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BARNABE — BARNABE (ÉPITRE DE SAINT)

diverses de persécutions et de succès. À Lystres, on les prend pour des dieux, et comme c’est Jupiter qu’on voit dans Barnabe, les exégètes se sont hâtés d’en conclure que, par sa taille, sa physionomie, sa majesté, il devait être supérieur à son collègue. Revenu à Antioche après cette première mission, il y prêche avec Paul, et se trouve mêlé à la grave discussion soulevée par des chrétiens hiérosolymitains sur la nécessité de la circoncision. Act., xv, 2. Aussi fait-il partie de l’ambassade envoyée à Jérusalem à cette occasion. Son influence dut même être grande dans la conduite du débat, car il était très estimé de tous. Heureux d’avoir fait prévaloir ses principes, qui étaient ceux de Paul, Gal., ii, 9, il revint avec celui-ci et quelques délégués de l’Église de Jérusalem à Antioche, où, pour quelque temps encore, il reprit ses prédications dans la métropole de la Syrie. Act., xv, 35. Quand il fut question d’entreprendre un second voyage apostolique parmi les Gentils, Barnabe se déclara prêt à suivre encore Paul dans cette nouvelle campagne. Toutefois il voulut absolument emmener avec lui Marc, son neveu ou son cousin, qui, après les avoir suivis dans leur première expédition en Chypre, les avait subitement délaissés en Pamphylie. Paul se refusa impitoyablement à reprendre cet ancien compagnon, coupable d’une défaillance au début de leur apostolat. Barnabe, par un sentiment de miséricorde qui était la note dominante de son âme, et aussi en raison des liens de parenté qui l’attachaient à Marc, préféra se séparer de Paul que renoncer à ce jeune et intéressant ouvrier de l’Évangile. Avec celui-ci, il se dirigea vers l’Ile de Chypre, tandis que Paul, s’adjoignant Silas, allait vers le nord par la Cilicie. Act., xv, 36-41.

A partir de ce moment, nous manquons d’indications suivies sur le compte de Barnabe. Dans sa première épître aux Corinthiens, îx, 5-6, saint Paul observe que, comme lui, ce compagnon de ses premiers travaux apostoliques n’était pas marié. Dans celle aux Galates, en dehors de ce que nous avons déjà dit, il signale l’attitude trop complaisante de Barnabe aussi bien que de Pierre pour les judaïsants d’Antioche. Gal., Il, 13. Il les blâme tous les deux, sans nous autoriser cependant à croire que les dissentiments les divisant sur des questions de discipline ou de la vie pratique aient réellement altéré les relations de charité qui devaient unir leurs âmes d’apôtres. Ces réprimandes publiques étaient l’expression franche et loyale de la vivacité de leurs convictions, mais non le cri de leur orgueil ou de leurs rancunes. Ainsi voyons-nous que Paul, après s’être séparé de Barnabe plutôt que de ne pas infliger à Marc une leçon méritée par sa défaillance, reprend plus tard Marc pour son compagnon, sans doute quand Barnabe était déjà mort ou du moins avait renoncé aux courses apostoliques. Col., iv, 10 ; Phil., 24. À une date plus reculée encore, II Tim., iv, 11, il reconnaît hautement les services que lui a rendus cet auxiliaire, et il prie Timothée de le lui amener à Rome. Chez Marc, ilTetrouvait sans doute, sur ses vieux jours, les sympathiques souvenirs de Barnabe, cet ami de sa jeunesse.

Quant à Barnabe lui-même, l’histoire apostolique ne nous en dit plus rien. La légende tardive a essayé de combler cette lacune. Un écrit, probablement du ve siècle, intitulé Les actes et le martyre de Barnabe en Chypre, et se donnant comme l’œuvre de Jean Marc, raconte la seconde mission et la mort glorieuse du saint dans cette île. Acta sanctorwm, junii t. iii, p. 420. Il n’est pas improbable que Barnabe soit mort avant l’an 60, et peut-être le faussaire appuyait-il son récit sur des traditions sérieuses, qui s’étaient Conservées dans l’île de Chypre, où le livre fit son apparition. Un moine cypriote, Alexandre, plus panégyriste qu’historien, et Théodore de Constantinople, dit le Lecteur, ont réédité plus tard ces récits apocryphes, ne supprimant qu’en partie les fables et les extravagances qui lui enlèvent tout crédit. Acta sanctorum, junii t. iii, p. 436. Eux-mêmes ne craignent

pas de s’y mettre en contradiction avec le livre des Actes, D’après Alexandre, Barnabe, dès sa venue de Jérusalem à Antioche, serait allé prêcher à Rome et à Alexandrie avant de se rendre à Tarse pour s’associer Paul, qu’il avait connu et apprécié à l’école de Gamaliel. lis supposent que Barnabe avait vu la guérison miraculeuse du paralytique de trente-huit ans, et dès lors s’était attaché à Jésus, le mettant en relations avec sa sœur ou sa tante Marie, mère de Jean Marc. Plus tard, il aurait été le premier choisi pour faire partie du groupe des soixante-dix disciples. Enfin, après avoir résumé ce qui est dit sur son compte au livre des Actes, Alexandre raconte comment il fut saisi par des Juifs venus de Syrie à Salamine, où il opérait de nombreuses conversions, lapidé et brûlé. Son tombeau aurait été miraculeusement retrouvé à un quart de lieue de cette ville, du temps de l’empereur Zenon (488). L’homme de Dieu avait encore sur sa poitrine l’Évangile de saint Matthieu, écrit de sa propre main. L’évêque de Salamine, Anthelme, à qui cette découverte fut très utile pour défendre les droits de l’Église de Chypre contre Pierre le Foulon, envoya le précieux manuscrit à l’empereur, et on y lisait solennellement à Constantinople les leçons du jeudi saint. C’est à cause de la découverte de ce manuscrit dans le tombeau de saint Barnabe que l’art chrétien le représente ordinairement avec un livre, parfois avec des flammes ou un bûcher, avec des pierres ou même nne croix, rarement avec une hache. Ch. Cahier, Caractéristiques des Saints, t. i, 1867, p. 52.

D’après les inscriptions consignées dans Alciat, et portant le nom de l’évêque Miracle, que Baronius suppose être celui de Milan, présent au concile de Rome en 313, Barnabe aurait évangélisé la Gaule cisalpine. Corpus Inscript, latin., lxvii, 15, t. v (1877), p. 623. Mais comment expliquer, si cette tradition avait été fondée, que saint Ambroise eût négligé de citer un si illustre prédécesseur sur le siège de Milan, quand il se déclare fièrement, Epist. xxi, Sermo cont. Auxent., 18, t. xvi, col. 1012, le défenseur de la foi que lui ont léguée comme-un dépôt Denys, Eustorge, Myrocle et ses glorieux prédécesseurs ? Plusieurs veulent que Barnabe ait prêché à Alexandrie. La raison principale en serait dans la lettre qui lui est attribuée, et dont l’origine alexandrine n’est pas douteuse ; mais cette lettre n’est pas de lui.

Voir W. Cave, Lives of the mosî eminent Fathers of the Church, Oxford, 1840, t. i, p. 90-105 ; Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. i, p. 408 et suiv. ; "W. J. Conybeare and J. S. Howson, The Life and Epistles of St. Paul, édit. de 1875, p. 85, 98, etc. ; L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 265 ; Braunsberger, , Der Apostel Barnabas, in-8°, Mayence, 1874 ; A. Lipsius, Die apokryphen Apostelgeschichten, t. ii, part, ii, p. 270-320 ; L. Duchesne, Saint Barnabe. Extrait des Mélanges G. B. de Rossi, Supplément aux Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’Ecole française de Rome, t. xii, 1892. E. Le Camus.

2. BARNABE (ÉPÎTRE DE SAINT). Il existe SOUS ce titre un écrit publié pour la première fois à Paris, en. grec et en latin, par Ménard et d’Achery en 1645, mais d’une manière incomplète. Le texte grec complet n’a été retrouvé qu’en 1859, par Tischendorf, dans le Codex Sirnaiticus, qui date du IVe siècle. Depuis, le métropolite Philothée Bryennios en a découvert un autre manuscrit complet (Codex Conslantinopolitanus), mais datant seulement de l’an 1056.

I. Clément d’Alexandrie est le premier auteur ecclésiastique qui cite nommément l’Épître de saint Barnabe, et il lui attribue une autorité apostolique. Strom., ii, 6, . 7, 18 ; v, 8, 10, etc., t. viii, col. 965, 969, 1021 ; t. rx, col. 81, 96. Origène fait de même, Deprinc, III, ii, 4 ? Cont. Cels., i, 63, t. xi, col. 309, 637. C’est probablement parce que cette lettre était regardée comme inspirée à. la fin du ne siècle et au commencement du me, dans.