, col. 3123-3159, les Ophites se servaient des Évangiles de Matthieu, de Luc et de Jean. D’après le même livre, v, 12-18, t. xvi, col. 3159-3178, les Pérates faisaient des emprunts à l’Évangile de saint Jean, et les Séthiens, ibid., 19 et 22, col. 3179-3191, à saint Matthieu et à saint Jean. Le gnostique Justin s’est servi de saint Luc et de saint Jean, Philosophoumena, 23-28, col. 3191-3205, et les Docètes s’inspiraient des quatre Évangiles. Ibid., viii, 1-11, t. xvi, col. 3347-3357, Cf. Index, t. xvi, col. 3458-3460. Carpocrate cite une parole du Seigneur d’après Matth., v, 25, ou Luc, xii, 58.