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ESCLAVE


et ses enfants. Si ce n’est pas là le sens de la loi primitive, c’est au moins, à coup sûr, une interprétation qui a prévalu dans l’usage, à partir d ! une époque qu’on ne peut déterminer. Cf. de Hummelauer, In Exodum, Paris, 1897, p. 215. Il faut remarquer qu’à l’occasion du jubilé la loi n’oppose pas à la libération de la femme et des enfants les mêmes restrictions que pour l’année sabbatique. — 4. La jeune fille vendue par son père est affranchie de droit si elle n’est ni épousée ni traitée convenablement. Exod., xxi, 7-11. Mais la loi ne formule en sa faveur aucun droit de libération à l’année sabbatique, sans doute parce qu’elle est mieux traitée dans la maison du maître qu’elle ne le serait dans celle d’un père qui l’a vendue par indigence. — 5. Un Hébreu pauvre, qui s’est vendu à un étranger, garde toujours le droit soit de se racheter lui-. même, soit d’être racheté par l’un de ses proches. Le prix du rachat est calculé d’après le nombre d’années qui restent à courir jusqu’à l’année jubilaire. Si le rachat n’a pas lieu, l’affranchissement est de droit, non au bout de six ans, mais seulement l’année du jubilé. Une pareille loi ne pouvait être imposée, comme du reste le texte sacré l’indique formellement, qu’à l’étranger habitant au milieu d’Israël. Lev., xxv, 47-54. — 6. D’après les docteurs juifs, l’esclave hébreu devenait libre si son maître mourait sans laisser d’héritier mâle en ligne directe. Qidduschin, 14 6. Car la cession ou la vente d’un esclave par son premier acquéreur était interdite. Qidduschin, 17 b. On voit que soit la loi, soit ses interprètes, prenaient toutes sortes de précautions pour atténuer et abréger l’esclavage des Hébreux. — 7. Enfin, quand l’esclave obtenait son affranchissement, il ne fallait pas le laisser partir les mains vides ; autrement c’eût été le rétablir dans cet état de pauvreté qui l’avait obligé à se vendre. Le maître devait lui donner une provision consistant en troupeaux, en céréales et en vin. Deut., xv, 13, 14.

3° Nombre des esclaves hébreux. — Ces sortes d’esclaves ne devaient pas être très nombreux ; leur esclavage n’était d’ailleurs que temporaire. L’esclavage des Hébreux semble avoir disparu à peu près à la suite de la captivité. À cette époque, on comptait parmi ceux qui étaient revenus de l’exil 42360 personnes libres et 7337 esclaves. I Esdr., il, 64 ; II Esdr., vii, 66. La proportion était de un pour six. Mais il n’est pas dit que tous ces esclaves fussent hébreux, et, d’autre part, il est à croire que la pauvreté de l’exil obligea à se vendre un plus grand nombre d’Hébreux que dans les temps ordinaires.

II. esclaves étrangers. — 1° Leur origine. — 1. Il est possible que les Hébreux aient déjà compté des esclaves dans cette multitude qui les suivit à la sortie d’Egypte. Exod., xil, 38 ; Deut., xxix, 11. Dès les anciens temps, leurs pères possédaient des esclaves achetés à prix d’argent. Gen., xvii, 23. — 2. La guerre fournissait des prisonniers dont on faisait des esclaves. Dans la lutte contre les Madianites au désert, les Hébreux conquirent ainsi trente-deux mille jeunes filles ou femmes non mariées. Num., xxxi, 35. — 3. Il y avait les esclaves nés dans la maison de parents esclaves et appartenant par conséquent au maître, Gen., xiv, 14 ; xvii, 12 ; xxiv, 35 ; Eccle., ii, 7, et aussi les esclaves qu’un héritier recevait par testament. Lev., xxv, 46. — 4. Enfin les Hébreux établis dans laterre de Chanaan traitèrent en esclaves ou au moins assujettirent à des corvées particulières les habitants du pays qui survécurent à la conquête. Tels furent les Gabaonites, voués à être esclaves bûcherons et porteurs d’eau, Jos., IX, 8, 21, et d’autres Chananéens, Deut., xx, 11 ; Jos., xvi, 10 ; Jud., i, 28, 30, 33, 35, que nous retrouvons encore en esclavage au temps de Salomon. III Reg., ix, 21 ; II Par., viii, 8. Les Israélites purent ensuite recevoir des esclaves soit des nations voisines, soit des étrangers établis en Palestine. — 2° Leur prix. Le prix à payer pour un esclave mis à mort était de trente sicles d’argent, Exod., xxi, 32, soit environ quatre-vingt-cinq francs. Joseph ne fut vendu par ses frères que vingt sicles. Gen.,

xxvii, 28. Ces prix peuvent être comparés à ceux que devaient fournir les personnes qui s’étaient vouées au Seigneur et voulaient ensuite se racheter : un homme, cinquante sicles ; une femme, trente ; un jeune homme, vingt ; une jeune fille, dix ; un petit garçon, cinq ; une petite fille, trois ; un vieillard, quinze ; une vieille femme, dix. Lev., xxvii, 2-7. En Chaldée, un homme valide se vendait de dix sicles à un tiers de mine (de vingthuit à cinquante francs), et une esclave quatre sicles et demi ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1. 1, 1895, p. 743. À l’époque romaine, un esclave valait de deux cents à quatre cents francs, selon les services qu’il pouvait rendre. Ceux qui étaient consacrés au service du luxe se payaient plus cher. Wallon, Histoire de l’esclavage dans l’antiquité, Paris, 1879, t. i, p. 210-218. On s’explique comment Nicanor attira une foule de marchands d’esclaves sur les marchés de

i Palestine, en promettant de vendre au prix de un talent quatre-vingt-dix prisonniers juifs. II Mach., viii, 11. Comme il s’agit ici du talent attique, chaque esclave ne devait donc revenir qu’à soixante-deux francs. — 3° La manière de les traiter. — 1. L’esclave était considéré comme l’argent de son maître, mais celui-ci ne pouvait ni le mettre à mort ni le traiter injustement. Deut., xxiii, 15, 16. Pour encourager les Hébreux à bien traiter leurs esclaves, la loi leur rappelait qu’eux-mêmes avaient subi l’esclavage en Egypte. Deut., xvi, 12. L’esclave auquel on faisait tort était admis à faire valoir ses droits en justice. Job, xxxi, 13-15. On ne devait pas l’accuser sans raison devant son maître. Prov., xxx, 10. — 2. Les fonctions des esclaves comprenaient tous les services qu’un maître peut réclamer, soit aux champs, soit à la ville, comme labourer, garder les troupeaux, Luc, xvii, 7 ; glaner, Ruth, ii, 8 ; tourner la meule, Exod., xi, 5 ; Is., xlvii, 2 ; porter les chaussures, les mettre aux pieds du maître et les ôter, Matth., iii, 11 ; Luc, i, 7 ; Joa., i, 27 ; servir à table, Luc, xvii, 8, etc. L’esclave diligent avait les yeux sur les mains de son maître, pour obéir au moindre signe. Ps. cxxii, 2. — 3. Parfois l’esclave était inintelligent et paresseux, surtout s’il avait été gâté dans sa jeunesse. Prov., xxix, 19. Alors les châtiments et le travail le réduisaient à l’obéissance. Eccli., xxxiii, 25-30. — 4. L’esclave intelligent et dévoué voyait son sort s’adoucir et s’améliorer graduellement. Il pouvait alors devenir majordome de la maison, Gen., xv, 2 ; xxiv, 2 ; Matth., xxiv, 45, 46 ; précepteur des enfants, Prov., xvii, 2 ; héritier à défaut d’enfants libres, Gen., xv, 3, ou cohéritier avec ces derniers. Prov., xvii, 2. Il arrivait à une situation élevée, II Reg., ix, 2, 9, 10, et obtenait en mariage la fille d’un homme libre. II Par., ii, 34, 35. Il était aussi permis à un père de famille de marier son fils avec une esclave. Exod., xxi, 9. — 4° Leur situation au point de vue religieux. — La loi mosaïque reconnaissait à l’esclave le droit de servir Dieu et lui en imposait le devoir. Ainsi l’esclave devait être circoncis, Gen., xvii, 12 ; être au repos le jour du sabbat, Exod., xx, 10 ; prendre part à la Pàque, Exod., xii, 44, et aux autres fêtes religieuses. Deut., xii, 12, 18 ; xvi, 11, il. Les esclaves des prêtres pouvaient même se nourrir des mets sacrés, à condition toutefois d’être nés dans la maison. Lev., xxii, 10, 11.

— 5° Leur affranchissement. — 1. Il est à croire que les Hébreux rendaient parfois la liberté à leurs esclaves, par libéralité, par testament, contre un rachat en argent ou par quelque autre acte équivalent. — 2. La libération de l’esclave était de droit quand le maître l’avait maltraité au point de lui faire perdre un œil ou une dent. Exod., xxi, 26, 27. — 3. On ne devait pas ramener l’esclave fugitif à son maître, niais il fallait le recueillir dans une des villes du pays. Deut., xxiii, 15, 16. Il s’agit sans doute ici surtout de l’esclave appartenant à un maître qui vit en dehors du territoire d’Israël. Il y a là une mesure absolument contraire à celle de la loi romaine, qui lançait des « fugitivaires » à la poursuite de l’esclave