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ÉTHIOPIENNE (LANGUE) — ÉTHIOPIENNE (VERSION) DE LA BIBLE

le suffixe joue le rôle de pronom possessif, ou mieux de pronom personnel mis au génitif. Liber meus, tuus, suus, se rend plutôt chez les Sémites par Liber meî, tuî, ipsius ; mais ce meî, tuî, ipsius, ne doit faire qu’un avec le mot précédent ; il s’y adjoint après avoir fait subir tout d’abord au nom, dans la plupart des cas, des modifications plus ou moins profondes. La même chose se passe quand un pronom personnel est régi par un verbe, comme quand je dis : dilexit me ; ce me régime doit s’unir à dilexit, être son pronom suffixe à l’accusatif. Les modifications à introduire soit dans le nom, soit dans le verbe, pour recevoir ou s’adjoindre le suffixe, sont parfois assez complexes, notamment dans les langues hébraïque, chaldéenne et syriaque. En éthiopien, les lois à suivre sont, comme en arabe encore, beaucoup plus simples. Le nom et le verbe ne peuvent, en effet, subir d’altération que dans leur voyelle finale. Il est inutile d’entrer ici dans le détail des lois à suivre ; on peut assez juger par ce qu’on vient de dire du caractère de l’éthiopien comme langue sémitique ou comme langue particulière dans la famille sémitique.

III. Littérature. — La littérature éthiopienne est encore à l’heure actuelle presque totalement inédite. M. L. Goldschmidt, qui a dressé le catalogue des textes parus jusqu’en 1892, a compté, en dehors des textes bibliques, à peu près une quarantaine d’ouvrages ou opuscules imprimés en langue ghe‘ez. (Bibliotheca Aethiopica vollständiges Werzeichnis und ausführliche Beschreibung sämmtlicher Aethiopischer Druckwerke, in-8o, Leipzig, 1893.) Tout le reste est donc enfoui dans les manuscrits de nos grandes bibliothèques. Il est très probable que nos bibliothèques d’Europe possèdent des exemplaires de la plus grande partie des ouvrages ghe‘ez existant aujourd’hui. M. Antoine d’Abbadie, qui avait si admirablement fouillé les trésors littéraires de l’Abyssinie, écrivait, en effet, au début de 1859 : « Mon Catalogue contient des notices sur environ six cents ouvrages différents, ou probablement plus des trois quarts de ceux qui existent encore en Éthiopie. » (Catalogue raisonné de manuscrits éthiopiens appartenant à Antoine d’Abbadie, in-4o, Paris, 1859, Préface, p. xv.)

Les principaux dépôts européens de manuscrits éthiopiens sont les suivants : le British Museum, qui possède environ 450 manuscrits ; la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford en comptait 35 en 1846 ; la Bibliothèque Nationale de Paris, 170 en 1877 ; la collection de M. d’Abbadie, à Abbadia, 234 en 1859 ; la Vaticane, 71 en 1832 ; la Bibliothèque Impériale de Vienne, 24 en 1862 ; la Bibliothèque municipale de Francfort, 22 ; la Bibliothèque de l’université de Tubingue, 31 ; la Bibliothèque Impériale de Pétersbourg, 7, et l’Institut asiatique du ministère des affaires étrangères de la même ville, 5. Ces chiffres nous sont fournis par M. Zotenberg, dans son Catalogue des manuscrits éthiopiens (ghe‘ez et amharique) de la Bibliothèque Nationale, Avertissement, in-4o, Paris, 1877, p. iv-v.

Presque tous les ouvrages contenus dans ces manuscrits appartiennent à la littérature ecclésiastique. En première ligne, il faut placer les textes de la version ghe‘ez de la Bible. Voir Éthiopienne (version) de la Bible. Puis viennent les livres apocryphes, quelques commentaires de la Bible, les recueils liturgiques et rituels, un certain nombre de traités de théologie et des collections de canons, les Vies des saints, qui sont en nombre considérable, et enfin les annales qui nous racontent l’histoire de l’Éthiopie. Bien que la plus grande partie de cette littérature se compose de traductions d’ouvrages écrits originairement en grec ou en arabe, ce serait faire œuvre utile que de publier une sorte de Bibliothèque éthiopienne en texte ghe‘ez, accompagné d’une traduction et d’annotations.

IV. Bibliographie. — Les principaux ouvrages à consulter, outre ceux qui ont été nommés au cours de cet article, sont les suivants : Ph. Berger, Histoire de l’écriture dans l’antiquité, 2e édit., in-8o, Paris, 1892 ; J. Halévy, Études sabéennes. Examen critique et philologique des inscriptions sabéennes connues jusqu’à ce jour, in-8o, Paris, 1875 ; Joseph et Hartwig Derenbourg, Les monuments sabéens et himarites du Louvre décrits et expliqués, in-4o, Paris, 1883 ; Eb. Schrader, De linguæ æthiopicæ cum cognatis linguis comparatæ indole universa, in-4o, Gœttingue, 1860 ; A. Dillmann, Grammatik der äthiophischen Sprache, in-8o, Leipzig, 1857, 2e édit., 1899 ; F. Prætorius, Grammatica æthiopica, in-12, Leipzig, 1886 ; Aug. Dillmann, Lexicon linguæ æthiopicæ, in-4o, Leipzig, 1865. L. Méchineau.

ÉTHIOPIENNE (VERSION) DE LA BIBLE. De tous les monuments de la littérature éthiopienne, la version de la Bible est le plus précieux pour sa valeur doctrinale et pour les services qu’il peut rendre à la critique biblique, et aussi au point de vue littéraire.

I. Le canon des Écritures chez les Éthiopiens. — Les manuscrits éthiopiens contenant tous les livres de la Bible en un seul volume sont très rares ; il n’en existe pas en Europe, croyons-nous. M. Antoine d’Abbadie, qui étudia si longtemps sur place les choses d’Éthiopie, nous dit dans son Catalogue, p. 108, n’avoir jamais entendu parler en Abyssinie que de deux Bibles complètes en un seul volume, et il témoignait à l’auteur de cet article en avoir vu un exemplaire, mais un seul. On ne s’étonnera pas de cette extrême rareté des Bibles complètes, si l’on considère les dimensions que les scribes abyssins ont coutume de donner à tous les caractères de leur alphabet. Pour connaître le nombre exact des livres reçus au canon éthiopien, force nous est donc de grouper ensemble plusieurs exemplaires manuscrits des Écritures, ou bien d’interroger directement les écrivains ou les documents qui ont parlé des livres tenus pour sacrés.

D’après M. Antoine d’Abbadie, ibid., on serait d’accord, en Éthiopie, pour fixer ce nombre à quatre-vingt-un ; on appellerait même la Bible « Les quatre-vingt-un livres » (ibid., p. 76), bien qu’il y ait ensuite des divergences sur la manière de parfaire ce chiffre. Au début du xvie siècle, le roi David disait aussi au P. Alvarez qu’il possédait quatre-vingt-un livres des Écritures. Ludolf, Historia æthiopica, l. iii, c. iv, Francfort, 1681. Et tel est bien, en effet, le nombre indiqué dans plusieurs documents éthiopiens, par exemple, dans les Canons des Apôtres (Catal. d’Abbadie, no 65, 4), dans le Ḥatatâ Qedeset, « Saint examen » (ibid., No 90, 6), dans le document intitulé par M. Zotenberg : Nombre des livres de la Bible, « d’après les Pères de Nicée et Georges, fils d’Amid. » (Catal., no 50, fol. 19, vo, p. 51.) Il n’est pas rare cependant, il faut l’avouer, de trouver une numération différente. Voir Dillmann, Ueber den Umfang des Bibelkanons der abyssinischen Kirche, dans Ewald’s Jahrbücher der bibl. Wiss., t. v, p. 144-151 ; Aethiopische Bibelübersetzung, dans Herzog’s Real-Encyklopädie, 2e édit., t. i, p. 205 ; Goldschmidt, Bibliotheca æthiopica, Leipzig, 1893, p. 8-10 ; cf. A. d’Abbadie, Catalogue, no 65, 3. Cette différence dans la manière de compter vient de ce que quelques auteurs groupent ensemble plusieurs livres que les autres séparent, ou bien encore de ce qu’ils ne comptent pas au nombre des Livres Saints tels ou tels apocryphes compris dans les quatre-vingt-un. Quoi qu’il en soit, si l’on vient au détail, sur les quatre-vingt-un livres composant la Bible, on en trouve quarante-six pour l’Ancien Testament et trente-cinq pour le Nouveau. Les quarante-six livres de l’Ancien Testament comprennent nos trente-huit livres protocanoniques ; cinq des deutérocanoniques, à savoir : Tobie, Judith, Sagesse, Ecclésiastique, Baruch ; enfin les trois livres apocryphes des Jubilés. Tel est le dénombrement que nous trouvons, par exemple, dans un des Canons des Apôtres publiés par Fell, si nous séparons Baruch de Jérémie, pour le mettre en place de