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2015
2016
ÉTHIOPIENNE (LANGUE)

L’alphabet éthiopien dérive de l’ancien alphabet himyarite ou sabéen. Historiquement, rien de plus naturel ; les Éthiopiens, comme on l’a dit, sont originaires du pays de Saba ; ils ont donc apporté avec eux la langue et l’écriture de leurs ancêtres. Il n’y a du reste qu’à jeter un coup d’œil sur un alphabet sabéen pour reconnaître qu’à l’origine les deux peuples avaient une même écriture. Voir Alphabet, t. i, fig. 109, col. 414. — À une époque relativement récente, les Éthiopiens, comme les autres Sémites, éprouvèrent la nécessité de compléter leur alphabet en y adjoignant des signes spéciaux pour les voyelles. Toutefois, au lieu de représenter leurs voyelles par des signes distincts des consonnes, ils les exprimèrent par une simple modification de la consonne ou par l’adjonction d’un petit appendice placé à côté de la consonne, qui, dans sa forme simple ou primitive, fut regardée comme ayant la valeur de a ajouté à la valeur consonantique. Il en est résulté que l’alphabet éthiopien s’est transformé en un véritable syllabaire, puisque chaque consonne a toujours une valeur syllabique, et jamais, à proprement parler, une valeur purement consonantique. Les voyelles éthiopiennes étant au nombre de sept : a, û, î, à, ê, e, ô, on a, dans un alphabet éthiopien complet, sept fois les vingt-six consonnes, au total cent quatre-vingt-deux signes. Le tableau suivant nous les donne tous et plus clairement que ne le ferait aucune explication.

Avec a û î â ê e ô

Quatre consonnes peuvent aussi être vocalisées en diphtongues de la manière suivante :

qua quî quâ quê que
ẖua ẖuî ẖuâ ẖuê ẖue
kua kuî kuâ kuê kue
gua guî guâ guê gue

En dehors de ce syllabaire, les Éthiopiens ne connaissent pas d’autre signe graphique que les deux gros points () placés après chaque mot, et qui sont portés au nombre de quatre () ou davantage à la fin des phrases. Rien n’indique, par exemple, les lettres redoublées, comme le fait le dâgéš en hébreu, le tašdid en arabe. On sait enfin que dans les écritures sémitiques il faut lire en allant de droite à gauche ; l’éthiopien et l’assyrien font exception, ils se lisent comme nos langues indo-européennes, de gauche à droite.

II. Grammaire ghe‘ez. — En éthiopien, comme dans les autres langues sémitiques, presque toutes les racines des mots se composent de trois lettres, et pour cette raison sont dites trilittères. Pour avoir une idée générale d’une langue sémitique quelconque et connaître en même temps ses caractères spéciaux et distinctifs, il suffit de jeter un coup d’œil sur les formes des trois principales espèces de mots : le pronom personnel, le verbe et le nom.

1o  Le Pronom personnel. — Deux sortes de pronoms : pronoms séparés et pronoms suffixes. Ainsi en est-il dans toutes les langues de la famille.

Les pronoms séparés en éthiopien sont les suivants :

SINGULIER
3e pers.

masc.

nomin. ወእቱ ፡ ue’etu, il (ille).
accusat. ወእተ ፡ ue’eta, lui (illum).

fém.in

nomin. ይእቲ ፡ ye’eti, elle (illa).
accusat. ይእተ ፡ ye’eta, elle (illam).

2e pers.

masc. አንተ ፡ ’aneta, tu.
fém.   አንቲ ፡ ’aneti, tu.

1re  pers. com. አን ፡ ’ana, je.

PLURIEL
3e pers.

masc.

ወእቱ ፡ ’emunetu
ወእተ ፡ ue’etômû

eux.
fém.in

አማንቱ ፡ ’emanetu
ዉአቶን ፡ ne’etôn

elles.

2e pers.

masc. አንትሙ ፡ ’anetemu, vous.
fém.   አንትን ፡ ’aneten, vous.

1re  pers. com. ንሕነ ፡ neḥena, nous.

Si l’on compare ces pronoms avec les pronoms des autres langues sémitiques, on verra qu’ils ressemblent plus particulièrement aux pronoms arabes. On remarquera aussi que le pronom de la 3e pers. sing., tant au masculin qu’au féminin, a une désinence spéciale pour l’accusatif. C’est là une particularité propre à l’éthiopien.