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EVANGILES


dateurs d’Églises et de leurs principaux collaborateurs

; ivait contribué à établir le crédit des trois premiers Évangiles

canoniques et avait favorisé leur diffusion, qui s’est faite rapidement, étant donné les conditions relativement assez faciles dans lesquelles elle s’effectuait. Cf. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 10-11, 13-14.

2° De 90 à 130. — Cette période de la transmission des Évangiles dans l’Église est la plus importante et la plus obscure. On ne trouve pas dans les écrits de ce temps des citations formelles et textuelles des Évangiles. L’habitude de mentionner le nom de l’ouvrage et de l’auteur n’était pas universelle, et les paroles du Seigneur, rapportées par les écrivains ecclésiastiques, ne correspondent exactement au texte d’aucun de nos Évangiles actuels. Elles semblent être la fusion de différents passages de saint Matthieu et de saint Luc. Il faut donc recueillir les moindres indices et de simples allusions. Toutefois de l’ensemble des détails il résulte une conclusion nette et ferme, c’est qu’aussi loin que nous puissions remonter dans la littérature chrétienne, nous trouvons des traces des Évangiles. Les plus anciens documents patriotiques rendent témoignage aux écrits évangéliques et attestent, nous allons le constater, leur existence et leur caractère d’ouvrages inspirés. — L’épître que l’Église romaine adressa à l’Eglise de Corinthe, et qui est connue sous le nom de première épître de saint Clément aux Corinthiens (113-95), ne contient aucune citation expresse des Évangiles. Elle rapporte des paroles du Seigneur qu’on retrouve en propres termes ou avec des variantes plus ou moins considérables dans les trois premiers Évangiles. I Cor., Xin, 2, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, 2e édit., Tubingue, 1887, p. 78, reproduit dans l’ensemble Matth., v, 7 ; vi, 14 ; vii, 1-2, 12, avec des détails qui se rapprochent de Luc, vi, 31, 37-38, et de Marc, iv, 24-25. 1 Cor., xlvi, 8, p. 120, combine Matth., xxvi, 24 avec Luc, xvii, 2. I Cor., xv, 2, p. 78, cite Is., xxix, 13, en s’écartant du texte des Septante et en se conformant à la leçon de Matth., xv, 8, et de Marc, vii, G. I Cor., xvi, 17, p. 82, fait allusion au joug du Seigneur, Matth., xi, 29-30. Pour d’autres allusions du même genre, voir l’Index locorum S. Scripturee de Funk, p. 508. L’écrivain a donc, semble-t-il, combiné différents passages des trois premiers Évangiles, qu’il citait de mémoire et en les modifiant. Zahn, Geschichte des neutestamentlichen Kanons, 1. 1, 2, Erlangen et Leipzig, 1889, p. 916-920, en conclut que saint Clément a reproduit textuellement un Évangile qui ne nous est pas parvenu, et qui combinait les paroles du Seigneur citées en divers endroits des trois premiers Évangiles canoniques. La conclusion n’est pas fondée, car saint Irénée et Théophile d’Antioche ne sont guère plus précis que Clément de Rome et les Pères apostoliques dans leurs citations évangéliques. Or Zahn reconnaît sans difficulté que les premiers connaissaient nos Évangiles actuels. Il n’y a pas de raison de prétendre que les autres ne les connaissaient pas, du moment que les textes qu’ils allèguent comme paroles du Seigneur se retrouvent, avec quelques différences d’expression, dans les Évangiles canoniques. On peut donc penser qu’ils en ont extrait ces textes, mais en les citant de mémoire et avec une grande liberté d’allure. Les rapprochements constatés entre l’épître de saint Clément et le quatrième Évangile (voir Funk, Index, p. 568-569) ne permettent pas de conclure à un emprunt direct. Zahn, i, 2, p. 907-908. Il n’y a en cela rien d’étonnant. L’Évangile de saint Jean, composé en Asie, vers 96 ou 97, pouvait bien n’être pas encore connu à Rome à la même époque. Toutefois les rapprochements d’idées et d’expressions entre les deux écrits suffisent à établir que le fond doctrinal du quatrième Évangile appartenait à l’enseignement commun des Apôtres. — La <iiSse-/T| twv owôr/.a’AiiootoXiov, découverte en 1883, et rapportée, sinon à la fin du 1 er siècle (80-100), du moins au commencement du ii « siècle (vers l’an 110), cite, xv, 3, Funk, Doctvina

duodecim Aposlolorum, Tubingue, 1887, p. 44, l’Évangile, m ; ïyz-.z Iv ru) vjzyysliui, comme un livre ou une collection déterminée. Or la plupart des citations ou des emprunts évangéliques se rapportent à saint Matthieu. Funk, ibid., Prolegomena, p. xiii-xuu, et Index locorum S. Scripturee, p. 106. On y rencontre aussi des allusions au texte de saint Luc, p. 107 ; en deux passages mêmes, I, 3, et xvi, 1, p. 6 et 46, les leçons de saint Luc sont mêlées à celles de saint Matthieu. Zahn, Geschichte des neutestamentlïchen Kanons, t. i, 2, p. 925-932, et Harnack, Lehre der zwôlf Apostel, dans Texte und Untersuchungen, t. ii, 1, Leipzig, 1884, p. 69-79. en ont conclu que l’auteur employait un Évangile de Matthieu complété par Luc, une sorte d’harmonie évangélique de ces deux récits. Cf. G. Wohlenberg, Die Lehre der 13 Apostel in ihrem Verhàllnis zum neutestamenlliches Schrifttum, 1888, p. 2-56. Cette conclusion n’est pas nécessaire, car les combinaisons de textes et les variantes des citations s’expliquent suffisamment par le rôle de la mémoire, qui confond et mélange des leçons diverses. Certaines parties des prières eucharistiques, ix-x, Funk, p. 25-31, sont apparentées à saint Jean, xv-xvii. Il n’y a pas emprunt direct au quatrième Évangile, mais seulement rapport des deux côtés avec la tradition orale et eucharistique. Cf. Harnack, p. 79-81 ; Wohlenberg, p. 56-86 ; Zahn, i, 2, p. 909-912. L’absence de citations formelles du quatrième Évangile ne prouve pas qu’il n’était pas connu alors dans le milieu (Alexandrie, Palestine ou Syrie) où se produisit la AtSax*)> car le contenu de cet Évangile a peu de rapports avec les conseils pratiques qui font l’objet principal de l’ouvrage. « Quant à saint Marc, la médiocre étendue des parties qui lui sont propres fait qu’il est rarement cité, ou plutôt qu’on est rarement sur qu’il ait été employé. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, p. 23. — L’Épître attribuée à saint Barnabe est de peu postérieure à la AiSa-/T| ; on la rapporte aux années 96-98 ou au plus tard à 130. Elle a été connue seulement dans le milieu alexandrin. Son auteur a fait des emprunts ou des allusions au texte de saint Matthieu : v, 9, Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 14, Matth., IX, 13 ; vii, 9, p. 24, Matth., xxvii, 28-30 ; xa, 10, p. 40, Matth., xxii, 44. Un passage de cet Évangile, xxii, 14, est cité, iv, 14, p. 12, comme Écriture. On a prétendu, il est vrai, que la citation était prise de IV Esdr., viii, 3. Mais la différence des textes contredit cette prétention, car le livre apocryphe n’a pas le mot important x}.r, TO[. Credner a supposé ensuite que la formule Sicut scriptum est était une addition du traducteur latin. Mais le texte grec, retrouvé par Tischendorf dans le Sinaiticus, contient : u ; yiypmtai. Pour atténuer la valeur de cette formule, on a observé que l’épître de Barnabe, xvi, 5, p. 48, s’en servait pour introduire une citation du livre d’Hénoch, lxxxix, 56, 66 et 67. De ce fait il ne résulte pas que l’Évangile soit cité comme un écrit purement humain, mais seulement que l’auteur de l’épître tenait le livre d’Hénoch pour inspiré. Les rapprochements entre Barnabe, xii, 5, p. 38, et Joa., iii, 14 ; Barnabe, xxi, S, p. 56, et Joa., xii, 8, ne sont pas suffisants pour conclure que l’auteur de l’épître connaissait le quatrième Évangile. Cf. J. Delitzsch, De inspiratione Scripturee Sacrse quid statuerint Patres apostolici et apologetse secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 60-62 ; Zahn, i, 2, p. 906-907 et 924-925. — L’hérétique Basilide, qui enseignait à Alexandrie vers l’an 120, a écrit en vingt-quatre livres une sorte de commentaire sur l’Évangile, sî ;-n e-JïYyé/iov. Eusèbe, H. E., iv, 7. t. xx, col. 317. D’après les Acta Archelai, 55, t. x, col. 1524, le treizième livre de ce commentaire débutait par l’explication de la parabole du pauvre Lazare et du mauvais riche, qui est un récit propre à Luc, xvi, 19-31. Dans un passage rapporté par Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 1, t. viii, col. 1097-1100, Basilide expliquait Matth., xix, 10-12. Clément, Strom., iv, 12, t. viii, col. 1289-1291, reproduit encore trois passages dans les-