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1961
1962
ESPAGNOLES (VERSIONS) DE LA BIBLE


occupé d’une version espagnole de la Bible. Philologue et littérateur de talent, il vivait dans la première moitié du XVIe siècle, et sa mort arriva en 1541, douze ans avant l’apparition de la Bible de Ferrare. Il laissait en manuscrit : 1. une version espagnole du Psautier faite sur l’hébreu. Elle n'était pas sans mérite, au jugement de M. Menendez Pelayo. Elle était restée manuscrite à la Bibliothèque impériale de Vienne jusqu’en 1880. À cette date, Bdhmer l’a mise au jour à Bonn, in-8° de 196 pages. — 2. Une version du même genre faite sur le grec et accompagnée d’un commentaire de l'Épître de saint Paul aux Romains et de la première aux Corinthiens. Ces deux dernières furent imprimées séparément à Venise ou plutôt à Genève, peu de temps après la mort de l’auteur, l’une en 1556, l’autre en 1557. Voir Menendez Pelayo, Heterodoxos espanoles, t. ii, p. 185 et 186.

2° François de Enzinas. — Il esf l’auteur de la première version protestante du Nouveau Testament -.ElNuevo Testamento de Nuestro Redemptor y Salvador Jesu Christo, traduzido de griego en lengua castillana por Francisco de Enzinas. Enveres (Anvers), octobre 1543. François de Enzinas, appelé aussi Driander ou Duchêne, avait fui l’Espagne, sa patrie, pour se retirer à Wittemberg et y professer librement les opinions nouvelles, mises en vogue par Luther. Il était théologien à ses heures et connaissait passablement la langue grecque. Sa traduction fut accueillie avec faveur par ses coreligionnaires et a été bien des fois réimprimée parles protestants. Mais les théologiens catholiques y découvrirent tant d’erreurs, qu’ils s’empressèrent de la censurer, en dépit de la précaution que l’auteur avait prise de rentrer en pays espagnol avant de publier son livre et de le dédier à CharlesQuint, dans l’espoir de se ménager sa protection. Voir Menendez Pelayo, Heterodoxos espanoles, in-8°, Madrid, 1881, t. ii, p. 223-237. - En 1550, Sébastien Gripho, imprimeur de Lyon, édita sans nom d’auteur une version espagnole faite sur l’hébreu du livre de Josué, des Psaumes et des Proverbes. On a parfois attribué cette traduction à Enzinas ( M. Pelayo, Heterodoxos, p. 516), mais par pure conjecture.

3° Juan Perez de Pinéda. — Cet écrivain espagnol était recteur du collège de la Doctrine, à Séville, lorsqu’il s’enfuit â Genève, pour échapper à l’Inquisition, qui menaçait de le poursuivre pour son attachement aux erreurs de Luther. Il y employa ses veilles à donner une version du Nouveau Testament faite sur le grec et une autre desPsaumes d’après l’hébreu. Ces deux traductions furent publiées à Venise en 1556 et 1557, en même temps que celle de Juan de Valdès. R. de Castro, t. i, p. 463. Juan Perez écrivait avec correction et élégance. Sa traduction des Psaumes passait, en 1720, pour la meilleure que l’on connût en castillan, d’après Lelong, Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 364. M. Menendez Pelayo, cité plus haut, la regarde comme inférieure à celle de Valdès.

4° En 1563, on publia à Paris une nouvelle traduction espagnole du Nouveau Testament. Elle ne portait pas de nom d’auteur ; mais le venin des erreurs de Calvin y était si apparent, que la Sorbonne de Paris en prohiba la lecture par décret du 2 août 1574. D’Argentré, Collectio judiciorum, t. ii, p. 421-425.

5° Biblia del Oso, première traduction espagnole intégrale de la Bible, Bàle, 1567-1569. Les premiers luthériens espagnols, malgré leur zèle à multiplier les versions de la Bible dans leur langue maternelle, n'étaient pas parvenus à en mettre au jour une traduction intégrale faite sur les textes originaux. Cette version ne parut que dans la seconde moitié du XVIe siècle. Elle fut l'œuvre d’un religieux hiéronymite, qui avait jeté le froc aux orties et fui sa patrie pour se retirer à Bàle, en 1559, et contracter mariage. Cassiodore de Reina, c'était son nom (voir plus haut, col. 340), était helléniste distingué et littérateur de talent. Mais, comme Luther, il ne savait pas

parfaitement l’hébreu, et se contenta à peu près pour toute la partie hébraïque de la Bible de mettre en espagnol le texte latin de Santé Pagnino. Le traducteur employa douze années entières de sa vie â ce travail sans jamais se rebuter. Au moins l’affirme-t-il dans sa dédicace à tous les princes chrétiens. C’est grâce à ce travail acharné et persévérant qu’il réussit à doter la langue espagnole d’une version de la Bible supérieure à tous les points de vue à celle des Juifs de Ferrare. Cette version n’a point été égalée non plus plus tard par les traducteurs catholiques Philippe de Scio et Torrès-Amat, dont il sera question plus loin. Tel est le jugement de Menendez Pelayo, ouvr. cité, t. ii, p. 468-471. La version de Cassiodore de Reina doit son nom de Biblia del Oso, « Bible de l’Ours, » à l’emblème qui figure à son frontispice. Malgré son mérite, elle n’a eu qu’une édition proprement dite ; c’est pourquoi elle est devenue d’une rareté extrême. Mais, à vrai dire, la version de Cyprien de Valera, qui l’a supplantée, n’en est guère qu’un plagiat.

6° Cyprien de Valera. — D’abord religieux hiéronymite comme Cassiodore de Reina, puis défroqué comme lui et réfugié en pays protestant, il l’imita aussi dans son zèle à traduire la Bible en langue vulgaire. À l’entendre, il aurait employé vingt années de sa vie à préparer sa Biblia del Viejo y Nuevo Testamento, revista y conferida con los textos hebreos y griegos y con diversas translaciones, in-f°, 2 col., Amsterdam, 1602. De fait cependant, il n’a fait qu’améliorer en quelques endroits le texte de Cassiodore de Reina. Menendez Pelayo, t. ii, p. 496. Cyprien de Valera avait débuté dès 1596, à Londres, par la publication d’une version du Nouveau Testament, faite sur le texte grec, nous dit-il, mais en réalité d’après Cassiodore de Reina. — En 1718, Sébastien de la Encina, qui se disait ministre de l'Église anglicane en résidence à Amsterdam, publia une version espagnole du Nouveau Testament, qui n’est guère, en somme, qu’une réimpression de celle de Cyprien de Valera. Menendez Pelayo, ouvr. cité, t. iii, p. 99 et 100.

IV. Versions publiées de 1780 a nos jours. — Elles sont toutes l'œuvre d'écrivains catholiques. Les circonstances qui avaient fait porter, au xvie siècle, les règles prohibitives de l’Index en ce qui concerne la lecture de la Bible en langue vulgaire s'étaient modifiées peu à peu. Le danger de perversion n'étant plus le même, le pape Benoit XIV, par un bref en date du 23 décembre 1757, permit Ja lecture des Livres Saints en langue vulgaire, pourvu que la version eût été autorisée par l’autorité compétente et fût accompagnée dans les endroits difficiles de quelques éclaircissements empruntés aux saints Pères et aux exégètes catholiques. L’Inquisition espagnole, suivant cette voie, promulgua, le 20 décembre 1782, un décret analogue. Dès 1777, D. Francisco Gregorio de Salas, chapelain majeur de la maison royale des Retraitantes de Madrid, avait publié une traduction en vers castillans des Lamentations de Jérémie et d’une partie notable des offices de la Semaine sainte. En 1779 parut le livre de Job, traduit et commenté par Louis de Léon. Hidalgo, t. i, p. 234. De même, en 1782, Léon de Arroyal traduisit en espagnol l’Office de la sainte Vierge, celui des défunts, et les publiait avec une autorisation explicite du suprême conseil de l’Inquisition. Hidalgo, t. i, p. 239. Mais l’apparition du décret du 20 décembre 1782 devait encourager à produire des travaux plus importants.

1° Versions catholiques complètes de la Bible. — 1. Le P. Philippe Scio de San Miguel, clerc régulier des Écoles Pies de San Joseph Calasanz, ancien précepteur de Charles III, devenu évêque de Ségovie, entreprit de traduire complètement les Saintes Écritures. Sa version parut pour la première fois à Valence, de 1791 à 1793, en 10 volumes in-folio. Elle était faite strictement d’après la Vulgate latine, et les notes y étaient fort clairsemées. Elle ne manque d’ailleurs ni de correction ni d'élégance. Mais