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ABNER — ABNËT

régner David sur tout Israël. Le faible prince, qui avait peur de lui, se tut ; mais cet humble silence ne désarma pas la colère d’Abner : il se mit incontinent en devoir d’accomplir son serment.

Il envoya secrètement des émissaires à David pour lui demander de faire amitié avec lui, s’engageant de son côté à le soutenir et à lui rallier tout Israël. David ne pouvait qu’accepter une telle proposition ; il y mit cependant une condition : c’est qu’Abner, en venant traiter cette affaire, lui ramènerait Michol, fille de Saül, qui était toujours sa femme légitime, I Reg., xviii, 27, quoique le roi son père l’eût fait épouser à Phaltiel de Gallim, après sa rupture définitive avec David. I Reg., xxv, 44. Rien de plus naturel que ce désir de David de rentrer en possession d’une épouse qui lui avait d’ailleurs témoigné tant d’affection et de dévouement, I Reg., xix, 11-17, et dont il avait si chèrement acheté la main, I Reg., xviii, 20-28 ; mais il est permis de supposer que la politique fut pour quelque chose dans l’empressement qu’il mit à la rappeler : la présence de la fille de Saül devait contribuer à lui rendre favorables beaucoup de partisans d’Isboseth, surtout parmi les Benjamites, et son voyage à Hébron servirait d’ailleurs de prétexte à celui d’Abner. Il la demanda directement à Isboseth, à qui son titre de frère et de roi donnait autorité sur elle ; le secret de ses négociations avec Abner exigeait du reste que celui-ci ne parût pas dans une affaire qui était à l’avantage de David. Il y en a cependant qui pensent qu’Abner n’agit pas secrètement, et qu’il prépara ouvertement et au grand jour l’exécution de la menace faite à Isboseth. Le secret fut du moins gardé à Hébron, car Joab ignora tout jusqu'à la fin. II Reg., iii, 23.

Abner se chargea d’aller prendre Michol à Gallim, et de la conduire à Hébron avec une escorte de vingt hommes. À Bahurim (voir ce mot), il renvoya Phaltiel, qui l’avait suivie jusque-là en pleurant. Arrivé à Hébron, il acheva l'œuvre commencée par ses émissaires en concluant avec David le traité qui faisait le véritable objet de son voyage. II Reg., iii, 19. Il avait eu soin de préparer avant son départ les esprits des anciens d’Israël, et en particulier de ceux de Benjamin ; il leur avait rappelé les souhaits qu’ils formaient eux-mêmes depuis longtemps pour l’avènement de David, III Reg., iii, 17-19 ; la seule chose qui restait à faire était donc de s’entendre définitivement avec le roi sur les conditions de la paix et sur les moyens à prendre pour la réunion des deux royaumes. II Reg., iii, 21.

Quand tout fut réglé, Abner quitta Hébron. Mais en ce même temps Joab y rentrait, de retour d’une expédition heureuse. On lui apprit l’accueil honorable que David avait fait au chef de l’armée d’Isboseth et l’amitié qu’il lui avait témoignée. Il courut aussitôt chez le roi pour lui reprocher d’avoir laissé repartir Abner, qu’il lui représenta comme un fourbe, venu pour reconnaître de près l'état de ses affaires, afin de pouvoir lui nuire plus sûrement ; puis il sortit, et ayant, à l’insu de David, envoyé prier Abner, déjà parvenu à la citerne de Sira (voir ce mot), de revenir sur ses pas, Abner rentra sans défiance à Hébron. Alors Joab, feignant d’avoir à lui parler en secret, l’attira au milieu d’une porte de la ville, et l’assassina sous les yeux et avec la complicité de son frère Abisaï. Il vengeait ainsi la mort de son autre frère Asaël, II Reg., iii, 27, qu’Abner avait tué au combat de Gabaon ; mais Joab ne pouvait ignorer qu’Abner n’avait frappé Asaël qu'à son corps défendant, et qu’il n’y avait donc pas lieu de venger cette mort. Du reste, les paroles qu’il venait d’adresser à David, et son ambition, qui le poussa plus tard à frapper Amasa de la même manière, II Reg., xx, 8-10, donnent lieu de penser que le désir de venger son frère ne fut pas le seul mobile de ce meurtre, et que l’ambition y eut une bonne part. Abner était pour lui un rival redoutable, destiné à prendre la première place dans le nouveau royaume : David ne laisserait pas assurément au second rang celui qui, sous le nom d’Isboseth, avait été plus roi que général, II Reg., iii, 6, et dont il venait de recevoir un royaume sans avoir à répandre une goutte de sang. Le roi tenait d’ailleurs Abner en très haute estime, et le considérait comme le premier entre les vaillants de Saül. I Reg., xxvi, 15 ; cf. II Reg., iii, 38.

David protesta publiquement et à diverses reprises contre cet attentat, afin que chacun sût qu’il n’en était complice d’aucune manière. Il fit faire à Abner des funérailles solennelles, et obligea Joab de porter le deuil de sa victime et de marcher devant son cercueil ; lui-même venait à la suite. Il pleura sur sa tombe avec tout le peuple, célébra dans une courte élégie la vaillance d’Abner, et manifesta son regret de ce que son pouvoir était encore trop peu affermi pour lui permettre de punir le meurtrier : « Qu’à celui qui a fait le mal, ajouta-t-il, le Seigneur rende selon sa malice. » II Reg., iii, 39. C'était une sorte de menace qui ne devait pas rester sans effet. De longues années plus tard, David, se sentant près de sa fin, recommanda à Salomon de ne pas épargner le fils de Sarvia, comme il avait été obligé de le faire lui-même, et bientôt Joab expiait par une mort violente sa complicité dans les menées ambitieuses d’Adonias, en même temps que le meurtre d’Amasa et celui d’Abner. III Reg., ii, 5-6, 32-34.

Les qualités d’Abner justifiaient la douleur que sa mort causa à David, l’estime que le roi avait toujours eue pour lui et les louanges qu’il lui donna en diverses circonstances. Loyal, confiant, généreux, il savait, comme soldat, allier le sang-froid avec le courage, et une grande modération avec le sentiment de sa force et de sa valeur. Comme homme d'État, il fit preuve d’habileté, d’esprit de suite, de persévérance pour étendre peu à peu les frontières du royaume d’Isboseth. Il venait de donner, quand il mourut, une dernière preuve de ses talents diplomatiques dans ses négociations avec David. Mais malheureusement il ternit tant de belles qualités par l’ambition, qui lui fit continuer, sinon commencer un schisme national, afin de régner sous le nom d’Isboseth. S’il put, en effet, regarder d’abord de bonne foi ce prince comme l’héritier légitime du trône de Saül, comment admettre qu’il ignora pendant plus de sept ans les droits de David à la couronne ? Le langage qu’il tint lui-même, à l'époque de sa rupture avec Isboseth, semble écarter cette supposition. II Reg., iii, 9-10, 18. Beaucoup regardent, et avec raison, ce semble, comme impossible que, Saül mort, David n’ait pas divulgué sans retard son élection divine et sa consécration par Samuel, et produit ainsi son titre incontestable à la royauté d’Israël. Voir Hummelauer, Comment. in lib. Samuelis, Paris, 1886, p. 285. D’ailleurs, la futilité du motif pour lequel il abandonna Isboseth, et les ouvertures intéressées qu’il fit aussitôt après à David, montrent assez clairement que, au moins à la fin, ce n'était pas un zèle bien convaincu pour les droits du fils de Saül qui le faisait rester dans son parti. L’ambition l’avait tenu hors du devoir ; ce fut l’ambition 'qui l’y fit rentrer. Mais au moment même où, assuré du succès, il voyait une nouvelle et brillante carrière s’ouvrir devant lui, la jalousie de Joab l’arrêta, et l'épée de cet autre ambitieux fut peut-être l’instrument dont la Providence voulut se servir pour punir l’ambitieux Abner.

E. Palis.

2. ABNER, père de Jasiel, qui fut le chef de la tribu de Benjamin sous le règne de David. I Par., xxvii, 21. Cet Abner n’est probablement pas différent du précédent.

ABNÊT, nom hébreu, אבנט, d’une sorte de ceinture qui faisait partie du costume sacerdotal, et qui n’a pas de nom particulier dans nos langues. Les ceintures ordinaires ne sont jamais désignées par ce mot dans la Bible hébraïque. L’ʾabnêt n'était porté régulièrement que par les prêtres. Cependant Isaïe, xxii, 21, parle d’un personnage important, Sobna, qui avait un ʾabnêt, et dont la ceinture est sans doute ainsi appelée parce qu’elle était remarquable par sa richesse et par sa beauté. (Il n’y aurait pas d’exception, si l’on acceptait la tradition juive, rapportée par