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BARUCH

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censés alexandrins, 0. Fritzsche, qui a trouvé cette preuve, n’en cite que trois : iii, 23 ((luSôXo’yoi) ; iii, 24 (4 ofxoç toO 6soû = l’univers) ; iv, 7 (gaipiôvia = idoles). Un de ces trois mots, le second, est biblique, car on le voit déjà Gen., xxviii, 17 ; les deux autres sont très probablement du traducteur, qui, imitant en cela les Septante, a rendu en style grec l’idée plutôt que le terme hébreu. Knabenbauer, Comment, m Danielem, p. 444. Il n’y a donc aucune bonne raison pour s’écarter du sentiment commun et croire avec quelques rationalistes, contredits d’ailleurs par d’autres, que le livre est formé de deux ou trois écrits juxtaposés.

IV. Auteur du livre. — Il n’est pas douteux que Baruch ne soit cet auteur. Il n’aurait fait, dit-on, qu’  « écrire », i, 1, ce que dictait Jérémie ; mais c’est faux. Il a composé lui-même son livre. On le prouve par la tradition tout entière, qui n’a jamais varié. On peut aussi le prouver par le livre lui-même. On y lit, i, 1 : « Ces paroles sont celles du livre qu’écrivit Baruch. » On doit croire à cette assertion, à moins qu’elle ne soit montrée fausse. Or tant s’en faut qu’elle soit fausse, que tout, au contraire, en établit la vérité. Les données du livre coïncident, en effet, avec ce que l’on sait par ailleurs de Baruch et des temps où il vécut. Comme disciple et scribe de Jérémie, il doit a priori imiter le mode de penser, le style et les procédés de son maître. C’est ce qui a lieu. Les grands traits de son livre : — que Dieu punit justement les Juifs coupables ; qu’ils ont violé ses préceptes dès l’origine, malgré les avertissements des propriétés ; que Dieu, qui veille, a amené sur eux les maux dont ils souffrent ; qu’ils ne doivent pas, malgré cela, désespérer, car un temps de restauration et de gloire va venir, — sont aussi la trame des prophéties de Jérémie. Quelques-unes de ses expressions, les caractères de son hébreu, autant qu’on en peut juger par une version, rappellent Jérémie. Il n’y a pas jusqu’à ses citations d’écrivains sacrés, Moïse, Isaïe, qui ne fassent souvenir de Jérémie, si coutumier de ce fait. Puis, tout ce que dit le livre, de la date où il fut écrit, de l’incendie de la ville et du temple, i, 1, 2, des vases d’argent faits par Sédécias, 1, 8 ; des prières pour Nabuchodonosor et son fils, car dans la paix de leur régne est la paix des exilés, I, 11, 12 ; Jer., xxix, 7 ; des péchés commis, de l’exil encouru par eux et qui sera très long, i, 12 ; Jer., xxix, 10, etc. : tout cela fait penser au début de l’exil ; c’est l’expression de sentiments éprouvés par l’auteur. Le livre en lui-même est donc une preuve, sinon péremptoire, du moins très probable, de la vérité de l’attribution dont il s’agit.

Les rationalistes, en général, ne sont pas de cet avis. Ils croient que ce livre n’est ni de Baruch ni de son temps, car il contient des erreurs et des invraisemblances qu’on ne s’explique pas autrement. Il y est dit que Baruch a lu son livre à Babylone, qu’il l’a lu devant Jéchonias (i, 3), ce qui ne saurait être, car, à cette date, Baruch était en Egypte, et Jéchonias vivait dans une étroite prison ; — qu’il doit remporter les vases d’argent faits par Sédécias (i, 8) : ces vases, qu’avait pillés le Chaldéen, ne sont mentionnés nulle part ; — qu’il remettra au grand prêtre Joakim de quoi offrir des sacrifices sur l’autel, dans le temple (i, 10) ; mais il n’y avait plus ni autel ni temple, et le grand prêtre d’alors, Josédek, était en exil ; — que le peuple épargné et resté en Judée priera pour Nabuchodonosor et pour son fils Baltassar (i, 11), ce qui est une invraisemblance : on ne prie pas pour ses tyrans, et une erreur : le fils de Nabuchodonosor était Évilmérodach et non Baltassar ; — que le peuple exilé et captif a vieilli (iitoCkoutâ^i ; ) en terre étrangère (m, 10), ce qui est faux, puisque la plupart n’étaient à Babel que depuis cinq ans. Enfin, ajoute-t-on, ce livre porte des traces certaines d’emprunts faits à Daniel et à Néhémie, ce qui en abaisse la date après eux et en enlève la composition à Baruch. — Tout cela est spécieux, mais cependant sans valeur. En effet, rien ne s’oppose à ce que Baruch, qui vivait avec Jérémie,

soit allé d’Egypte à Babylone, la cinquième année de l’exil, et qu’il y ait lu le livre en question. Il a très bien pu le lire’aussi devant Jéchonias, car ce roi, qui s’était rendu volontairement aux Chaldéens, paraît avoir joui en exil d’une certaine liberté, si bien que plus tard il put même s’asseoir à la table royale. IV Reg., xxv, 27-30. Nulle part ailleurs, c’est vrai, il n’est question des vases de Sédécias ; mais qu’importe ? le fait est des plus croyables, et en outre il est attesté ici. Puis, s’il est parlé de sacrifices à offrir au temple, ce n’est pas à dire que celui-ci fût encore debout : l’emplacement, les gros murs épargnés par le feu, une certaine et hâtive construction ou réparation, peuvent bien être appelés la maison de Dieu ; Jérémie, xii, 5, atteste du reste que les Sichémites y ont offert des présents, en hébreu, minhah, le même mot que dans notre texte. De plus, Joakim, à qui ces offrandes sont adressées, n’est pas traité de grand prêtre ; il est appelé simplement prêtre (ô îepeùç), sans doute le chef des lévites assemblés et vivant autour des ruines ; mettons qu’il était peut-être un vice-grand prêtre. Que s’il est dit ensuite que l’on priera pour les rois babyloniens, il n’y a rien en cela que de naturel ; car Jérémie dit absolument la même chose, quoique la captivité fût encore loin, et elle devait durer longtemps. Quant à Baltassar donné comme étant fils du conquérant babylonien, c’est une assertion de notre auteur, et je crois qu’on ne peut s’en écarter sans raison. Connaît-on bien par le détail toute l’histoire de ces temps ? Il y a quelque dix ans à peine que l’on ignorait l’existence d’un frère plus jeune de Nabuchodonosor, nommé Nabusulisia. Qui oserait nier décidément que le grand roi n’ait eu un fils du nom de Baltassar, mort avant lui et ayant laissé ses droits à Évilmérodach son frère ? N’insistons pas sur la difficulté faite avec le grec 17taXai(66ï) ;  : tout hébraïsant sait que les Septante rendent par là le verbe bdlâh, qui signifie « être flétri », sans annotation de durée. — Enfin l’imitation de Daniel, qui se voit, dit-on, dans la première partie du livre, n’est rien moins que constatée. Baruch et Daniel se ressemblent, c’est très vrai. Mais lequel des deux a imité ou copié l’autre ? Les deux textes collationnés ne permettent pas de trancher la question. Nous croyons que c’est Daniel, parce que la prière de Baruch a été lue très certainement en Israël dès la captivité, et qu’elle a continué de l’être plus tard, de sorte que Daniel, lecteur assidu de Jérémie, l’aura connue et s’en sera inspiré. Les rationalistes en définitive sont donc mal venus à rejeter pour cela l’authenticité du livre. Il est certainement de Baruch. Cornely, Introduct., ii, 2, p. 420 et suiv. ; Knabenbauer, Daniel, Baruch, p. 436 et suiv.

Du reste, assez unanimes pour nier, ils se divisent étrangement s’il s’agit de fixer la date et de nommer l’auteur : ils ont là-dessus les hypothèses les plus personnelles ; les uns en font une œuvre indivise ; d’autres y voient la réunion de deux ou trois écrits ayant chacun son auteur, auteurs d’ailleurs inconnus. La date du livre varie presque avec chaque critique : Dillmann l’attribue au IVe siècle ; Grûneberg, au temps des deux premiers Ptolémées ; Hàvernick, au temps des Machabées. H. Ewald discerne deux écrits, qu’il place, le premier, à la fin de la domination persane, l’autre, vers l’an 320. Mais ailleurs il exprime une opinion différente. E. Reuss date le premier écrit des Ptolémées, et renvoie l’autre après les guerres machabéennes. Plusieurs enfin rejettent le tout après l’an 70. J. Kneucker, qui a beaucoup étudié ce livre, est de ce nombre. Il met d’abord en doute l’historicité ttSfe récit (i, 1-14) ; bien à tort, nous l’avons vu. Puis il rapporte en détail tout le livre à la ruine de Jérusalem par Titus, en l’an 70. Le prouve-t-il ? Très certainement non. Impossible d’admettre son système. En deux mots, il croit trouver, dans le livre, la ville et le temple incendiés, détruits par Vespasien et Titus ; les Juifs tués pu vendus comme esclaves, servant de gladiateurs aux jeux du cirque, appliqués à la construction de l’amphithéâtre fia-