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ESDRA.S (PREMIER LIVRE D’) — ESDRAS (TROISIÈME LIVRE D’)

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seraient dues, non pas à des citations de documents, mais à des causes accidentelles en vertu desquelles, pour certains passages, le targum nous est parvenu au lieu de l’original. Cette hypothèse est d’autant plus invraisemblable, qu’il ne nous reste pas de targum d’Esdras et de Daniel. L’emploi des deux langues dans l’original s’explique facilement. À une époque où l’hébreu et le chaldéen étaient connus des Israélites, Esdras a pu se servir indifféremment de l’un et de l’autre. Il était naturel qu’il rapportât les documents officiels qu’il citait dans leur propre idiome, c’est-à-dire en chaldéen, usité par la chancellerie perse dans ses rapports avec ses sujets de l’Asie occidentale. Une citation en cette langue l’a porté à l’employer dans son propre récit, eomme Daniel, qui, après avoir reproduit en chaldéen l’entretien des mages avec le roi, II, 4, cesse de parler hébreu et continue lui-même dans la langue des mages, m-vu. Ou bien Esdras a inséré dans sa relation des récits préexistants, qu’il trouvait en chaldéen, comme, par exemple, le fragment IV, 23-vi, 18. L’araméen d’Esdras ressemble à celui de Daniel. Voir col. 1272. Il présente les mêmes particularilés grammaticales, Trochon, Daniel, Paris, 1882, p. 35-36, et tous deux se distinguent, par de nombreux hébraîsmes, des plus anciens Targums. On a relevé aussi dans le premier livre d’Esdras quelques expressions d’origine persane, telles que athersatha, I Esdr., ii, 63 (voir t. i, col. 1221) ; nistevân, I Esdr., iv, 8 ; pifgâmd, I Esdr., iv, 17 ; ’ahaSdarpenim, I Esdr., viii, 36. Leur emploi résulte des rapports politiques que les Juifs avaient alors avec les Perses, sous la suzeraineté desquels ils vivaient.

2° Le texte d’Esdras nous est parvenu en assez mauvais état. On y constate de nombreuses altérations dans les noms propres et dans les nombres. S. Bær, Libri Danielis, Esdrse et Nehemiæ, Leipzig, 1882, a recueilli les variantes. Quelques fautes de transcription ont été signalées par Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 213-214.

X. Commentateurs. — Aucun des anciens Pères grecs et latins n’a commenté le premier livre d’Esdras. Le plus ancien commentaire est celui du vénérable Bède, In Esdram et Nehemiam prophetas allegorica expositio, t. xci, col. 807-924. À partir du xvi* siècle, on compte quelques commentaires spéciaux : Sanchez, Commentarius in libros Ruth, Esdrse, Nehemiæ, Lyon, 1628 ; A. Crommius, In Job…, Esdram, Nehemiam, Louvain, 1632 ; N. Lombard, In Nehemiam et Esdram commentarius litteralis, moralis, allegoricus, Paris, 1643 ; L. Mauschberger, In libros Paralipomenorum, Esdras, Tobiæ, Olmutz, 1758. Au XIXe siècle, nous citerons : parmi les catholiques, B. Neteler, Die Bûcher Esdras, Nehevnias und Esther aus dem Vrtext ubersetzt und erklàrt, Munster, 1877 ; Clair, Esdras et Nehemias, Paris, 1882 ; parmi les protestants, E. Bertheau, Die Bûcher Ezra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1862 ; F. C. Keil, Bvblischer Commentar ùber die nacliexilischen Geschichtsbûcher : Chronik, Esra, Nehemia und Esther, Leipzig, 1870 ; G. Rawlinson, Ezra, Nehetniah, Londres, 1873 ; F. W. Schnltz, Die Bûcher Esra, Nehemia und Esther, Bielefeld, 1876 ; Œttli et Meinhold, Chronik, Esra und Nehemia, Ruth und Esther und Daniel, Munich, 1889 ; W. Adeney, Ezra, Nehemiah and Esther, in-8°, Londres, 1893 ; Ryle, Ezra (dans Cambridge Bible for schools).

E. Mangenot.

6. ESDRAS (SECOND LIVRE D’). Le livre de Néhéinie est ainsi intitulé dans la Vulgate. Voir Néhémie (Livre de).

7. ESDRAS (TROISIÈME LIVRE D’). Le livre apocryphe que nous appelons Troisième livre d’Esdras porte dans la Bible des Septante le titre dePremier livre d’Esdras, tandis que notre Esdras canonique y est qualifié de Second livre d’Esdras, et que notre Néhémie canonique ne fait

qu’un avec le Second livre d’Esdras. — Le livre apocryphe dit Troisième livre d’Esdras est pour une part une compilation. Il reproduit le livre canonique d’Esdras (n, 1-14 = 1 Esdr., i ; ii, 15-25= I Esdr., iv, 7-24 ; v, 7-70 = 1 Esdr., ii, 1-iv, 5 ; vi-vii = I Esdr., v-vi ; viii-ix, 36 = I Esdr., Vll-x), auquel il ajoute : — 1° en tête, chapitre premier, un fragment des Paralipomènes (II Par., xxxvxxxvi), c’est-à-dire l’histoire du royaume de Juda depuis la restauration du culte sous Josias jusqu’au départ pour la captivité ; — 2° à la fin du chapitre neuvième (37-55), un fragment de Néhémie (II Esdr., vii, 73-vm, 13) racontant la lecture de la Loi de Dieu, que fait Esdras aux enfants d’Israël. Au milieu de ces pièces rapportées, l’auteur a inséré (m-v, 6) un texte qui lui est propre. À l’exception de ce texte, auquel nous allons revenir, notre apocryphe n’est donc qu’une suite de deutérographes. Le compilateur paraît avoir travaillé, non sur une version grecque, mais sur l’original hébreu-araméen : à ce compte, sa compilation peut servir à faire la critique du texte original des morceaux qu’il a employés, quoiqu’il traduise assez librement. On a soutenu, il est vrai, que notre apocryphe était antérieur à l’Esdras canonique que nous disons qu’il a compilé ; mais ce paradoxe, soutenu par Howorth, n’est pas pris au sérieux. Tout ce que l’on peut dire pour fixer une date au Troisième livre d’Esdras, c’est qu’il est très postérieur aux événements qu’il rapporte, et antérieur à Josèphe, qui le transcrit presque en entier (Ant. jud., XI, i-v).

Le compilateur n’a pas suivi les données chronologiques de l’Esdras canonique : il paraît distinguer entre l’expédition de Sassabasar, sous Cyrus, et celle de Zorobabel, . qu’il avance jusqu’à la seconde année de Darius (520). Il ignore que le passage iv, 7-24, de l’Esdras canonique n’est qu’une parenthèse, ou plutôt un fragment hors de sa place ; il le reporte plus avant encore, entre l’édit de Cyrus (536) et le retour de Zorobabel (520). Le Temple est achevé en 516, et on en fait une dédicace solennelle. Puis le récit passe immédiatement, comme dans l’Esdras canonique, à l’action réformatrice d’Esdras, favorisée par un Artaxerxès (II ou III), roi de Perse. Il n’est pas le moins du monde question de Néhémie ; le compilateur n’emprunte à ses Mémoires que le morceau (ix, 37-55, correspondant à II Esd., vii, 73vm, 13) consacré au récit de la lecture solennelle de la Loi par Esdras.

La partie propre du Troisième livre d’Esdras (m-v, 6) parait être une légende ou haggada fixée directement en grec. À la suite d’un festin, trois gardes du corps de Darius font un pari à qui écrira la sentence la plus sage et méritera par là les faveurs royales. Le premier écrit : « Le vin est fort. s Le second : « Le roi est plus fort. » Le dernier : « Les femmes sont plus fortes, mais la victoire reste encore à la vérité. » Le roi, à son réveil, lit les sentences, assemble son conseil, et ordonne aux sages de défendre chacun son opinion. Suit une description de la force du viii, de la puissance royale et de la séduction féminine. Toutefois l’avocat de cette’troisième cause conclut par l’éloge de la vérité et de son pouvoir invincible : c’est que la vérité est Dieu. Toute l’assemblée acclame le dernier orateur et s’écrie après lui : « Grande est la vérité, à elle reste la victoire. » Le roi, charmé lui-même, promet au vainqueur de combler tous ses désirs. Or le vainqueur est Zorobabel : il rappelle au prince le dessein qu’il avait formé de relever Jérusalem et de rebâtir le Temple. Darius lui permet de rentrer dans la patrie de ses pères, de relever le Temple aux frais du trésor royal, et Zorobabel part avec une escorte octroyée par Darius. Suit l’énumération des expéditionnaires.

Le dessein du compilateur du Troisième livre d’Esdras paraît avoir été de fournir une histoire du Temple depuis Josias jusqu’à une époque que nous ne pouvons déterminer avec précision ; le livre se termine trop brusquement pour qu’il ne soit pas naturel de penser à une lacune