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ou d’un autre prophète, à savoir qu’il est l’élu, le protégé de Jéhovah ; que sa gloire sera grande ; qu’il consommera la ruine de ses ennemis, et enfin qu’il deviendra le chef (hébreu : nâgîd, præstans, eximius, dux) d’Israël. Il faut signaler, dans la péroraison de ce discours, la belle image du v. 29. S’il s’élevait jamais quelqu’un qui cherchât à tuer David : « Que votre vie, dit Abigaïl, par la protection de Dieu, soit liée dans le faisceau des vivants ! » Cette expression : « soit liée dans le faisceau des vivants, » demeure encore aujourd’hui la conclusion de toutes les épitaphes qu’on lit sur les tombeaux des Juifs, en Orient ; avec cette seule différence qu’on l’écrit en abrégé, avec les initiales חבצנמ, ṭ n ṣ b h, comme chez les chrétiens : R. I. P. Voir Fillion, Essais d’exégèse, p. 296. Le faisceau des vivants désigne en général la société des bons : dans la bouche d’Abigaïl, c’est cette société encore sur la terre ; dans les épitaphes, c’est cette société dans le ciel. Il faut aussi remarquer l’image expressive par laquelle Abigaïl représente l’instabilité et la ruine des ennemis de David : « Ils seront comme une pierre tournoyant dans la cavité d’une fronde. » I Reg., xxv, 29.

David, apaisé par ce discours, reconnaît et admire l’action divine qui, par le moyen de cette messagère, l’empêche de répandre le sang. Les présents offerts et acceptés, l’épouse de Nabal revient à Maon, où elle trouve son farouche mari en pleine orgie, et dans un tel état d’ivresse, qu’elle ne peut l’entretenir de ce qu’elle vient de faire. Elle le lui déclare le lendemain ; mais, soit par l’effet de son intempérance, soit par l’impression du danger qu’il a couru, Nabal demeure inerte et insensible ; il est frappé d’apoplexie et meurt dix jours après. C’est alors que David, encore sous le charme des brillantes qualités d’Abigaïl, la fait demander en mariage. Avec une affectation tout orientale, celle-ci répond qu’elle n’a d’autre ambition que 1 de remplir les plus bas offices près de son seigneur. Fort honorée en réalité, elle accepte la proposition, se lève, et, montée sur un âne, elle suit, avec cinq jeunes filles qui l’accompagnent, les messagers chargés de la conduire vers son nouvel époux.

Ce gracieux épisode se passait vers 1055 avant J.-C., d’après la chronologie ordinaire. Il met en relief le caractère sage, doux et ferme d’Abigaïl, et fait de cette femme la véritable héroïne d’un petit drame où l’action de Dieu apparaît toujours dominant les démarches des hommes et conduisant leur cœur. Les interprètes ont vii, dans Abigaïl épousant David après la mort de son premier mari, l’image de l’Église des gentils recevant pour époux Jésus-Christ après la ruine du paganisme ; ou encore l’image de la très sainte Vierge, professant qu’elle ne veut être que la servante du Seigneur, comme Abigaïl professait elle-même ne vouloir être que la très humble servante de David.

P. Renard.

2. ABIGAÏL, sœur de David et de Sarvia. La Bible ne la mentionne que comme un élément généalogique. II Reg., xvii, 25 (hébreu : ’Abigal) ; I Par., ii, 16-17. Elle était fille d’Isaï, d’après I Par., ii, 13, 16 ; de Naas, d’après II Reg., xvii, 25 ; difficulté communément résolue par l’identification de Naas avec Isaï. Quelques interprètes cependant regardent Naas comme un nom de femme, et en font la mère d’Abigaïl. Elle avait par son père huit frères, I Reg., xvi, 5-11, bien que l’auteur des Paralipoménes, I Par., ii, 13-15, n’en mentionne que sept, peut-être parce que le huitième n’eut pas de descendants. Voir Isaï. L’un d’eux était David, qui serait frère utérin d’Abigaïl, si l’on fait de Naas un nom féminin et si l’on refuse d’identifier ce personnage avec Isaï. Abigaïl épousa Jétra, II Reg., xvii, 25 ; I Par., ii, 17 ; voir Jétra, dont elle eut un fils, Amasa, celui qui prit parti pour Absalom contre David, II Reg., xvii, 25, et devint chef de l’armée des révoltés.

P. Renard.

3. abigaïl, femme d’Abisur. I Par., ii, 29. Dans l’hébreu, on lit ’Abihâyil. Voir Abihaïl 2.

ABIHAÏEL. Voir Abihaïl 1.

ABIHAÏL, hébreu : ’Abîhâyîl, « mon père est puissant ; » Septante : Ἀϐιχαίλ.

1. ABIHAÏL (Vulgate : Abihaiel), père de Suriel, qui, au temps de Moïse, était chef de la famille lévitique de Mérari. Num., iii, 35.

2. ABIHAÏL, femme d’Abisur. I Par., ii, 29. (Quelques manuscrits hébreux ont ’Abîhâyil avec un hé au lieu d’un ḥeth ; Septante : Ἀϐιχαία). Dans la Vulgate, on lit Abigaïl. Voir Abigaïl 3.

3. ABIHAÏL, fils de Huri, de la tribu de Gad. I Par., v, 14.

4. ABIHAÏL, fille, ou plutôt petite-fille d’Éliab, frère aîné de David. Elle épousa Roboam, roi de Juda. II Par., xi, 18.

5. ABIHAÏL, père d’Esther et frère de Mardochée. Esth., ii, 15 ; ix, 29.

ABILA, ville capitale de la tétrarchie des Lysanias. Elle est à six heures de marche environ de Damas, à onze heures de Baalbek.


5. — Monnaie d’un Lysanias d’Abilène.
Tête diadémée de Lysanias, tournée a droite. — Ř Pallas debout, tenant la Victoire de la main droite, la main gauche appuyée sur un bouclier. ΛYΣANIOY [τετράρχου] KAI APX1EPEΩΣ. « De Lysanias [tétrarque] et grand prêtre. »

Ptolémée l’appelle Ἀϐίλα Λυσανίου, V, xv, 22. Elle tirait probablement son nom de la fertilité de son sol, si ce nom vient du mot sémitique ʾâbêl, « prairie, plaine verdoyante. » Située sur le versant oriental de l’Anti— Liban, dans un district arrosé par les eaux du Barada (voir Abana), elle était traversée par une des routes qui se dirigeaient de Damas vers la mer Méditerranée. On y arrive aujourd’hui, par le sud, en se rendant de Damas à Baalbek. Après avoir franchi une gorge étroite, on voit s’étaler devant soi un vallon qui s’étend en longueur du sud au nord. Là il est fermé de nouveau par un étroit passage où coule le Barada, dans un lit qui n’a pas plus d’une cinquantaine de mètres de largeur, entre deux murs de rochers à pic, hauts de deux cents à deux cent cinquante mètres, sur une longueur d’environ cent quatre-vingts mètres. Voir le plan, fig. 6.

C’est au milieu de ce vallon qu’a fleuri jadis la capitale de l’Abilène. Elle est devenue aujourd’hui le petit village de Souq-Ouadi-Barada (Foire de l’ouadi Barada). Sa situation est très pittoresque. Il s’élève sur la rive droite de la rivière, au milieu de jardins. Les inscriptions qu’on y a trouvées attestent que c’est là le site de l’ancienne Abila. Dans l’une d’elles, qui a trait à la partie de la voie romaine taillée dans le roc vif, dont on voit encore les restes au nord de Souq, il est dit des empereurs Marc-Aurèle et L. Verus : « Viam fluminis vi abruptam interciso monte restituerunt… impendiis Abilenorum. » Le nom d’Abila ne s’est même pas tout à fait perdu. Au sud—ouest de Souq, sur la montagne, on voit un tombeau qui porte encore le nom de Kabr-Abil. Une fausse interprétation de ce nom en a fait le tombeau d’Abel, fils d’Adam. Abila occupait une plus grande étendue que le village actuel : elle s’étendait plus loin au nord et à l’est sur la rive gauche, comme l’attestent la route antique, un aqueduc, des tombeaux, des ruines de temple, etc.