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EVANGILES


dans son ouvrage, c’est que les discours de Jésus que cet Évangile contient convenaient moins à son but. Enfin il est probable qu’il a connu, comme saint Ignace et saint Polycarpe, l’Évangile de saint Luc. Cf. Zahn, i, 2, p. 819-903 ; Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 32-39. — De tout ce qui précède nous pouvons conclure que, vers la fin du 1 er siècle et le commencement du ii a, les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc étaient répandus dans toutes les communautés chrétiennes sur lesquelles nous avons des renseignements. Celui de saint Marc, qui est plus court et a moins.de récits propres, est moins documenté ; mais le défaut de témoignages venant de Rome et d’Alexandrie est amplement compensé par le suffrage favorable de saint Jean et de ses disciples. À la fin du, i « siècle il est en Asie Mineure, où il n’a pas été composé ; c’est une preuve qu’il s’est répandu assez rapidement dans l’Église. Le quatrième Évangile a été connu par saint Ignace, saint Polycarpe et les « vieillards » qui furent les maîtres de saint Irénée. Adv. hser., v, 30, t. vji, col. 1203. Il était employé à Alexandrie dans le premier quart du IIe siècle. À partir de l’an 130, on le trouve partout. Il eut donc toujours une grande vogue et il fut accepté sans contestation, à cause du prestige de son auteur. Les Évangiles apocryphes alors existants sont peu répandus. Nous ne constaterons pas dans les temps postérieurs la moindre hésitation sur le nombre des Évangiles autorisés. Ce fait ne s’expliquerait pas s’il y avait eu à l’origine une période de confusion, durant laquelle on eût joint des Évangiles apocryphes aux canoniques. Les circonstances de la publication de ceux-ci furent sans doute des garanties suffisantes de leur origine apostolique et de leur autorité divine. Le recueil des quatre Évangiles fut donc ainsi constitué en fait avant l’an 130, sans que l’autorité ecclésiastique ait intervenu officiellement pour le présenter aux fidèles. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 41-43.

3° De 130 à 110. — Les documents de cette période sont plus nombreux et plus explicites que ceux de la période précédente. Ils nous feront constater que le recueil des quatre Évangiles canoniques est publiquement reconnu dans l’Église. Cette conclusion résultera des témoignages des écrivains catholiques et hérétiques.

1. Témoignages des écrivains catholiques. — Le Pasteur d’Hermas, qui a été composé à Rome, vers l’an 140, présente d’assez nombreuses affinités d’expressions avec les quatre Évangiles. Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, Index locorum S. Scripturse, p. 576. L’homélie qui est ordinairement désignée sous le nom de seconde Épître de saint Clément, et qui est du même temps, reproduit un assez grand nombre de paroles du Seigneur, qui se retrouvent pour la plupart dans saint Matthieu : II Cor., il, 4, édit. Funk, p. 146, cite comme Écriture Matth., IX, 13 ; II Cor., iii, 2, p. 148, Matth., x, 32 ; II Cor., IV, 2, p. 148, Matth., vii, 21 ; II Cor., ri, 2, p. 150, Matth., xvi, 26 ; II Cor., ix, 11, p. 156, Matth., xii, 50, etc. D’autres citations dérivent de saint Luc : Il Cor., vi, 1, p. 150, Luc, xvi, 13 ; II Cor., xiii, 4, p. 160, Luc, vi, 32. Celle qui est introduite par la formule : lyti yap o KOpio ; Èv : à vjxyfù.iu), II Cor., viii, 5, p. 154, est rapportée par beaucoup de critiques à un évangile apocryphe ; mais elle peut fort bien être tirée de Luc, xvi, 10-12, avec qui elle concorde partiellement. Si on trouve seulement, II Cor., xx, 1, p. 168, une lointaine allusion à Joa., xiv, 1 et 27, l’expression : « Le Christ, qui était d’abord esprit, s’est fait chair, » II Cor., ix, 5, p. 154, semble empruntée au quatrième Évangile, bien que le mot johannique « le Verbe » fasse défaut. Enfin d’autres paroles du Seigneur, II Cor., iv, 5, p. 148 : y, Q-4, p. 150 ; xir, 2-5, p. 158, proviennent soit de la tradition orale, soit d’un document écrit, différent des Évangiles canoniques. — Les anciens dont saint Irénée, Coat. hseres., v, 36, t. vii, col. 1223, invoquait le témoignage, c’est-à-dire les évêques

qui gouvernaient les Églises de l’Asie Mineure, de 130 à 150, avaient certainement entre les mains les mêmes Évangiles que leur disciple, car ils employaient dans leur enseignement des paroles du Seigneur puisées dans nos Évangiles. Cf. Zahn, i, 2, p. 781-783. La lettre des Smyrniotes sur le martyre de saint Polycarpe, en 155, indique de quelle manière le martyre est conforme à l’Évangile, I, 1, édit. Funk, p. 282-284 ; iv, p. 286 ; xix, 1, p.*30t. Elle renferme des allusions à la passion de Jésus-Christ, et vir, 1, p. 288, à un passage de Matth., xxvi, 55. Cf. Zahn, t. i, 2, p. 779-781. — Le martyr saint Justin, à la fin de sa première Apologie, lxvi, t. vi, col. 429, qui date de 150 environ, dit que l’Eucharistie a été instituée par Jésus-Christ lui-même, selon que les Apôtres l’ont rapporté h toTç yevofiévot ; Otc’gcjtwv àTrofjLvrjijLovE’jtxxatv, a y-aXeirou eûayYÉXta. Dans le chapitre lxvii, col. 429, il ajoute que les « Mémoires des Apôtres » sont lus dans les assemblées chrétiennes avec les écrits des prophètes ; on reconnaît donc aux uns et aux autres la même autorité divine. Ce nom de <c Mémoires des Apôtres », que saint Justin est seul à donner aux Évangiles, leur convient parfaitement et rend exactement compte de leur origine et de leur contenu. S’il l’emploie, ce n’est pas que le nom i’rjayyi).ia ne soit couramment usité parmi les chrétiens. S’adressant à un empereur païen, l’apologiste se sert d’un terme qui expliquera clairement la nature des Évangiles qu’il citait. Il y avait une allusion aux’A^ou.-ir^o’/vjp.^-zx, dans lesquels Xénophon reproduit les enseignements de Socrate. II 1 Apolog., x-xi, t. VI, col. 460-461. Les Évangiles que saint Justin désigne sous ce titre forment donc un corps d’ouvrages aussi nettement déterminé que la collection des livres prophétiques de l’Ancien Testament. Comme, d’ailleurs, l’apologiste parle au nom de l’Église, qu’il veut défendre, les Évangiles qu’il mentionne sont ceux que l’Église employait alors, les quatre qu’elle a toujours reconnus depuis. La vérité de cette conclusion résulte directement des autres écrits de saint Justin. Dans son Dialogue avec le juif Tryphon, ciii, t. i, col. 717, qui est de peu postérieur aux Apologies, Justin affirme que ces Mémoires, dont il a parlé si souvent, ont été écrits par les Apôtres ou les disciples des Apôtres. Bien qu’il ne les désigne pas par leur nom, il est clair qu’il vise les deux Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean, qui sont l’œuvre de véritables Apôtres, et les deux autres de saint Marc et de Saint Luc, qui ont été composés par des disciples des Apôtres. Si on examine en détail les citations évangéliques qui se lisent dans les écrits de saint Justin, on constate qu’il s’est servi des quatre Évangiles canoniques. Il n’y a pas de doute possible pour l’emploi du premier Évangile, dont les citations sont nombreuses, soit dans la première Apologie, xv-xvi, t.vi, col. 349-353 soit dans le Dialogue avec Tryphon, xvir, t. vi, col. 513, xxxv, col. 549-552 ; xlix, col. 584 ; li, col. 589 ; lxxvi, col. 653 ; lxxviii, col. 657 ; xciii, col. 697 ; xcix, col. 708 ; c, col. 710 ; cv, col. 721 ; cvii, col. 724 ; cxii, col. 736 ; cxx, col. 756 ; cxxii, col. 760 ; cxl, col. 797. Ces citations sont faites très librement, aussi bien que celles de la version des Septante pour l’Ancien Testament. Le texte y a subi les modifications nécessaires pour devenir intelligible à des lecteurs païens. Les traces du second Évangile sont en moins grand nombre ; on les remarque cependant : I Apolog., xvi, t. vi, col. 353 ; Dial. cum Tryp/i., lxxvi etc, col. 653 et 709 ; De resurrectione, îx, col. 1588. La finale contestée de saint Marc, xvi, 20, est citée I Apol., xlv, col. 397. On peut légitimement penser que le second Évangile est mentionné sous le nom de Mémoires de Pierre. Dialog. c. Trijph., evi, t. vi, col. 724. Ce nom, en effet, convient mieux à la narration de Marc, disciple de saint Pierre, qu’à l’Évangile apocryphe de Pierre, que saint Justin n’a peut-être pas vu. On ne peut guère contester non plus que saint Justin n’ait connu le troisième Évangile. Le passage où il distingue les’Mémoires composés par les Apôtres ou par leurs disciples sert à introduire le