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BENJAMIN (TRIBU DE)


elle prit tout entière fait et cause pour la ville. Or les Benjamites comptaient vingt-cinq mille combattants, non compris sept cents frondeurs très habiles. L’attaque, dirigée par Juda, commença contre Gabaa ; mais les tribus coalisées perdirent vingt-deux mille hommes dans une première sortie des assiégés, puis dix-huit mille dans une seconde. Après avoir pleuré, jeûné et offert des sacrifices, les alliés, usant de stratagème, finirent par cerner les ennemis, les poursuivirent, laissant la ville en feu, et le chiffre total des Benjamites qui succombèrent en cette journée fut de vingt-cinq mille un cent. Six cents seulement survécurent et se réfugièrent sur le rocher de Remmon. Les vainqueurs anéantirent ensuite par le glaive et par le feu tout ce qu’ils rencontrèrent en Benjamin, villes, hommes et animaux. Jud., xx. Après la guerre, réuniu à Silo, devant le Seigneur, ils pleurèrent la destruction d’une des tribus d’Israël. Mais, à Maspha, ils avaient juré de ne pus donner leurs filles pour femmes aux enfants de Benjamin, et en même temps de punir de mort ceux qui ne marcheraient pas contre les coupables obstinés. Or les habitants de Jabès Galaad n’ayant pas pris part à la guerre, on envoya dix mille hommes qui en exterminèrent la population, sauf les jeunes filles nubiles, au nombre de quatre cents, qu’on donna aux Benjamites échappés au massacre. Les deux cents autres furent trouvées parmi les jeunes filles de Silo, par un moyen que les Israélites crurent conciliable avec leur serment. La tribu, un instant menacée dans son existence, - rentra avec ces débris dans ses possessions et se reforma peu à peu. Jud., xxi. C’est un de ses membres qui le premier accourut à Silo annoncer à Héli la défaite d’Israël par les Philistins, la prise de l’arche et la mort des deux fils du grand prêtre. I Reg., iv, 12.

Benjamin eut l’honneur de donner au peuple de Dieu son premier roi, Saûl, fils de Cis, I Reg., x, 21, et les luttes qui suivirent la mort de celui-ci montrent que la tribu n’était pas décidée à céder le pouvoir, surtout en faveur de Juda et de David. Les partisans de David et d’Isboseth en vinrent souvent aux mains. Un jour entre autres, près de la piscine de Gabaon, Abner, désirant épargner le sang du peuple, voulut terminer la querelle par un combat singulier. Douze hommes de Benjamin se mesurèrent avec douze hommes de Juda ; mais l’ardeur fut telle des deux côtés, que les adversaires restèrent tous sur le terrain. Le résultat fut donc nul, et, le combat devenant général, Abner fut mis en fuite avec Israël par les serviteurs de David, qui frappèrent à mort trois cent soixante hommes de Benjamin et des autres tribus. II Reg., ii, 12-31. Enfin Abner, séparé d’Isboseth, voulant ramener tous les enfants d’Israël sous un même sceptre, entama des négociations avec la tribu de Benjamin, dont il craignait l’opposition ; celle-ci approuva son dessein en envoyant à Hébron un détachement de trois mille hommes, « frères de Saûl. » II Reg., iii, 19 ; I Par., xii, 29. Il se trouva même dans son sein deux brigands, Baana et Réchab, fils de Remmon de Béroth, pour assassiner Isboseth. II Reg., IV, 2-8. Tout levain de haine cependant n’avait pas disparu de la maison de Saûl, comme nous le voyons par l’histoire de Séméi, poursuivant de ses malédictions David en fuite devant son fils révolté. II Reg., xvi, 5-13. Il est vrai que l’insulteur changea de sentiments avec le retour de la fortune pour le saint roi ; il se précipita au-devant de lui avec mille hommes de Benjamin, passa le Jourdain et se jeta à ses pieds pour lui faire amende honorable. II Reg., xix, 15-20. À ce moment, un autre Benjamite, nommé Séba, profitant du mécontentement d’Israël au sujet de la réception et du retour de David, II Reg., xix, 41-43, entraînale peuple à la révolte, tandis que Juda restait seul attaché au roi ; la mort du traître mit fin à la lutte. Il Reg., xx, 1-22.

A l’époque du schisme, « Roboam vint à Jérusalem et rassembla toute la maison de Juda et la tribu de Benjamin, cent quatrevingt mille hommes de guerre choisis,

pour combattre contre la maison d’Israël et ramener le royaume à Roboam, fils de Saiomon. » 1Il Reg., xii, 21 ;

II Par., xi, 1. On peut s’étonner de voir notre tribu se ranger du côté de Juda. Ses affinités la portaient plutôt vers Éphraïm, et, dévouée à la maison de Saûl, elle avait été longtemps en antagonisme avec sa puissante voisine. Peut-être faut-il attribuer cette union à la possession de Jérusalem, capitale civile et religieuse de la nation, et qui, située sur les confins des deux tribus, leur était en quelque sorte commune. Une de ses villes, Béthel, forma la limite méridionale du royaume d’Israël, et Jéroboam en fit une ligne de démarcation en y plaçant un veau d’or.

III Reg., xii, 29. Roboam, de son côté, eut soin de fortifier plusieurs cités de Benjamin, et d’y établir des gouverneurs, des magasins de vivres et des arsenaux. Il Par., xi, 5, 10, 11. L’alliance fut consacrée par l’assemblée générale à Jérusalem, sous Asa. Il Par., xv, 9, 10. Désormais son histoire se confond avec celle du royaume de Juda, quoiqu’elle garde sa propre individualité, comme on le voit en plus d’une mention spéciale et dans les listes d’hommes ou de villes qui la concernent. I Esdr., n ; II Esdr., vu ; xi, 31-35. Une porte de Jérusalem s’appelait « porte de Benjamin ». Jér., xx, 2 ; xxxvii, 12 ; xxxviii, 7. Voir Benjamin 5.

Après la captivité, les enfants de Benjamin furent les premiers, avec ceux de Juda, à reprendre le chemin de Jérusalem, pour rebâtir le temple. I Esdr., i, 5. Ils rentrèrent dans leurs anciennes possessions. II Esdr., xi, 31-35. La paix dont jouissait la ville sainte, sous le pontificat d’Onias III, fut troublée par un des leurs, un certain Simon, intendant du temple, qui, pour se venger du grand prêtre, provoqua l’entreprise sacrilège d’Héliodore. II Mach., iii, 4. Enfin la tribu qui avait déjà produit Mardochée et Esther, Esth., ii, 5 ; xi, 2, vit, aux derniers jours de son histoire, briller le plus illustre de ses enfants. Saul ou Paul, « de la tribu de Benjamin, » Phil., iii, 5, fit revivre le nom du premier roi d’Israël, et résuma dans sa personne les principaux traits du caractère benjamite, qu’il nous reste à examiner.

III. Caractère. — Jacob mourant, dans une bénédiction qui est en même temps une prophétie, nous a brièvement, mais énergiquement, tracé le portrait des fils de Benjamin, Gen., xlix, 27 :

Benjamin est un loup ravisseur ;

Le matin, il dévore sa proie ;

Le soir, il partage son butin.

Esprit guerrier, c’est-à-dire adresse, courage et obstination, tel est en somme le caractère de la tribu qui, bien qu’une des plus petites, compta néanmoins parmi les plus fortes. Et cependant comme ce caractère belliqueux contraste avec la figure pacifique du jeune fils de Jacob ! Dans ces défilés que nous avons décrits’, autrefois le repaire des bêtes sauvages, — vallée de Seboïm ou « des hyènes », terre de Suai ou « du chacal », I Reg., xiii, 17, 18, — elle devait rôder comme un loup, descendre dans les riches plaines des Philistins ou dans la vallée du Jourdain, et recueillir d’abondantes dépouilles. L’habile maniement de l’arc, l’exercice de la fronde, semblent avoir été cultivés presque exclusivement chez elle. I Reg., xx, 20, 36 ; II Reg., i, 22 ; I Par., viii, 40 ; xii, 2 ; II Par., xvii, 17. Dans certains combats, elle mit en ligne « sept cents hommes très vaillants, combattant de la main gauche comme de la droite, et si adroits à lancer des pierres avec la fronde, qu’ils auraient pu même frapper un cheveu, sans que la pierre qu’ils auraient lancée se fût tant soit peu détournée de part ou d’autre ». Jud., xx, 16. Manier le glaive avec la même dextérité des deux mains était un talent des plus utiles pour un soldat ; manier la fronde de la main gauche n’était pas un moindre avantage, car on pouvait ainsi frapper l’ennemi à son flanc droit, habituellement découvert. L’énergie guerrière de la tribu se manifeste dans plu-