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EUNUQUE — EUPHRATE


le sens littéral d’eunuque en parlant de Putiphar. Il y a aujourd’hui des eunuques possédant un harem en propre, et les auteurs anciens parlent plusieurs fois d’eunuques mariés. Térence, Eunuch., IV, iii, 24 ; Juvénal, Sat., vi, 366 ; Philostrate, Apoll., i, 37 ; dans la Misclma, Jebam. , viii, i ; Chardin, Voyages en Perse, Amsterdam, 1735, t. iii, p. 397. En Egypte même, le Roman des deux frères, du XVe siècle avant J.-C, raconte que le dieu Khnoum fit une compagne pour Bitiou, pourtant devenu eunuque. Maspero, £eco » (e des deux [frères, dans la Revue des cours littéraires, Paris, 28 février 1871, p. 782 ; Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. ii, p. 25. — 2° En À ssyrie, les eunuques sont représentés sur lesplus anciens monuments, où on les reconnaît à leur visage imberbe. Voir 1. 1, fig. 312, 314, 321, 326, etc. Ils sont nombreux et occupent de hautes fonctions, commandent à la guerre, reçoivent les prisonniers et les têtes des morts après le combat, font partie du cortège royal, jouent un rôle important dans les cérémonies sacrées, etc. Ammien Marcellin, XIV, vi, 17, et Claudien, In Eutrop., i, 339-342, attribuent même à Sémiramis l’institution des eunuques. Ce que les anciens racontent de cette reine est une fable, mais elle prouve au moins que les eunuques remontaient à une époque très reculée en Assyrie. — Sous Ézéchias, Sennachérib envoie plusieurs de ses officiers sous les murs de Jérusalem pour demander la reddition de la ville ; parmi eux s’en trouve un du nom de Rabsaris, ce qui peut signifier en hébreu « chef-eunuque » ou chef des eunuques. IV Reg., xviii, 17. C’est ainsi qu’on a, en effet, expliqué ce mot jusqu’à ces dernières années ; mais un document assyrien du British Muséum montre qu’il signifie réellement « chef des princes ». Voir Aspiienez, t. i, col. 1124 ; F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 23. C’est de la même manière qu’il faut traduire le titre de rab ou sar has-sârishn, dans Dan., i, 3, 7, quoique la Vulgate l’ait rendu par prœpositus eunuchorum. Dieu avait fait annoncer que les fils de Juda seraient déportés à Babylone pour devenir eunuques, Is., xxxix, 7 ; IV Reg., xx, 18 ; mais rien n’autorise à penser que Daniel et ses compagnons aient été ainsi traités. — 3° En Perse, les eunuques remplissent la cour du prince, Esth., i, 10, 15 ; vi, 2 ; vii, 9 ; ils ont la garde du gynécée, Esth., ii, 3, 14 ; iv, 4, 5 ; sont portiers du palais. Esth., ii, 21, etc. — 4° En Ethiopie, les eunuques sont nombreux et vont en service dans les autres pays. Jer., xxxviii, 7 ; xii, 16. Le livre des Actes, viii, 27-39, raconte la conversion de l’eunuque de la reine Candace, au retour de son pèlerinage à Jérusalem. — 5° Chez les Grecs et les Romains, la ^multiplication des eunuques et les excès qui en résultèrent devinrent tels, que Domitien et Nerva furent obligés de porter plusieurs édits pour remédier au mal. Suétone, Domitian., 7. Cf. G. Surbled, La morale dans ses rapports avec la médecine et l’hygiène, Paris, 1892, 1. 1, p. 204213. Sous Hérode, qui s’appliquait à acclimater les mœurs grecques parmi les Juifs, les eunuques eurent en Palestine la même faveur que dans le reste de l’empire. Mariamne avait pour favori un eunuque. Josèphe, Ant.jud., XV, vii, 4. Hérode lui-même entretenait près de sa personne d’élégants eunuques, dont l’un veillait à ses breuvages, l’autre à sa table, un troisième à son sommeil. Ce dernier ajoutait à sa charge le soin des affaires les plus importantes du royaume. Josèphe, Ant.jud, , XVI, viii, 1. II. Chez les Israélites. — 1° La mutilation soit des animaux, Lev., xxii, 24, soit de l’homme, Deut., xxiii, 1, était sévèrement défendue par la loi mosaïque, la seule qui dans l’antiquité se soit opposée à cette atteinte portée à la personne humaine. Voir Castration, et Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 40. — 2° Cependant Samuel annonce aux Israélites que le roi futur aura des eunuques. I Reg., vm, 15. De fait, les eunuques apparaissent à la cour dès le temps de David. I Par., xxviii, 1. Leur présence est ensuite signalée sous Achab, roi d’Israël, III Reg., xxii, 9 ;

sous Joram, roi d’Israël, IV Reg., viii, 6 ; sous Jézabel, IV Reg., ix, 32 ; sous Amon, roi de Juda, IV Reg., xxm, 11 ; sous Joachin, roi de Juda, IV Reg., xxiv, 12 ; Jer., xxix, 2, et jusqu’à la prise de Jérusalem par les | Chaldéens. Jer., xxxiv, 19 ; iii, 25. C’est même un j eunuque qui est à la tête de la force armée au moment j de la reddition de la ville. IV Reg., xxv, 19. On n’a pas le droit de conclure de là que la loi du Deutéronome était tombée en désuétude ou violée ouvertement, ce qui serait absolument inadmissible à l’époque de David. Ces eunuques sont donc ou des étrangers qui, déjà mutilés, se mirent au service des Israélites, ou, bien plus probablement, de simples fonctionnaires qui portaient un nom généralement en usage chez les autres peuples, mais dont la signification littérale n’était pas applicable en Israël. D’ailleurs les prophètes n’adressent aucun reproche à ce sujet, et ils auraient certainement parlé haut si la loi mosaïque avait été violée sur ce point dans l’entourage même des rois.

III. Les eunuques spirituels. — 1° La mutilation corporelle n’éteint point les passions. Eccli., xx, 1 ; xxx, 21. Cf. S. Jérôme, Epist. cru, ad Lœt., 11, t. xxii, col. 876.

— 2° L’eunuque spirituel est celui qui combat les instincts de la nature par la pratique de la chasteté. Celui-là aura

; part au royaume de Dieu. Is., lvt, 3-5 ; Sap., iii, 14.

Notre -Seigneur, parlant des eunuques, dit que les uns i sont tels par naissance, c’est-à-dire par défectuosité natu : relie ; les autres le sont par la malice des hommes, ce i sont les eunuques proprement dits ; enfin d’autres « se I mutilent eux-mêmes en vue du royaume des cieux ». Matth., xix, 12. Il y aurait suprême inconvenance à prétendre que Notre-Seigneur préconise la mutilation corporelle, défendue par la loi naturelle et la loi mosaïque, comme conditionpour entrer dans le royaume des cieux. Il s’agit ici du retranchement spirituel, qui fait renoncer à l’usage même légitime des droits de la chair, pour

conduire à la pratique de la virginité.

H. Lesêtre.
    1. EUPATOR##

EUPATOR, surnom d’Antiochus V, roi de Syrie. I Mach., vi, 27 ; II Mach., ii, 21 ; x, 10, 11 ; xiii, l. Voir Antiochus 4, t. i, col. 700.

    1. EUPHRATE##

EUPHRATE (hébreu : Perât ; Septante : Eiçpair ;  ; ), fleuve de l’Asie occidentale.

I. Description du cours de l’Euphrate. — L’Euphrate est pour les anciens le grand fleuve, le fleuve par excellence. C’est le nom que lui donnent les Assyriens : Purattu ou Burattu. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paraclies ? in-12, Leipzig, 1881, p. 169-173. D’après Josèphe, Ant. jud., i, i, 3, le mot Perât a pour étymologie le verbe pârah, qui signifie « être fertile ». Les premiers habitants de la Chaldée l’appelaient Pura-nunu, « la grande eau, » et Pura, « l’eau. » Les Grecs et les Romains lui donnent le sens de « flèche ». Strabon, XI, xiv, 8 ; Pline, H. N., vi, 127 ; Quinte -Curce, IV, ix, 6. Cette étymologie est d’origine persane. G. Waspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, in-8°, t. i, 1895, p. 548. La forme grecque’EvçpâfïK vient du persan Ufratu. — L’Euphrate, le fleuve le plus considérable de l’Asie occidentale, prend sa source en Arménie, sur les flancs du Niphatès, chaîne de montagnes où se rencontrent des neiges éternelles, et située entre la mer Noire et la Mésopotamie. Voir la carte de l’Assyrie, 1. 1, vis-à-vis de la col. 1149. Le fleuve coule de l’est à l’ouest jusqu’à Malatîyéh, puis il tourne brusquement au sud-ouest, traverse le Taurus et s’incline ensuite vers le sud-est. Il se réunit au Tigre vers le village de Kornah et forme avec lui le Shatt-el-Arab, qui se jette dans le golfe Persique. Les principaux affluents de l’Euphrate sont, dans la partie supérieure, le Kara-Sou, « la rivière noire, » qui a souvent été confondu avec lui. C’est’Arzania des inscriptions assyriennes, nom que les Grecs ont transcrit sous la forme Arsanias et appliqué à l’autre bras de l’Euphrate, le Mourad-Sou. Frd. Delitzsch, Wo lag das