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BERENGAUD — BÉRÉNICE


l’on s’occupa tout particulièrement de réprimer un vice alors si criant. Il est vrai que le nom du Bénédictin dont parle Loup de Ferrières, s’il n’y a pas une faute de copiste, est Bernegaud, nom qui répondrait également aux indications de l’auteur, mais diffère du nom donné en tête des plus anciens manuscrits. E. Dupin, dans la Table universelle des auteurs ecclésiastiques, in-8°, Paris, 1704, t. iii, p. 222-223 ; P. Rangeard, Histoire de l’université d’Angers, xie-xv= siècle, 2 in-8°, Angers, 1877, t. i, p. 28-30, attribuent ce commentaire à Berengaud, diacre d’Angers, vers 1040. Rien ne s’y oppose, puisqu’il n’est pas cité avant cette époque, et que les plus anciens manuscrits sont du XIIe siècle. On voit d’ailleurs par les Cartulaires que le nom de Berengaud était assez répandu en Anjou au XIe siècle. Mais on ne sait aucun détail sur sa vie, ni s’il a été Bénédictin, comme le commentaire le fait présumer. En tout cas, il ne doit pas être confondu avec le trop fameux Bérenger, archidiacre d’Angers vers le même temps (1059). Quelques manuscrits portent, il est vrai, son nom en tête, mais c’est à tort ; car, outre que son nom ne remplit pas les conditions indiquées par l’auteur, ce n’est ni son style ni ses idées. Il faut rejeter pour les mêmes raisons l’attribution faite quelquefois à Berengose, abbé de Saint-Maximin de Trêves en 1112. Dora Ceillier, Histoire générale des auteurs ecclésiastiques, édit. Bauzon, t. xiv, p. 238. — Le commentaire de Berengaud, Patrologie latine de Migne, t. xvii, col. 765-970, est remarquable. Bossuet, L’Apocalypse, préface, édit. Vives, t. ii, p. 311, en faisait très grand cas, et lui emprunte même l’explication de la deuxième partie du chapitre xvii. L’auteur divise son explication en sept visions, dans lesquelles il renferme tout le contenu de l’Apocalypse. On peut le ranger dans la même classe d’interprètes que Bède ; il voit dans l’Apocalypse l’état général de l’Église dans les différents âges, plutôt que la prédiction de faits déterminés ; par exemple, par les sept Églises, c’est l’Église catholique qui est désignée ; si la grande Babylone est particulièrement Rome, c’est aussi en général la cité du démon. Il s’attache plus à expliquer les choses prédites par les symboles que les symboles eux-mêmes, et ne dédaigne pas les applications morales.

E. Levesque.

1. BÉRÉNICE (BepEvnui, forme macédonienne de -#cpev£x-r), « porte-victoire » ), fille de Ptolémée II Philadeiphe, roi d’Egypte, et femme d’Antiochus II Théos, roi de Syrie. Elle n’est pas nommée par son nom dans l’Écriture, mais elle est clairement désignée par Daniel, xi, 6, sous le nom de « fille du roi du midi », c’est-à-dire d’Egypte, a Et après un certain nombre d’années, dit le prophète, ils [les rois de Syrie et d’Egypte] s’uniront ensemble. La fille du roi du midi viendra vers le roi du nord [Antiochus Théos] pour faire amitié avec lui ; mais elle ne s’établira point par un bras fort, et sa race ne subsistera pas ; elle sera livrée elle-même avec les jeunes gens qui l’avaient accompagnée et qui l’avaient soutenue. » Le roi de Syrie, Antiochus II, faisait la guerre au roi d’Egypte, Ptolémée II Philadelphe, depuis plusieurs années, lorsque Arsace profita de cette circonstance pour se rendre indépendant et établir le royaume des Parthes. Théodote, gouverneur de la Bactriane, imita cet exemple et s’affranchit également de la domination des Séleucides. La perte de ces provinces porta Antiochus à demander la paix à Ptolémée. Elle fut signée (250 avant J.-C), mais à la condition qu’il répudierait sa femme Laodice, et qu’il épouserait Bérénice, la fille du roi d’Egypte. Ptolémée accompagna sa fille jusqu’à Péluse et lui donna de grosses sommes d’or et d’argent, ce qui la fit surnommer itopvoçôpo ; , « porte-dot. s II lui envoyait même régulièrement en Syrie do l’eau du Nil pour boire. Polybe, Fragm. hi$t., 54, édit. Didot, p. 158 ; Athénée, ii, 23, édit. Teubner, t. i, p. 80. Mais Antiochus Théos n’avait fait qu’un mariage politique ; il regrettait Laodice, et son nouveau beau-père étant mort deux ans après, il répudia Bérénice et reprit

sa première femme, dont il avait eu quatre enfants, deux ; fils, Séleucus Callinicus, qui lui succéda, et Antiochus-Hiérax, et deux filles. Malgré son rappel à la cour, la vindicative Laodice ne put pardonner à son mari l’affrontqu’elle en avait reçu et le fit empoisonner. Bérénice, effrayée, se réfugia avec le fils qu’elle avait eu d’AntiochusàDaphné, près d’Antioche ; mais sa rivale s’empara d’elle par ruse, et elle périt avec son enfant et tous les Égyptiens qui l’avaient suivie. Justin, xxxvii, 1, édit. Teubner, p. 173 ; Polysenus, Strateg., viii, 50, édit. Teubner, p. 325. Son frère Ptolémée III Évergète, venu à son secours, n’arriva que pour la venger. Polybe, Hist., v, 58, 10 et suiv., édit. Teubner, t. ii, p. 173 ; Appien, Syr., 65, édit. Didot, p. 207. Ainsi fut accomplie dans tous ses détails, la prophétie de Daniel. Voir S. Jérôme, In Dan., xi, 6, t. xxv, col. 560. F. Vigouroux.

2. BÉRÉNICE (Bepvîxr)), princesse juive dont les historiens latins ont célébré la beauté, mais aussi stigmatisé la conduite infâme. Elle était arrière-petite-fille d’Hérode le Grand, et fille de cet Hérode Agrippa, persécuteur des Apôtres, dont les Actes, xii, 23, ont raconté la fin épouvantable. Elle n’était encore âgée que de dix ans, et déjà sa réputation était telle, qu’à la mort de son père (44 après J.-G.) la populace de Césarée traîna ses statuesdans de mauvais lieux. Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 1. Bérénice fut d’abord fiancée, quelques-uns disent mariée, au neveu de Philon, fils d’Alexandre Lysimaque, alabarque d’Alexandrie. Ant. jud., XIX, v, 1. Elle épousa le frère de son père, Hérode, roi de Chalcis, dont elle eut deux fils : Bernician et Hyrcan. À la mort de son mari, elle était âgée de vingt et un ans et dans tout l’éclat de sa beauté. Son frère Agrippa ayant succédé à Hérode de Chalcis, elle vécut avec lui dans une intimité telle, qu’elle. donna lieu aux soupçons les plus fâcheux. Ant. jud., XX, vu, 3. Pour les dissiper, elle épousa Polémon, roi de Cilicîe, qui afin de devenir son époux s’était fait circoncire. Mais bientôt elle l’abandonna, afin de revenir habiter avec son frère Agrippa. C’est à cette époque qu’elle alla à Césarée avec Agrippa, pour saluer le procurateur Festus, Act., xxv, 13 ; elle assista à la séance célèbre où saint Paul, de l’aveu même des assistants, Agrippa, Bérénice et Festus, Act., xxv, 23 ; xxvi, 31, se justifia des accusations portées contre lui par les Juifs. Siir le caractère decette entrevue, voir Agrippa.

En 60, au commencement de l’insurrection juive, Bérénice, alors à Jérusalem pour l’accomplissement d’un vœu, intercéda auprès du procurateur Florus en favaur des Juifs ; ce fut en vain. De concert avec son frère Agrippa II, elle essaya aussi d’apaiser les Juifs, irrités par les cruautés et les exactions du procurateur ; mais le peuple refusa d’obéir plus longtemps à Florus. Josèphe, Bell, jud., II, xv, 1. Pendant et après la guerre de l’indépendance juive, Bérénice suivit la fortune de son frère ; elle s’attacha au parti des Romains et chercha à leur gagner des partisans. Les historiens affirment même que par desprésents elle gagna la faveur du vieux Vespasien (Tacite, Hist., ii, 81), et qu’elle conquit le cœur de Titus. Suétone, Titus, vu. Après la prise de Jérusalem, Bérénice et son frère s’associèrent au triomphe des Romains. Bell, jud-, IV, ii, 1. En l’an 75, elle accompagna Agrippa à Rome, où Titus la logea dans son propre palais. On croyait qu’il allait l’épouser, mais l’indignation publique fut telle, les allusions odieuses au passé de Bérénice devinrent si fréquentes (Juvénal, Satire, vi, 155-160 ; Dion Cassius, lxvi, 15), que Vespasien ordonna le renvoi de Bérénice. Titus se soumit et, dit Suétone, Titus, vil, « invitus invitam dimisit. s On sait que cet épisode de la vie de Bérénice forme le sujet des tragédies de Racine et de Corneille, intitulées Bérénice. À l’avènement de Titus, Bérénice revint à Rome, mais elle était oubliée. Elle retourna habiter Tibériade avec son frère Agrippa, où, si l’on en croit Josèphe, Vita, lxv, elle témoigna beaucoup d’inté-