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BÉTONIM — BÉTYLE


Gotha, 1858, p. 298 ; R. von Riess, Bibel-Atlas, 2° édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 6. C’est peut-être la Bôtnah des Talrauds, comptée, avec Gaza et Acco (Saint-Jean - d’Acre), comme marché important. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 262.

A. Legendre.
    1. BÉTYLE##

BÉTYLE (paiTuXoç, (JaiTÛXiov ; betulus, Pline, H. N., xvii, 9, 51), pierre sacrée, adorée comme une divinité. Ce nom, comme celui d’abadir, de 3N, ’àb ; TTO, ’addir, « père puissant ; » qu’on donnait aussi quelquefois aux bétyles (Priscien, v, édit. Putsch, p. 647 ; S. Augustin, Epist. xvii ad Maxim. Mad., 2, t. xxxiii, col. 83, voir V. De-Vit, Ononiaslicon, 1. 1, p. 2), indique une origine orientale. En effet, on l’admet communément, ce mot n’est que la forme grécisée du composé sémitique bêt’êl, « maison, demeure de Dieu. » II désigne des pierres de formes diverses, le plus souvent coniques ou ovoïdes, dans lesquelles on supposait une vie divine : gatrùXta, XîOot lu^iu-Xoi, dit Sanehonjaton d’après Philon de Byblos, dans Eusèbe, Prsep. Ev., i, 10, t. xxi, col. 81. Elles étaient placées

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538. — Bétyle de Séleucie de Syrie.

Tête laurée de Trajan, à droite. TPAIANOS APIST 2E…

— % SEAETKEQN LUEPIAS ZEYS KASIOS.

Temple tétrastyle au fond duquel on voit la pierre conique tombée du ciei.

dans des lieux saints, honorées par des onctions et ornées de couronnes ou de bandelettes. Il y en avait aussi entre les mains des particuliers, qui s’en servaient pour des pratiques superstitieuses et divinatoires. Les bétyles païens paraissent avoir été tantôt des aérolithes, qu’on considérait comme ayant été envoyés du ciel par les dieux ; tantôt des pierres, d’une forme plus ou moins extraordinaire, honorées de toute antiquité. Les plus vénérées étaient les aérolithes, qu’on avait vu tomber enflammés du ciel. « J’ai vu le bétyle volant dans le ciel, » dit Damascius. Dans Photms, Biblioth., Codex 242, t. ciii, col. 1292. Sanchoniaton, édit. Orelli, p. 30, dit expressément qu’Ouranos (Samâ, « le ciel » ) inventa et fabriqua les bétyles, et que Baitylos est fils d’Ouranos. Le nom du dieu araméen Qasiu (de Vogué, Syrie centrale, Inscriptions sémitiques, 1. 1, Haouran, n° 5 ; textes nabatéens, n° 4, p. 96, 103-105), hellénisé en Zeus Casios’, implique par le sens même de son nom cette origine céleste. Les monnaies de Séleucie de Piérie représentent ce dieu sous la forme d’une pierre conique (fig. 538). Cf. la pierre du temple de Paphos, qui est un bétyle, lig. 390, col. 1318.

Les Hébreux, en Palestine, étaient entourés de peuples qui adoraient les pierres sacrées. Les Arabes du nord et surtout ceux du sud avaient leurs bétyles. À la Mecque, qui était peut-être le lieu de pèlerinage le plus célèbre de l’antiquité, on adorait, avant Mahomet, une pierre noire placée au centre de la Kaaba. Dans le mur de ce temple était encastrée une autre pierre appelée Hobal, et tout autour du temple et de la ville se dressaient des cippes qui avaient chacun leur nom. Ph. Berger, dans Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, t. i, 1877, p. 497. Cf. Clément d’Alexandrie, Cohort., 4, t. viii, col. 133 ; Hérodote, iii, 8 ; Maxime de Tyr, Dissert., viii, 8 ; Pococke, Spécimen historiée Arabum, p. 102 ; M. de Vogué, Syrie centrale, Inscriptions sémitiques, t. i, 1868, Inscr. nab., 9, p. 121 ; E. Osiander, Studien ûber die vorisla mische Religion der Araber, dans la Zeitschrift der deutschen morgenlàndischen Gesellschaft, t. vii, 1853, p. 498.

Chez les Phéniciens et dans toute la Syrie, le culte des bétyles avait pris une grande extension. Hérodien, v, 3, 4-5, édit. Teubner, p. 129, rapporte qu’on adorait en Syrie, dans un temple qui lui était consacré, une grosse pierre appelée Héliogabale (’EXaioYiSaXov ; Élah gabal, « le dieu de la montagne » ), qu’on disait avoir été jetée du ciel par Jupiter. Elle était de couleur noire, ronde par le bas, de forme conique, se terminant en pointe. Sanchoniaton fait aussi expressément du Bétyle un dieu phénicien, et nous dit, comme on l’a vu plus haut, que les pierres de ce nom, œuvres d’Ouranos ( le ciel), étaient animées. Pbilon de Byblos, ii, 14, 49, dans Eusèbe, loc. cit., et Historicorum Grœcorum fragmenta, édit. Didot, t. iii, p. 567, 568. Cf. Ph. Berger, Notes sur les pierres sacrées appelées en phénicien « neçib tnalac baal », dans le Journal asiatique, 7 « série, t. viii, 1876, p. 253-262 ; G. Gesenius, Phœnicise monumenta, t. i, 1837, p. 384, 387 ; Zeitschrift der deutschen morgenlàndischen Gesellschaft, t. vii, p. 498.

L’origine de ces pierres tombées du ciel suffit pour expliquer le respect superstitieux dont on les entourait ; mais quelques-uns ont prétendu que le culte qu’on leur rendait, et même le nom qu’on leur donnait, avaient leur explication dans la Bible. Bétyle, dit-on, n’est pas autre chose que le nom de Béthel, et l’huile qu’on versait sur le bétyle était une imitation de ce qu’avait fait Jacob’, lorsqu’il eut la fameuse vision de l’échelle mystérieuse qui allait de la terre au ciel. Gen., xxviii, 12. « Quand Jacob se réveilla de son sommeil, lisons - nous dans le texte sacré, il dit : …C’est ici la maison de Dieu (bêt’Élôhîrn) et la porte du ciel. Et Jacob se leva de grand matin, et il prit la pierre qui lui avait servi d’oreiller, et il l’érigea en monument (massêbâh), et il versa de l’huile sur sa partie supérieure, et il donna le nom de Béthel (Bêt’Êl) à ce lieu, qui s’appelait auparavant la ville de Luz. » Gen., xxviii, 16-19 ; cf. xxxv, 15. Il y atout lieu de penser que le culte des bétyles est plus ancien que Jacob ; aussi les critiques rationalistes soutiennent-ils aujourd’hui que ce n’est pas le patriarche qui en est l’auteur ou l’inventeur, mais qu’il a pratiqué lui - même un acte superstitieux ou même idolâtrique, en usage de son temps parmi les Chananéens.

Pour soutenir une telle opinion, il faut travestir et dénaturer lés faits. Le texte même démontre que la pierre de Béthel était une pierre ordinaire, non un aérolithe ou une pierre antérieurement consacrée ; ce n’est pas la pierre qui est appelée Béthel, mais, ce qui est fort différent, la ville de Luz qui reçoit ce nom du patriarche, pour les raisons expliquées clairement par la Genèse, xxviii, 17-19 ; cf. xxxv, 14-15. Enfin la pierre ne devint pas une idole, mais un monument, un cippe, un mémorial de ce qui s’était passé en ce lieu, conformément à l’usage oriental de marquer, pour en conserver le souvenir par un signe sensible, les endroits où s’étaient accomplis les événements dont on désirait conserver la mémoire. Cf. Gen., xxxi, 44-52 ; Exod., xxiv, 4 ; Deut., xxvii ; 2 ; Jos., iv, 3, 20-23 ; xxiv, 26-27 ; I Reg., vii, 12 ; xv, 12. Cf. Hérodote, iv, 92. Le seul trait commun de ressemblance entre les bétyles païens et la pierre de Béthel, c’est l’onction d’huile par laquelle Jacob la consacra en quelque sorte en monument. Gen., xxviii, 18 ; xxxi, 13 ; xxxv, 14. C’est un rite que n’avaient pas connu les autres patriarches, et qui est indifférent en soi ; Jacob put l’emprunter aux Chananéens, comme l’Église chrétienne emprunta plus tard quelques-unes de leurs cérémonies aux religions polythéistes, mais il n’y attacha aucune idée idolâtrique. « Jacob, dit fort bien saint Augustin, De Civ. Dei, xvi, 38, 2, t. xli, col. 517, ne répandit pas l’huile sur la pierre à la manière des idolâtres, comme s’il y voyait un dieu ; il ne l’adora point, il ne lui offrit pas des sacrifices, » comme le faisaient les païens à leurs bétyles. Cf. Frz. Delitzsch, Die Genesis, 1853, t. ii, p. 22 ;