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ESTHER — ESTHER (LIVRE D’)

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traire, admirer son dévouement à son peuple, qui va jusqu’à lui faire exposer sa vie, Esth., iv, 16 ; son courage, sa foi, sa piété, comme son patriotisme, sont certainement dignes d’éloges, et elle a mérité d’être regardée par les Pères et les docteurs comme une figure de la Très Sainte Vierge. — L’histoire d’Esther a inspiré de nombreux poètes. Voir la bibliographie en tête du Mystère d’Esther, dans J. de Rotschild, Le mis 1ère du Viel Testament, t. vi, 1891, p. xiii-lxiii ; R. Schwartz, Esther ïm deutschen und neulateinischen Drama des Reformationszeitalters, in-8°, Oldenbourg (1894).

F. Vigouroux.

2. ESTHER (LIVRE D’). — I. Nom. — Ce livre est désigné dans le canon juif sous le titre de’Ester, et dans les Septante sous celui de’E<t8yJp, du nom de l’héroïne dont il raconte l’histoire. Il est encore appelé par les rabbins megillat’Ester, « volume d’Esther, » ou simplement megillâh, « le volume, » parce que ce livre était généralement écrit sur un rouleau séparé, dont on réservait la lecture pour la fête des Phurim. C’est cette circonstance qui, jointe à Esth., ix, 20, 29, lui a fait donner parfois, chez les Juifs d’Alexandrie, le nom d’à Épître des Phurim ». Cf. Esth., xi, 1.

II. Texte. — 1° Le livre d’Esther, écrit originairement en hébreu, ne nous est pas parvenu dans son intégrité première, et le canon des Juifs n’en renferme qu’un teste écourté, ou partie protocanonique du livre. La langue ressemble à celle du livre d’Esdras et des Paralipomènes. Elle est généralement pure, mais entremêlée d’un certain nombre de mots perses. — 2° La traduction grecque des Septante, beaucoup plus complète, diffère de l’hébreu, moins par un certain nombre de divergences, que par des additions, généralement documentaires, ajoutées dans le corps et à la fin du récit. Cette version elle-même a été conservée en deux recensions principales. 0. F. Fritzsehe, ’EcrGTjp. Duplicem libri textum ad optimos codices emendatum et cum selecta lectionis varietate, Zurich, 1848 ; J. Langen, Die beide griechischen Texte des Bûches Esther, dans la Quartalschrift de Tubingue, 1860, p. 224. Outre les variantes qui les différencient, la longueur du texte et l’élégance du style les distinguent si bien l’une de l’autre, que la seconde semble n’être qu’une édition résumée et corrigée de la première. — 3° Enfin notre Vulgate renferme, i-x, 3, la traduction presque littérale de l’hébreu, faite par saint Jérôme ; et, x, 4-xvi, elle réunit, groupées ensemble, les parties deutérocanoniques d’Esther. Mais le saint docteur, qui les avait trouvées dans l’ancienne Vulgate grecque, prend soin d’indiquer à quel endroit du texte on doit les rattacher. Cet appendice, qui forme environ le tiers du livre, se compose de sept fragments distincts, qui, dans notre Vulgate, se suivent ainsi : — 1° x, 4 -XI, 1. Interprétation du songe de Mardochée, rapporté seulement au chapitre xi, et mention de l’introduction en Egypte du livre d’Esther. Saint Jérôme a laissé ce fragment à la place qu’il occupait dans l’ancienne Vulgate et dans les Septante. — 2° xi, 2-xii. Songe de Mardochée et découverte de la conspiration des deux eunuques. Dans les Septante, il forme le prologue du livre, avant i, 1. — 3° xiii, 1-7. Édit d’Assuérus contre les Juifs. (Septante : après iii, 13.) — 4° xiii, 8-xiv. Prières de Mardochée et d’Esther. ( Septante : après IV, 17.) — 5° xv, 1-3. Avis de Mardochée pressant Esther d’aller trouver le roi. (Septante : après iv, 8.) — 6° xv, 4-19. Récit de la visite d’Esther à Assuérus. (Septante : x, 1-2.) — 7° xvi. Édit d’Assuérus en faveur des Juifs. (Septante : après viii, 13.) Voir R. Cornely, Introduct. in libros sacros, t. ii, part, i, 1887, p. 417-420.

III. Histoire du texte. — Le texte original hébreu ne contient plus un certain nombre de documents que nous ont conservés les Septante. — Pour ces fragments deutérocanoniques, leur origine hébraïque ou tout au moins chaldaïque est indéniable. — 1° En effet, la pureté du grec

relevée dans les deux lettres d’Assuérus ne prouve rien en faveur de la composition de tout le livre dans cette même langue ; car les rois de Perse faisant promulguer leurs décrets dans les différents idiomes parlés dans leur empire, la rédaction a dû en être confiée à un écrivain de race, dont le style était nécessairement irréprochable.

— 2° D’autre part, nous sommes amenés à la même conclusion par la présence de nombreux hébraïsmes, par exemple :-ri) puà toC Nicràv (xi, 2) ; irâv £8voî Stxaîwv ço601l|iEvoi laviTôv xaxrié (xi, 9) ; èv ica-m Xoyw XI, 12) ; èvÛTTiov toO pa<Ti).sw ; (xii, 6), èvtiîuov crou XIV, 6) (…>2sb) ; cm èv èljovcrtï cra-j (xm, 9) (^rV-’CCî "ru ?X) ;

xi’vSvvdç (j.ou èv 5(£ipi |xou (xiv, 4) (>ts) ; emploi fréquent de xa’i îoo-j pour n : m (xi, 5, 6, 8), de xal vjv pour nnyï (xm, 15 ; xiv, 6, 8) ; construction de aîveîv et npo-rxuveîv avec le datif et l’accusatif, comme h et ninnur-b,

etc. C. Rohart.

IV. Division. — Le livre d’Esther peut se diviser en deux parties, la première relatant les événements qui précèdent et amènent le décret ordonnant l’extermination des Juifs, i-m, 15 ; xi, 2-xin, 7 ; la seconde racontant comment les Juifs échappent au danger et se vengent de leurs ennemis, rv-v, 8 ; xm-xv. — première partie. — i. Prologue ( deutérocanonique) : 1° Songe de Mardochée annonçant le péril que doivent courir ses compatriotes, mais non compris par lui. xi, 2-12. — 2° Mardochée découvre une conspiration contre le roi Assuérus et le sauve ; cet événement est inscrit dans les annales des rois de Perse, xo, 1-5 ; il commence à exciter contre Mardochée la haine d’Aman, qui était l’ami des conspirateurs, xii, 6. — 2° Première section. Élévation d’Esther à la dignité de reine ou d’épouse favorite, après la répudiation de Vasthi, à la suite d’un grand banquet donné à Suse. i-il. — 3° Deuxième section. Décret de persécution porté par Assuérus contre les Juifs, à la sollicitation d’Aman, m. Ce décret est reproduit dans la partie deutérocanique du livre, xiii, 1-7. — seconde partie.

— 1° Première section. Esther, sur les instances de Mardochée, se résout à faire une tentative auprès du roi en faveur de son peuple, iv, 1-14 ; xv, 1-3. — 2° Deuxième section. Jeûne et prière d’Esther et de Mardochée pour implorer la miséricorde divine, iv, 15-17 ; xiii, 8-xiv, 19.

— 3° Troisième section. Esther se présente au roi et l’invite à un festin, v ; xv. — 4° Quatrième section. Humiliation d’Aman, obligé de rendre de grands honneurs à son ennemi Mardochée. vi. — 5° Cinquième section. Chute d’Aman, vu. — 6° Sixième section. Triomphe complet des Juifs, qui se vengent de leurs ennemis, vm-ix, 15 ; xvi. — 7° Septième section. Institution de la fête des Phurim en mémoire de la délivrance des Juifs et élévation de Mardochée. ix, 16-x, 3.

V. Auteur. — L’auteur du livre d’Esther est inconnu. Le Talmud, Baba Batlira, 15 a (voir Canon, col. 140), l’attribue à la Grande Synagogue ; saint Augustin, De civ. Dei, xviii, 36, t. xli, col. 596, à Esdras ; Eusèbe, Chron. arm., édit. Aucher, Venise, 1818, t. ii, p. 209-211 (cf. p. 340, qui suppose qu’Esther a vécu après Esdras), à un auteur postérieur à Esdras, mais inconnu ; Clément d’Alexandrie, Slrom. i, 21, t. viii, col. 852, à Mardochée. C’est cette dernière opinion qui compte le plus de partisans parmi les anciens commentateurs. — 1° Elle a en sa faveur l’exactitude de la description des lieux, la minutie des détails relatifs au grand festin donné par Assuérus, aux eunuques et aux officiers du palais, à la famille d’Aman, aux annales royales, aux usages de la cour de Perse : tout cela indique du moins un écrivain qui avait vécu à Suse et était fort bien renseigné. — 2° De plus, nous lisons au chapitre ix, 20 : « Mardochée écrivit toutes ces choses et envoya les lettres (qui contenaient ce récit) à tous les Juifs qui étaient dans les provinces du roi Assuérus, soit proches, soit éloignées. »