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Asia, t. i, pl. 53, col. ii, lig. 15-16. Dans tous les passages de l’Ancien Testament, le mot ṭehôm, « abîme, » a aussi le sens de mer, ou un sens figuré qui en dérive. Dans le livre de la Sagesse, x, 19, où la Vulgate traduit l’ἄϐυσσος du texte original par inferi, le mot grec signifie également mer, et désigne la mer Rouge.

2° Dans le Nouveau Testament, le mot abîme (ἄϐυσσος) n’a jamais la signification de mer et d’amas d’eau ; il a toujours celle de séjour des morts. Les Grecs considéraient le séjour des morts comme un lieu sans fond ταρτάρου ἄϐυσσa χάσματα, dit Euripide, Phœn., 1632) ; Diogène Lærce appelle, IV, v, 27, ἄϐυσσοv le « noir royaume de Pluton ». C’est de là qu’a dû venir le sens que les écrivains du Nouveau Testament ont attribué à ce mot. Saint Paul, Rom., x, 7, s’en sert pour désigner les limbes où les âmes justes attendaient l’arrivée du Messie. Saint Luc, viii, 31, et saint Jean, Apoc., ix, 1, 2, 11 ; xi, 7 ; xvii, 8 ; xx, 1, 3, qui sont, avec saint Paul, les seuls écrivains du Nouveau Testament qui aient employé ce terme, le prennent toujours en mauvaise part, pour signifier le lieu où sont tourmentés les démons, l’enfer. Le substantif ᾃδης ,traduit ordinairement dans la Vulgate par « enfer », est à peu près synonyme d’aâumroî dans le Nouveau Testament ; l’un et l’autre correspondent au mot hébreu שאךל, Šeʾôl, qui désigne, dans la partie hébraïque de l’Ancien Testament, « la demeure des morts. » Voir Šeʾôl, Hadès.

F. Vigouroux.

ABIMÉLECH, hébreu : ʾAbimélek, « mon père est roi ; » Septante : Ἀϐιμέλεχ.

1. ABIMÉLECH est le nom, sinon de tous les rois de Gérare, comme on le croit généralement, du moins de deux princes de ce pays. Le premier était contemporain d’Abraham. Quand le nomade patriarche vint sur ses terres, Sara, sa femme, qui passait pour sa sœur (voir Abraham), fut enlevée par ordre d’Abimélech. Dieu, en songe, le menaça de mort s’il la traitait comme son épouse. Le roi ignorait que Sara était mariée ; il n'était donc pas coupable. Son excuse fut agréée par Dieu, qui d’ailleurs, connaissant sa bonne foi, l’avait empêché par une maladie de commettre le crime. Le Seigneur l’assura que, dès que Sara serait rendue à son mari, les prières d’Abraham obtiendraient la guérison d’Abimélech, tandis que la mort le frapperait, s’il la retenait auprès de lui.

Le roi, se levant de nuit, suivant la Vulgate ; de grand matin, d’après le texte hébraïque, raconta à ses courtisans rassemblés par ses ordres le songe de la nuit. Tous furent remplis d’effroi. Abimélech, faisant venir Abraham, lui reprocha sa dissimulation, qui avait failli attirer sur lui et sur son royaume les vengeances divines, et se plaignit de la défiance qu’il lui avait témoignée. La justification d’Abraham fit cesser heureusement le malentendu. Plus noble et plus généreux que le pharaon dans une circonstance analogue, le roi de Gérare combla de présents Abraham et son épouse, et au lieu de les obliger comme lui à quitter son royaume, il leur laissa la liberté de s'établir à leur gré sur ses terres. À la prière d’Abraham, Dieu, selon sa promesse, guérit Abimélech et ses femmes de la maladie qu’il leur avait infligée à cause de Sara, et qui les avait rendues stériles. Gen., xx.

Dans tout cet épisode, Abimélech apparaît comme un roi connaissant et craignant le vrai Dieu, aimant la justice et ayant le crime en horreur. Son caractère religieux, noble et loyal, se manifeste dans d’autres relations qu’il eut avec Abraham. À l'époque où Agar et Ismaël venaient d'être renvoyés de la maison d’Abraham, il vint avec Phicol, le chef de son armée, proposer au patriarche de contracter alliance. Il a reconnu que Dieu est avec Abraham en toutes ses entreprises, lui dit-il ; il demande en conséquence, sous la foi inviolable du serment, d'être traité, lui et sa postérité, avec la bienveillance qu’il a montrée précédemment envers son hôte. Ses serviteurs s'étaient emparés d’un puits creusé par les soins d’Abraham. Avant de jurer l’alliance, le patriarche se plaint de cette injustice. Abimélech l’ignorait, Abraham n’ayant pas réclamé ; dès la première réclamation, son droit est reconnu. Ce point litigieux réglé, Abraham offre des présents, et l’alliance est conclue. Pour confirmer ses droits sur le puits contesté, Abraham donna encore sept brebis, et Abimélech s’en retourna avec Phicol, qui l’avait accompagné. Gen., xxi, 22-33. Voir Phicol.

E. Mangenot.

2. ABIMÉLECH, autre roi de Gérare du même nom. Il vit pendant une famine Isaac arriver sur ses terres, Gen., xxvi, 1. Serait-ce le roi que connut Abraham ? Non. Quatre-vingts ans séparent les événements, et la différence des caractères dénote des personnages distincts. Tous deux craignent Dieu, il est vrai ; mais les sentiments du second sont moins délicats, il témoigne à Isaac moins de bienveillance et moins de générosité que son prédécesseur à Abraham. La ressemblance des noms ne saurait faire une difficulté. Le nom d’Abimélech à Gérare, comme celui de Pharaon en Égypte, pouvait n'être qu’un titre, selon l’opinion commune, qui s’appuie sur la signification même du mot Abimélech, « mon père est roi. » Cette dénomination est très convenable pour un prince, qui doit être le père de ses sujets en même temps que leur roi. Mais même en admettant qu’Abimélech est un nom propre, il n’y a rien d’extraordinaire à ce que deux rois de la même dynastie portent le même nom ; le fait est au contraire très commun, et les listes royales de divers peuples nous offrent des noms semblables, comme les Ramsès en Égypte, les Salmanasar en Assyrie, etc.

À l’exemple de son père et pour le même motif, Isaac fit passer Rébecca, sa femme, pour sa sœur. Son séjour au pays de Gérare durait depuis quelque temps déjà, quand, d’une fenêtre, Abimélech aperçut Isaac usant envers Rébecca d’une familiarité qu’un frère ne se permet pas à l'égard de sa sœur. Après avoir reproché au patriarche sa dissimulation, qui exposait les habitants de la contrée à se rendre coupables d’un grand crime, il défendit sous peine de mort d’attenter à son honneur et à celui de sa femme.

Isaac, tranquille désormais dans ce royaume, s’y livra à l’agriculture. La bénédiction divine faisant prospérer toutes ses entreprises, il acquit de grands biens. Les habitants en devinrent jaloux, et, cédant au ressentiment, comblèrent de terre les puits qu’Abraham avait creusés dans leur pays. Abimélech enjoignit à Isaac de quitter ses terres ; il redoutait sa puissance. Retiré dans une vallée, Isaac se vit contrarié encore par les pasteurs, à l’occasion de nouveaux puits ouverts par ses serviteurs. Gen., xxvi, 6-22.

Retourné enfin à Bersabée, il y reçut la visite d’Abimélech, accompagné de Phicol, son chef d’armée (voir Phicol), et d’Ochozath, son conseiller. Le roi, regrettant d’avoir renvoyé un homme comblé des faveurs divines, sollicitait de lui une alliance confirmée par un serment. Le patriarche fit un festin, et après que des serments réciproques eurent scellé le pacte, il congédia ses visiteurs. Gen., xxvi, 26-33.

Ces trois événements ressemblent sensiblement aux épisodes qui signalèrent les relations d’Abraham avec le premier Abimélech. Les rationalistes en ont conclu que la Genèse relatait sous des noms divers deux récits des mêmes faits. Les différences toutefois sont trop grandes pour convenir à une unique série de faits diversement racontés. Étant donnés la persistance des mœurs et le retour des mêmes situations, des événements analogues ont. pu facilement survenir dans le même pays, à des époques rapprochées et dans des circonstances différentes.

E. Mangenot.

3. ABIMÉLECH. Fils de Gédéon et d’une concubine ou femme de second rang, dont la Bible ne nous donne pas le nom. Josèphe l’appelle Δρούμας. Ant. jud., V, vii, 1. Abimélech était le soixante-onzième (d’après quelques