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1979

    1. ESTHER##

ESTHER (LIVRE D')

1980

Quoiqu’on puisse entendre ce verset en ce sens que Mardochée envoya simplement à ses coreligionnaires un résumé des événements, il semble plus naturel de l’appliquer au livre lui-même, tel qu’il nous est parvenu.

— 3° Le style d’ailleurs convient à l'époque où s’accomplissent les faits. Il est simple, vif, animé, et l’hébreu en est généralement pur, assez semblable à celui d’Esdras et des Paralipomènes, avec un certain nombre de mots perses qui indiquent le milieu dans lequel vivait l'écrivain. — On s’est demandé si le livre avait été composé en Palestine ou en Perse. L’absence d’allusions à Jérusalem et tout ce qu’on vient de voir ne permettent guère de douter que cet écrit n’ait été publié en Perse, à la fin du règne de Xerxès I er (485-465) ou sous le règne de son fils Artaxerxès I er Longuemain (465-425).

— La critique négative n’admet pas ces conclusions et assigne au livre d’Esther une date postérieure. Hitzig le place après l’an 238, à l'époque de la prépondérance des Parfhes. Reuss, Grâtz, J. S. Bloch, Hellenistiche Bestandtheile im biblisches Schriftthum, eine kritische TIntersuchung ùber das Buch Esther (extrait des Jùd. Literaturblat, 1877, n os 27-34), le font descendre jusqu'à l'époque des Machabées (167 avant J.-G), de même que Cornill, qui le place même à une date un peu plus récente (135 avant J.-C). De là la négation du caractère historique du livre. A. Kuenen, qui en fixe la rédaction au me siècle avant J.-C, Histoire critique des livres de l’Ancien Testament, trad. Pierson, t. i, 1866, p. 532, l’appelle « un roman », p. 528, 530. Cependant ce n’est que le parti pris qui peut nier la réalité des faits racontés dans le livre d’Esther.

VI. Caractère historique. — Il y a sur ce point trois sentiments différents. — 1° D’après la croyance universelle jusqu'à notre époque, le livre d’Esther est historique dans son ensemble et dans ses détails. — 2° Parmi les modernes, un certain nombre, comme S. Davidson, Introduction to the Old Testament, 3 in-8°, Londres, 1862-1863, t. ii, p. 162, soutiennent qu’il est en partie historique, en partie fictif. « Qu’une jeune Juive, vivant à Suse, dit M. Driver, ait été emmenée dans le harem du roi de Perse, et que là, sous l’inspiration d’un parent, elle soit devenue un instrument de salut pour une partie de ses concitoyens ; qu’un dignitaire, qui se croyait offensé par eux, ait formé contre eux de mauvais desseins, tout cela est parfaitement dans les limites de la possibilité historique… Cependant le récit peut difficilement être considéré comme exempt de toute invraisemblance. » S. R. DriverJ. W. Rothstein, Einleitung in die Litteratur des alten Testaments, in-8°, Berlin, 1896, p. 517-518. — 3° Quelques-uns, à la suite de Semler, Apparatus ad liberalem Yeteris Testamenti interpretationem, Halle, 1783, p. 152, prétendent qu’il est une pure invention romanesque, eine Erdichtung, dit Zunz, Bibelkritisches, dans la Zeitschrift die deutschen morgenlândischen Gesellschaft, t. xxvii, 1873, p. 686. — La seconde et la troisième opinions ne doivent pas être acceptées. Le caractère historique des événements rapportés dans le livre d’Esther est certain. — 1° II ressort de la vivacité et de la simplicité même du récit ; la narration abonde en détails précis et circonstanciés ; on n’a pu y relever aucun anachronisme, et tous les détails que les recherches historiques et archéologiques contemporaines ont permis de contrôler sont d’une exactitude irréprochable. Voir Vigouroux, Le livre d’Esther, dans La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 621-670. — 2° Mais un fait surtout établit la véracité du livre d’Esther : c’est l’existence de la fête de Purim (Phurim), célébrée encore de nos jours dans les synagogues, et destinée à perpétuer la mémoire de la délivrance des Juifs par Esther et Mardochée. Esth., ix, 20-23, 26-30. Le second livre des Machabées, xv, 37, qui la mentionne accidentellement, atteste par là même qu’on la célébrait en Judée au temps de Nicanor, vers 160 avant

J.-C, et Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 13, au I er siècle de notre ère. On n’a pu donner aucune explication sérieuse de l’origine de cette fête en dehors de celle que donne le texte sacré. Voir Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 590. Cf. Bleek -Wellhausen, Einleitung in das aile Testament, in-8°, Berlin, 1878, p. 301. Même ceux qui attaquent le caractère historique du récit sont obligés de le reconnaître : « Le but du livre d’Esther est manifeste : il doit expliquer l’origine de la fêle des Purim et exposer les motifs pour lesquels on doit l’observer. » DriverRothstein, Einleitung, p. 517. Comment alors cette origine pourrait-elle être fausse et ces motifs imaginaires ? Comment l’auteur pourrait-il dire aux lecteurs : Voilà ce qui s’observe parmi vous depuis l'époque de Xerxès I er, Esth. i, lorsque rien de cela ne serait vrai ? Cf. K. G. Kelle, Vindicise Estheris, libri sacri ad castigatam historiée interpretandi norrnam exactse, in-4°, Freiberg, 1820 ; Mich. Baumgarten, De fide libri Estherse, in-8°, Halle, 1839 ; J. G. Herbst, Einleitung in die heiligen Sc.hriften des alten Testaments, 1842, t. ii, part, i, p. 254-258 ; P. E. Faivre, Le livre d’Esther et la fête des Pourim, in-8°, Montauban, 1893.

VII. Canonicité. — Le livre d’Esther a toujours été compris dans le canon. Voir Cakon, col. 140, 147, etc. L’omission de ce livre dans quelques catalogues anciens est accidentelle ou sans conséquence. Les Juifs l’ont toujours accepté comme canonique, quoique le Talmud de Jérusalem raconte, Megilloth, 70, 4, qu’un certain nombre d’anciens firent des difficultés sur la célébration de la fête de Phurim, parce qu’elle n'était pas sanctionnée par la loi de Moïse. À la suite de la Synagogue, la grande majorité des Pères l’a regardé comme un livre inspiré. Les attaques contre sa canonicité ont commencé avec le protestantisme. Luther, dans ses Tischreden, 59, Opéra, édit. Walch, t. xxii, 1743, col. 2080, disait qu’il désirerait que « ce livre n’existât point ». Les rationalistes modernes lui reprochent de n’avoir point le même caractère religieux que les autres livres de l’Ancien Testament, parce qu’on n’y trouve pas le nom de Dieu. « Le livre d’Esther, dit Zunz, Die gottesdienstliche Vortrâge der Juden, in-8°, Berlin, 1832, p. 14-15, demeure un monument remarquable de l’esprit non-prophétique. Quoiqu’il ait assez de place pour nommer le roi de Perse cent quatre-vingt-sept fois et le royaume de Perse vingt-six fois, il n’a jamais trouvé l’occasion de mentionner une seule fois le nom de Dieu. » Le fait est certain pour la partie que nous ne possédons plus qu’en hébreu, et l’on en a donné diverses explications ; mais, quoi qu’il en soit, le reproche ne s’applique pas à la partie deutérocanonique du livre, qui complète la partie protocanonique. Elle se compose surtout de documents et de morceaux mentionnés ou indiqués dans la partie protocanonique ; or ces morceaux contiennent, entre autres choses, des prières qui sont remplies du plus pur sentiment religieux. Il est vrai que cette partie d’Esther est celle dont la canonicité est la plus contestée ; mais la tradition chrétienne établit solidement qu’elle fait corps avec l’ensemble et est inspirée comme le reste. C’est ce qu’a démontré en particulier J. Langen, Die deuterocanonischen Stïicke des Bûches Esther, qui a recueilli, p. 3-11, les textes des Pères et des docteurs sur ce sujet. Voir aussi B. Welte, Specielle Einleitung in die deuterokanonischen Bûcher das alten Testaments, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1844, p. 265 ; Kaulen, Einleitung in das aile Testament, Abth. ii, 1881, p. 229 ; Id., dans Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, t. iv, 1886, col. 923.

VIII. Commentaires. — Il existe trois Targums d’Esther. Voir Targum. Voir aussi S. Gelbhaus, Das Targuni Scheni zum Bûche Either (t. i de Die Targumliteratur vergleichend agadisch und kritisch philologisch beleuchtetj, in-8°, Francfort-sur-le-Main, 1893. La traduction