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ESCLAVAGE — ESCLAVE


siècles pour la faire prévaloir dans le monde. Mais l’esclavage sera un jour aboli d’autant plus sûrement, que l’Église aura procédé avec plus de lenteur et de prudence. Cf. Allard, Les esclaves chrétiens depuis les premiers temps de l’Église jusqu’à la fin de la domination romaine en Occident, Paris, 4879 ; Th. Zahn, Sklaveri und Christenthum in der alten Welt, Heidelberg, 1879 ; Zadoc-Ehan, L’esclavage selon la Bible et le Talmud, Paris, 1867 ; T. André, L’esclavage chez les anciens Hébreux, Paris, 1892. H : Lesêtre.

    1. ESCLAVE##

ESCLAVE (hébreu : ’ébéd, l’homme esclave ; ’âmâh, èifhâh, la femme esclave ; Septante : SoùXoç, SoûXi), irai-StexTi ; Vulgate : servus, ancïlla, ancillula, abra ; chaldéen : ’âbêd), celui ou celle qui a perdu sa liberté et vit au service d’un maître. On distingue l’esclave né dans la maison du maître, yelid bayîf, oîxoycv^, vernaculus, et l’esclave acheté, miqnat késéf, àpfup^vriTOc, emptitius. Gen., xvii, 12, etc.

I. Les esclaves a l’époque patriarcale. — 1° Les esclaves n’apparaissent pas dans l’histoire des patriarches antédiluviens ; mais, après le déluge, Noé annonce àChanaan que ses descendants seront esclaves de leurs frères, Gen., ix, 25-27 ; la Sainte Écriture nous montre un peu plus tard des esclaves des deux sexes dans la possession d’Abraham, Gen., xii, 16 ; d’Abiméfech, Gen., xx, 8, 14 ; xxi, 25 ; d’Isaac, Gen., xxvi, 15, 25 ; de Jacob. Gen., xxx, 43 ; xxxii, 5. Ces esclaves sont naturellement occupés aux travaux de la vie pastorale ; ceux d’Isaac creusent des puits. Gen., xxvi, 32. Les plus intelligents gèrent les intérêts de leurs maîtres. Abraham en possède un, Éliézer, dont il fait son intendant, et auquel il confie la mission de négocier le mariage d’Isaac avec Rébecca. Gen., xxiv, 2. La condition de ces esclaves ne nous est point décrite. Elle était sans doute régie par une sorte de droit coutumier, et les rapports des esclaves avec leurs maîtres avaient un caractère tout familial. — 2° En Egypte, les esclaves étaient en grand nombre au service des pharaons, Exod., v, 21 ; vii, 10, etc., et des particuliers. Voir Esclavage. Joseph, vendu par ses frères, devint esclave de Putiphar. Gen., xxxrx, 17 ; Ps. civ, 17. Devenu intendant d’Egypte, il déclara à ses frères qu’il garderait comme esclave celui dans le sac duquel se retrouverait sa coupe divinatoire. Gen., xliv, 17. Parmi les esclaves qui lui appartenaient, plusieurs exerçaient les professions de médecins et d’embaumeurs. Gen., l, 1, 2. — 3° Après la mort de Joseph, les descendants de Jacob furent traités en esclaves par les rois d’Egypte. Exod., i, 1-14. Voir Corvée, col. 1031. Le Seigneur les délivra par la main de Moïse, mais l’Egypte garda pour eux le nom de bê(’âbodîm, « maison des esclaves. » Exod., vi, 6 ; Deut., VI, 21 ; xvi, 12, etc.

IL La législation mosaïque sur les esclaves. — I. esclaves hébreux. — 1° Leur entrée en esclavage.

— 1. Un Hébreu peut se vendre à quelqu’un de ses frères pour en être l’esclave, mais celui-ci ne doit ni le revendre ni le traiter avec dureté. L’Hébreu peut même se vendre à un étranger habitant le pays. La loi suppose que ces ventes se font pour cause d’indigence. Lev., xxv, 39-47.

— 2. Le voleur qui ne peut rendre ce qu’il a pris est lui-même vendu. Exod., xxii, 3. Hérode modifia cette loi mosaïque en ordonnant que le voleur insolvable fût vendu hors des limites du royaume. Josèphe, Ant. jud., XVI, i, 1. La loi n’autorise nulle part la vente du simple débiteur insolvable. Les ventes de ce genre dont parle la Sainte Écriture, IVReg., iv, 1 ; Is., L, 1 ; II Esdr., v, 5 ; Am., ii, 6 ; vin, 6, doivent donc être considérées comme des violations de la loi. Le cas cité dans la parabole, Matth., xviii, 25, se rapporte plus probablement aux coutumes romaines qu’aux mœurs juives de l’époque. — 3. Un Hébreu peut vendre sa fille pour qu’elle devienne l’esclave et éventuellement l’épouse du maître ou du fils de ce dernier. Si elle n’est pas épousée, elle a du moins le droit d’être


traitée en fille de la maison. Sinon elle peut partir sans avoir à fournir aucun dédommagement. Exod., xxi, 7-11. Voir Dot, col. 1497. D’après les docteurs juifs, la vente de la jeune fille n’était plus permise quand elle avait atteint l’âge de puberté. Sota, 23 ; Qidduschin, 1, 2. — 4. Celui qui, après avoir terminé son temps d’esclavage, « aime son maître, sa femme et ses enfants, » qui en certains cas restent la propriété du maître, peut se constituer en esclavage « pour toujours ». L’engagement se prend alors avec une certaine solennité. On conduit l’esclave volontaire à la porte de la maison, pour que l’affaire puisse se traiter devant témoins, et là on lui perce l’oreille. Exod., xxi, 5, 6 ; Deut., xv, 16, 17. La perforation des oreilles était un signe de servitude chez les Orientaux. Pétronius Arbiter, Syriac, 63 ; Juvénal, Sat., i, 102 ; Xénophdn, De exped. Cyri, III, I, 21 ; Plutarque, Sympos., ii, 1. Cf. Rosenmùller, Schol. in Exodum, Leipzig, 1795, p. 532, 533. Voir Oreille. — 5. Personne ne peut, sous peine de mort, mettre un Hébreu en esclavage contre son gré, à moins que celui-ci ne soit un voleur insolvable. Exod., xxi, 16 ; Deut., xxiv, 7.

2° Affranchissement des esclaves hébreux. — 1. L’esclavage d’un Hébreu cesse de plein droit la septième année. Exod., xxi, 2. Cette septième année n’est pas l’année sabbatique légale, car Moïse parle de septième année et non d’année sabbatique, et quand il traite de cette dernière, il ne fait aucune mention de la libération des esclaves. Lev., xxv, 1-7. D’ailleurs il est dit expressément que le service de l’esclave acheté sera de six ans. La période septennaire commençait donc nécessairement avec le début de l’esclavage, et la libération ne coïncidait qu’accidentellement avec l’année sabbatique ordinaire. Cette loi paraît avoir été conçue dans le même esprit qui a inspiré l’institution de l’année sabbatique. Jacob avait, il est vrai, servi chez Laban par périodes entières de sept années. Gen., xxix, 18, 30. Mais il n’était pas esclave et obéissait visiblement à des exigences arbitraires. Si l’Hébreu mis ainsi en liberté à la septième année est entré en service déjà marié, il emmène avec lui sa femme et ses enfants. Si, au contraire, sa femme lui a été donnée par son maître, la femme et les enfants restent la propriété du maître. Cette clause se comprend, puisqu’en pareil cas le mari n’a pas eu à payer le mohar pour avoir une épouse et que le maître a pris sur lui tous les frais. Voir Dot, col. 1496. Mais comme alors la situation devenait assez difficile pour le rnari libre, il avait la faculté de s’engager à un esclavage perpétuel, en somme plus avantageux pour lui qu’une demi-indépendance accompagnée d’indigence. Exod., xxi, 2-6. La loi de l’affranchissement sabbatique ne fut pas toujours exactement observée. Jérémie, xxxjv, 8-16, enregistre un exemple de graves transgressions de cette loi à l’époque de Sédécias. — 2. Les voleurs insolvables ne sont pas exemptés du bénéfice de la loi. Ils sont donc libérés la septième année, le travail forcé de six années étant censé représenter la peine méritée et la réparation du dommage. Il est à croire que les esclaves hébreux gagnaient un certain salaire. Lev., xix, 13 ; Deut., xxiv, 14. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV., vin, 38. Il était donc possible à l’esclave de se libérer lui-même. Si cette faculté était refusée au voleur, du moins devait-elle être accordée à l’esclave volontaire. On a droit de le conclure, au moins par analogie ; car elle était formellement stipulée quand l’Hébreu avait engagé sa liberté à un étranger. Lev., xxv, 47-49. — 3. L’année du jubilé, tous les esclaves hébreux sont libérés, même les voleurs insolvables, même ceux dont l’engagement était tout récent. Lev., xxv, 40, 41 ; Josèphe, Ant. jud., III, xii, 3. L’Hébreu qui s’était engagé comme esclave « pour toujours » profite-til de l’affranchissement jubilaire ? Le terme le’ôlâm implique certainement une durée illimitée, aussi longue que la vie. Toutefois Josèphe, Ant. jud., IV, vm, 28, déclare que, l’année du jubilé, l’Hébreu qui s’est engagé dans ces conditions devient libre avec sa femme

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