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ABIA

la grande similitude de quelques lettres hébraïques ; car les Hébreux, comme les Grecs, exprimaient les nombres par les lettres de l’alphabet.

Or, avec son armée, quel qu’en ait été le nombre, Abia vint prendre position sur le mont Séméron (hébreu : Ṣemârayîm), dont la position est douteuse (voir Séméron), mais qui était certainement en Éphraïm. II Par., xiii, 4. Suivant un usage commun à cette époque, le roi de Juda, avant d’engager la bataille, harangua son ennemi. Le discours est élevé et si religieux, que la critique moderne a voulu y voir une contradiction avec ce qui est dit, III Reg., xv, 3, de l’impiété d’Abia. En effet, il déclare n’engager le combat que pour soutenir ses droits inaliénables sur le royaume d’Israël. Jéhovah, dit-il, a donné pour toujours (hébreu : par le pacte du sel, c’est-à-dire d’une manière irrévocable, voir Sel) la royauté en Israël à David et à ses fils. Il a confiance en son droit, qui est le droit de Dieu. Aussi bien les dix tribus se sont adonnées à l’idolâtrie, substituant le culte des veaux d’or à celui de Jéhovah ; elles ont chassé les prêtres et les lévites, elles commettent tous les jours l’iniquité ; tandis que lui, roi de Juda, a gardé le principe constitutif de la monarchie chez les Hébreux, qui est d'être une théocratie dans laquelle le roi est le ministre de Dieu. Il le proclame : le Seigneur (hébreu : hâ’élohim, avec l’article) est le chef de l’armée de Juda ; qu’Israël redoute donc de se lever contre sa puissance. II Par., xiii, 4. Comme on le voit, ce passage n’est point inconciliable avec III Reg., xv, 3. Abia y montre seulement que sa doctrine vaut mieux que sa conduite. S’il se vante ici d’avoir fidèlement gardé le culte de Dieu, le passage du troisième livre des Rois ne dit pas qu’il ait lui-même pratiqué l’idolâtrie ; il a pu pécher seulement en la tolérant.

Pendant ce discours, Jéroboam avait tourné la montagne avec quelques bataillons, et l’armée d’Abia allait être enveloppée par ses ennemis. Le roi sentit le danger, fit sonner les trompettes sacerdotales ; les guerriers poussèrent leur cri de guerre, et soudain Dieu jeta l'épouvante dans les rangs d’Israël. Dans cette confusion, Abia n’eut qu'à lancer son armée en bon ordre ; il s’ensuivit un immense carnage : 500 000 Israélites hors de combat, dit le texte. Abia, poursuivant sa marche, s’empara des villes de Béthel, Jésana et Éphron, avec leurs dépendances. C’est alors sans doute qu’Abia, rempli de gratitude, fit le vœu dont il est question vaguement au troisième livre des Rois, xv, 15, et qui avait probablement pour objet de consacrer au Seigneur le butin fait sur Jéroboam. II Par., xiii, 16-19. La mort empêcha Abia d’accomplir lui-même cette pieuse promesse, que son fils Asa se fit un devoir d’exécuter en son nom. III Reg., xv, 15.

C’est tout ce que l'Écriture nous apprend de ce roi, renvoyant pour le reste à des livres perdus : le livre des Annales des rois de Juda (Dibrê hayyâmîm), III Reg., xv, 7, et le livre (Midraš) du prophète Addo, II Par., xiii, 22. L'égyptologie, qui fournit un si précieux document sur Roboam et ses relations avec Sésac, et l’assyriologie, qui en donne de si intéressants pour les règnes de plusieurs rois de Juda, sont restées muettes sur Abia, qui d’ailleurs ne paraît avoir eu aucune relation politique de quelque importance avec les souverains étrangers. Sans sa victoire sur Jéroboam, ce roi serait demeuré bien effacé dans l’histoire de Juda. Cet épisode a révélé en lui un caractère droit, élevé, énergique même, et capable de grandes choses, si son éducation et son temps n’avaient empêché l'épanouissement de ces précieuses qualités.

P. Renard.

6. ABIA (hébreu : 'Abiyâh ; Septante : Ἀϐιά), fils de Jéroboam Ier, roi d’Israël (975-954), n’apparaît dans la Bible que pour justifier la parole du Saint-Esprit : que Dieu se venge sur les enfants des iniquités de leurs pères. Jer., xxxii, 18. Quand Jéroboam eut mis le comble à son apostasie en établissant le culte des veaux d’or, le moment du Seigneur arriva : Abia tomba malade. III Reg., xiv, 1. Quelle était sa maladie ? La Sainte Écriture n’en dit rien, mais il est manifeste qu’elle était surnaturelle dans son origine comme elle le fut dans son dénouement. Elle arrive au moment voulu par Dieu, dure ce que Dieu veut, se termine par la mort à l’heure marquée par Dieu. On employa sûrement, pour la combattre, toutes les ressources qu’offrait la science médicale d’alors ; mais en même temps Jéroboam se souvint que naguère, quand il exerçait à la cour de Salomon la fonction de percepteur des tributs, il avait rencontré un prophète de Silo, nommé Ahia, qui lui avait prédit l’heureux événement de son élévation à la royauté. Superstitieux autant qu’il était impie, il conçut le dessein d’obtenir par ruse, du même voyant, une réponse favorable à la guérison d’Abia. Car, pensait-il, si le prophète savait qu’on vient le consulter pour le fils du roi d’Israël, il se garderait de prédire son retour à la santé. D’après ce singulier calcul, Jéroboam fit travestir sa propre épouse et l’envoya à Silo consulter Ahia, sans dire ni qui elle était, ni pour qui elle venait. La santé du malade devait d’ailleurs, dans le plan de Jéroboam, être achetée par des présents offerts au voyant ; mais comme la prudence exigeait que la messagère, vêtue comme une pauvre, ne présentât que des dons modestes, elle offrit dix pains, un vase de miel et un gâteau commun (hébreu : niqqudîm, de nâqad, qui signifie « marquer de petits points », ce qui donne lieu de penser que ces gâteaux étaient troués, ou marqués d’une sorte de pointillé difficile à spécifier. Les Septante ont traduit par ϰολλυρίς, « gâteau ordinaire »). Les prophètes, conduits en cela par l’inspiration d’en haut, accueillaient volontiers ces solliciteurs, et y répondaient soit en prédisant l’issue de la maladie, soit en indiquant le remède au mal. III Reg., xiii, 6 ; xvii, 17 ; IV Reg., i, 4 ; xx, 7 ; Is., xxxviii, 21. Nous voyons, II Par., xvi, 2, Asa blâmé par l'écrivain sacré, parce qu’il avait cherché le secours des médecins au lieu de recourir à Dieu. Le rationalisme, pour échapper au miracle, a voulu voir dans les indications des voyants des procédés ou moyens purement naturels ; mais aucune explication n’est plausible en dehors de la vertu surnaturelle qui était dans les prophètes, ou dont ils étaient les dispensateurs. La chose est manifeste pour le cas d’Abia. Le prophète, presque aveugle, est éclairé d’en haut sur la qualité de celle qui l’interroge, comme aussi sur la cause de la maladie et son issue. Il prédit de la part de Dieu qu’en punition des crimes de Jéroboam, la famille du roi disparaîtra ignominieusement, et que dès ce jour Abia mourra. Le moment de sa mort est déterminé : il expirera au moment où sa mère mettra le pied sur le seuil du palais de Jéroboam, III Reg., xiv, 17 ; le v. 12 porte : « quand elle entrera dans la ville. » Toutes choses qui s’accomplissent à la lettre et en dehors de toute prévision humaine. C’est à Thersa (grec : Σαριρά) qu’Abia mourut. Cette ville était une des grandes cités d’Israël. Voir Thersa. Abia y reçut la sépulture au milieu des lamentations du peuple, dont il était aimé à cause de son bon naturel. Son âge n’est pas indiqué dans la Bible. III Reg., xiv, 12. Il faut remarquer que tout le passage qui contient cet épisode, III Reg., xiv, 1-20, fait défaut dans le Textus receptus des Septante ; dans le Codex Alexandrinus, il est inséré au chapitre xi du même livre, après le verset 24. Tous les manuscrits du texte hébreu le contiennent à la place qu’il occupe dans la Vulgate. Il n’y a donc aucune raison de mettre en doute son authenticité.

P. Renard.

7. ABIA, un des descendants d'Ëléazar, fils d’Aaron ; il se trouva chef de la huitième des vingt-quatre classes ou familles sacerdotales, lorsque David les établit. I Par., xxiv, 10. Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, était de la famille d’Abia. Luc, i, 5.

8. ABIA, un des prêtres qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 1,