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BÉTHANIE


Palmes, l’évêque de Jérusalem et la population se rendaient en procession « à Lazarium, c’est-à-dire Béthanie. En venant de Jérusalem à Lazarium, à cinq cents pas environ de ce même lieu, est une église sur la route, au lieu où Marie, sœur de Lazare, vint à la rencontre du Seigneur ». Après avoir chanté l’évangile qui rapporte ce fait, « on continuait de là jusqu’à Lazarium. » On y chantait l’évangile : Cum venisset Jésus in Bethaniam ante sex dies Paschse…, on annonçait la Pàque et l’on célébrait la messe. Ibid., p. 89 et 90. Cf. Theodosius, De Terra Sancta, xiv, édit. Or. lat., Itin. lat., t. i, p. 67. Arculfe, en 670, trouvait à Béthanie « un grand monastère avec une grande basilique, élevés sur la grotte (spelunca ) où le Seigneur avait ressuscité Lazare ». Il indique une troisième « église au midi de Béthanie, là où le Seigneur avait discouru avec ses disciples ». Adamn., 1. i, c. xxiv et xxv, édit. Or. lat., Itin. lat., t. i, p. 165 et suiv. Au commencement du ix" siècle, il n’y avait qu’un prêtre pour le service de Saint -Lazare. Comm. de Casis Dei, Itin. lat., t. i, p. 302. Le moine Bernard le Sage, vers 870, vient « à Béthanie, qui est au midi, distant d’un mille du mont des Oliviers, à la descente de la montagne. Là est le monastère dans l’église duquel on voit le sépulcre de Lazare ». Au temps des croisés (1102), Sœvulf vient « à l’église de Saint-Lazare, où l’on voit son sépulcre et ceux d’un grand nombre d’évêques de Jérusalem. Sous l’autel est le lieu où Marie Madeleine baigna de ses larmes les pieds du Seigneur ». Recueil de la Société de géographie, t. iv (1839), p. 848. Peu après, les monuments de Béthanie paraissent avoir été remaniés. L’higoumène russe Daniel, en 1112, trouva le sépulcre de Lazare séparé de l’église : « Au milieu du bourg [ de Béthanie] est une grande église, dit-il, richement peinte. On compte douze sagènes (environ vingt-cinq mètres) entre l’église et le sépulcre de Lazare, qui se trouve jusqu’à présent à l’entrée du bourg. À la distance d’une verste de là (onze cents mètres), du côté de Jérusalem, se trouve une colonne érigée sur le lieu où Marthe rencontra Jésus. » Pèlerinage, trad. de Norofꝟ. 1864, p. 36. On ne sait si Théodoricus (1172) indique deux églises distinctes, ou une seule, avec une chapelle à part renfermant le sépulcre. Libellus Terrse Sanctse, édit. Tobler, p. 68. Le monastère et l’église, qui avaient été donnés aux chanoines du Saint-Sépulcre, furent remis par le roi Foulques et la reine Mélisende, en échange du castel de Thécué, aux bénédictines de Sainte -Aime. Cartulaire du Saint-Sépulcre, édit. Roziére, n" 34, p. 65. On fortifia l’abbaye contre les incursions des Bédouins par une tour puissante, bâtie de grandes pierres de taille. Guillaume de Tyr, Hist., 1. xv, c. xxvi, t. CCI, col. 638. Après les croisades, Villbrand (1211) trouve « les deux églises gardées par les Sarrasins : l’une est où était autrefois la maison de Simon le lépreux… ; l’autre, là où était le jardin de Marie et de Marthe ; nous y avons vii, dit-il, le monument d’où le Seigneur ressuscita Lazare. Ces deux églises sont si voisines, que, selon mon opinion, Lazare a été enseveli dans la cour (curia) ou le jardin de Simon ». Pèlerin., édit. Laurent, 1873, p. 188. La maison de Simon paraît être celle que l’on nommait auparavant la maison de Marthe. En 1383, le P. Burkard du mont Sion peut visiter encore les deux églises : on lui montra « la maison de Simon… ; item la maison de Marthe, qui est aujourd’hui une église bâtie en leur honneur ; item le sépulcre de Lazare…, non loin de l’église. On y a fait une chapelle de marbre très convenable et belle ; le monument lui-même est recouvert de marbre ». Descriptio Terrse Sanctse, vii, édit. Laurent, 1873, p. 62. En 1342, Ludolphe de Sudheim voit encore debout les trois églises de Béthanie : « Une au lieu où Lazare fut ressuscité ; l’autre où le Christ, dans la maison de Simon, fut oint par Marie Madeleine ; la troisième où jadis Salomon avait placé l’idole Moloch… Les habitants y mettent leurs troupeaux et en ont fait des étables. » De itinere Terrse Sanctse, xir, Arch. Or. 1at., t. ii, p. ii, Docum., p. 355. Vers ce temps, les

souvenirs des divers lieux saints de Béthanie se confondent en partie. La maison de Simon, celle de Marthe et de Marie, le lieu de la rencontre du Seigneur, nous sont montrés, dans les descriptions, tantôt loin du tombeau, tantôt plus ou moins voisins. On applique au même monument des identifications diverses. Sur le tombeau seul les récits ne varient pas. Les relations du xv siècle cessent de parler des églises et du monastère, ou ne les citent plus que comme des ruines que l’on transforme en habitations ou en étables. Vers la fin du xvie siècle, les musulmans ferment l’entrée du sépulcre, changent la chapelle qui y est demeurée en mosquée, et empêchent les chrétiens de les visiter. Le gardien du mont Sion obtient à prix d’argent d’ouvrir une autre entrée. Les pèlerins descendent alors dans la première chambre du sépulcre, par plus de vingt degrés. Cette chambre, qui en est comme le vestibule, est de forme carrée et assez élevée. On y voit un autel où les Latins viennent célébrer de temps en temps la sainte messe, spécialement le vendredi de la quatrième semaine de carême. L’entrée de.la seconde chambre, le tombeau proprement dit, est dans le sol de la première ; elle devait se recouvrir d’une dalle placée horizontalement. Cette chambre est de même forme que la première, et l’on n’y voit, non plus que dans celle-ci, ni banc mortuaire, ni arcade, ni four. Elle avait également un autel et était parée de marbre. C’est la description que nous donnent les visiteurs, au XVIIe siècle, du sépulcre de Lazare. Cf. Cotovic, Itinerarium hierosolymitanum et syriacum, Anvers, 1619, 1. ii, c. xii, p. 276 ; Quaresmius, T. S. Elucidatio, 1. iv, peregr. x, c. iv, édit. de 1639, t. ii, p. 326 et suiv. ; Eug. Roger, La Terre Sainte, Paris, 1646, p. 145 et 146 ; Bern. Surius, Le pieux pèlerin, Bruxelles, 1666, p. 427-430, etc.

II. Description. — Béthanie ou El-’Àzariéh est de nos jours à peu près ce qu’elle était aux derniers siècles. Le village, en pente sur le flanc de la montagne, est un amas confus de maisons de pierres, la plupart formées des débris des anciennes constructions. Tous les habitants, deux cents environ, sont musulmans. Versl’ouest, et dominant le village, est la ruine d’un édifice carré de onze mètres de côté, aux murs épais de quatre, bâti à l’extérieur de grandes pierres, dont quelques-unes de plus de deux mètres. Plusieurs ont voulu voir là un ouvrage judaïque ; mais la strie oblongue de la taille, et surtout le mortier épais et le mode de maçonnerie, dénoncent l’époque des croisés. Un large fossé, en partie creusé dans le roc, environne la construction au sud, à l’ouest et au nord. Il faut voir là la tour de la reine Mélisende. A dix pas vers l’est, dans un enclos appartenant aux franciscains, on remarque de beaux restes de construction ancienne ; ils proviennent sans doute du monastère, vraisemblablement élevé lui-même à l’endroit où l’on disait avoir été la maison de Marthe et de Simon. A une trentaine de pas au nord, on aperçoit un petit campanile, vraisemblablement du temps des chrétiens, mais d’une époque assez rapprochée. Il devait être annexé à la chapelle adjacente au tombeau. Celui-ci est à quinze pas au nord-ouest du campanile. Devant le tombeau, à l’est, est l’oratoire des musulmans, à la place de la chapelle chrétienne, s’il n’est pas cette chapelle même. Les chrétiens n’y peuvent pénétrer. Devant l’oratoire est une enceinte à ciel ouvert, rectangulaire, de vingt mètres environ de longueur, dans la direction d’ouest en est, sur dix de largeur. Un mihrab (niche devant laquelle les disciples dé Mahomet font leurs prostrations et leurs prières) est dans le mur du sud. La cour est dallée, et, sauf le mihrab, tout paraît du temps des chrétiens. Un peu vers l’est, à moins de quatre-vingts mètres du sépulcre, on trouve, dans une habitation, les restes d’une abside et un pavement de mosaïque d’une ancienne église chrétienne. Était-ce la grande église de Saint-Lazare ? Le tombeau, en face, presque à l’ouest, étaitil disposé comme le Saint -Sépulcre et sa rotonde, dans l’église de Constan-