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BETH — BÉTHABARA


de villages, par exemple : Bethléhem, Béthanie, etc. Il en est ainsi chez les Arabes, les Syriens, et en général les peuples orientaux. De même en France beaucoup de maisons de campagne latines (villa) ont été l’origine de villages, de bourgs, de cités ; et le mot villa, devenu « ville » en français, est entré dans la composition d’un grand nombre de noms de lieux. Les localités dont le nom commence par Beth suivent dans l’ordre alphabétique.

E. Levesque.

    1. BÉTHABARA##

BÉTHABARA (Br)6a6apà ; syriaque : Bêt-’Abarah). I. Nom. — Ce nom, qui se lit Joa, i, 28, à la place de Belhania, dans un certain nombre de manuscrits anciens (cf. C. Tischendorf, Novum Testamentum grsec., edit. 8 a critica major), est, d’après Origène, la plupart des Pères et des critiques, la lecture vraie et le nom historique de l’endroit où saint Jean baptisait, et où le Sauveur reçut lui-même le baptême. Voir Béthanie 2. C’est au même endroit que Jésus, quelque temps avant sa passion, fuyant le tumulte de Jérusalem, se retira avec ses disciples. Joa., x, 40. Au lieu de Béthabara, on trouve quelquefois Bethbaara, BriSapii, Briapïêi, Brjâapaêâ. La signification qu’Origène donne à ce nom fait croire que pour lui le mot vrai est Bêf’ârâbâh : txETaXa[j.êàv£Tai yàp oïxov xarao-xeufiç ; car il signifie « maison d’arrangement, composition, mélange, campement ». In Joa., hom. lxi, t. xiv, col. 269 et 270.’Arab, racine de’Aràbâh, a, en effet, le sens de « mêler, composer, tisser, se mettre en embuscade », et’eréb Celui de « mélange, trame, » etc. ; ’abàrâh, au contraire, veut dire « passage ». Il est certain aussi que la plaine à l’orient du Jourdain, la même région Où la tradition chrétienne nous montre le lieu du baptême du Christ, est souvent appelée « ’Ârâbâh, ’Arabah du Jourdain, T’Arabah au delà du Jourdain ; ou, au pluriel, ’Arboth - Moab, Araboth de Moab sur le Jourdain de Jéricho ». (Cf. texte hébreu, Deut., iii, 17 ; xxxiv, 1, 8 ; Num., xxii, 1 ; xxvi, 3, 63 ; xxxiii, 48 ; xxxvi, 13 ; Jos., xii, 3, 8.J Aujourd’hui, dans la partie orientale de la vallée du Jourdain, à une demilieue à l’est du gué de Hagelah, sur le bord méridional du ravin creusé par les eaux qui descendent de Kefrein et de Raméh, se trouve une ruine, la seule ruine de village dans tout le rayon, appelée Khirbet el-’Arbéh (iL>yé), « la ruine de’Arbéh, » nom qui se transcrirait en hébreu’Arâbâh ou’Arbâh. Il existait jadis, il est’vrai, un Beth-’Araba dans la tribu de Juda, par conséquent à l’ouest du Jourdain, et non loin, Jos., xv, 6, 61 ; mais il peut y avoir eu, soit simultanément, soit successivement, deux Beth-’Araba, comme il y a eu deux Béthoron, deux Gabaa, etc. On montre aussi un Mahhadet-’Abârah ou « gué d"Abarah » un peu au nord de Beisâi^, et quelques-uns veulent que l’existence de ce nom tranche la question en faveur d’Abarah, et que ce soit le lieu désigné par Origène et les Pères. Il n’y a qu’à lire les indications fournies par la tradition depuis Origène, Eusèbe, saint Jérôme, sur le lieu du baptême du Seigneur, pour être convaincu, supposé même que’Abarah fut la lecture authentique, que le gué de’Abarah est tout différent du’Arabah de l’histoire.

II. Renseignements historiques et traditionnels. — Origène, loc. cit., nous atteste que la tradition déterminait sur le bord du Jourdain l’endroit où Jean baptisait, et ajoute que la distance de Jérusalem au Jourdain est d’à peu prés 180 stades (34 kilomètres environ). C’est la distance à la partie du fleuve la plus rapprochée, en face de Jéricho. « De Jéricho à la mer Morte i dit le pèlerin de Bordeaux, ix milles… ; de là au Jourdain où le Seigneur fut baptisé par saint Jean, v milles. Près du fleuve est le lieu élevé d’où Élie fut enlevé au ciel. » Itiner., édit. de l’Orient lat. (1879), Itin. lat., 1. 1, p. 19. Eusèbe et saint Jérôme nous apprennent qu’une multitude de frères venaient à l’endroit où Jean baptisait, au delà du Jourdain, pour s’y faire.baptiser. De situ et nom. loc. heb., Béthabara, t. xxiii, col. 881. Sainte Paule y vint, « se

ressouvenant des prêtres qui entrèrent dans le lit du fleuve desséché, d’Élie et d’Elisée commandant aux eaux et se traçant un chemin au milieu d’elles, et du Seigneur qui purifia par son baptême les eaux souillées par le déluge et les cadavres du genre humain. » S. Jérôme, Peregr. Paulse, édit. de l’Or, lat., Itin. lat., 1. 1, p. 37. Le passage du Jourdain par les Hébreux et l’enlèvement d’Élie eurent lieu en face de Jéricho. Jos., m et iv ; IV Reg., ii, 15. Vers 530, le pèlerin Théodosius voit « au lieu où le Seigneur a été baptisé une colonne de marbre sur laquelle est une croix de fer. Là est l’église de saint Jean-Baptiste, bâtie par l’empereur Anastase, élevée sur des voûtes à causé du Jourdain qui la baigne… Depuis l’endroit où le Seigneur futbaptisé jusqu’à celui où le Jourdain se jette dans la mer Morte, il y a cinq milles ». De TerraSancta, xvii et xviii, édit. Or. lat., Iliner. lat., 1. 1, p. 68. Antonin de Plaisance, surnommé le Martyr, signale, vers 570, « au-dessus du Jourdain et non loin de l’endroit du Jourdain où fut baptisé le Seigneur, le très grand monastère de Saint-Jean, où sont deux hospices. » Il assiste, le jour de la Théophanie, à la cérémonie de l’immersion et du baptême « aux bords du Jourdain, au lieu où le Seigneur fut baptisé. Il y a une élévation de terrain environnée de cloisons (cancelli), et au lieu où l’eau retourne à son lit est une croix de bois dans l’eau ; des degrés mènent jusqu’à l’eau, les deux rives sont pavées de marbre ». On chante l’office et l’on confère le baptême. « Puis tous descendent dans le fleuve par dévotion, enveloppés du linceul qui doit servir à leur sépulture, yi De locissanctis, xii, xi, édit. Or. at., Itin. lat., t. i, p. 97 et 98. « C’est au même lieu que passèrent les fils d’Israël, que les fils du prophète perdirent la hache, qu’Élie fut enlevé au ciel. » Id., ix, ibid., p. 96. Selon Grégoire de Tours, les lépreux se rendaient au lieu du baptême du Seigneur, « où les eaux passaient par un contour, » et ils étaient purifiés. De gloria marlyrum, i, 17 et 18, t. lxxi, col. 721. L’évêque Arculfe (vers 670) décrit « sur la rive du fleuve la petite église carrée élevée à l’endroit, dit-on, où le Seigneur avait déposé ses vêtements… Elle s’élève sur quatre voûtes de pierre, sous lesquelles pénètre l’eau… Cette église est au fond de la vallée ; plus haut, en face, sur les hauteurs de la berge supérieure, est un grand monastère où est une autre église élevée en l’honneur de saint Jean-Baptiste. Ce monastère est entouré d’un mur bàtf de pierres de taille ». Adamnan, De locis sanctis, 1. ii, xiv, édit. Or. lat., Itin. lat., t. i, p. 177 et 178. « Du monastère de SaintJean, il y a un mille environ jusqu’au Jourdain ; à l’endroit où le Seigneur fut baptisé, ajoute saint "Villibald (vers 780), il y a maintenant une église élevée sur des pilastres de pierre, et sous l’église on voit la terre sèche ; c’est là, au lieu même, que fut baptisé le Seigneur. Où l’on baptise maintenant, il y a une croix de bois et un petit détour de l’eau, « parva derivatio aquse. » Hodœp., xvi, édit. Or. lat., Itin. lat., t. i, p. 262. Épiphane hagiopolite (avant 1100) indique la grotte du Précurseur à environ un mille au delà du Jourdain. Patr. grsec., t. cxx, col. 271. Un anonyme grec de cette époque désigne la tombe de sainte Marie l’Égyptienne non loin de la grotte de Saint-Jean et du lieu de l’enlèvement d’Élie. Jtid.jvnon., xiii, p. 39. L’higoumène russe Daniel (1112) trouve, à la distance de deux bons tirs d’arc, l’antique couvent de Saint-Jean et les restes d’une grande église consacrée à saint Jean le précurseur ; vis-à-vis, sur le penchant d’un monticule, « une petite chapelle à voûtes ; elle se trouve sur le lieu où saint Jean le Précurseur baptisa NotreSeigneur JésusChrist. De cet endroit une pierre lancée par un enfant peut facilement atteindre jusqu’au lit du Jourdain. On montre, à deux bons 11rs d’arc de la rive du Jourdain, vers l’orient, le lieu où le prophète Élie fut enlevé au ciel…, et tout près la caverne de saint Jean le Précurseur, de même que le torrent d’Élie, qui court sur un lit rocailleux… » Pèlerinage, trad. de Noroff, p. 45-55. L’église du Précurseur, qui avait été renversée par un tremblement de terre, fut relevée,