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BAPTÊME

Christ, Act., xix, 1-5, à ceux qu’Apollon avait évangélisés. Il existe même encore aujourd’hui dans l’ancienne Mésopotamie et dans la Syrie méridionale une secte qui ne veut admettre que le baptême de saint Jean-Baptiste, et qui prétend suivre la religion prêchée par le précurseur. C’est la secte des Mandaïtes ou Chrétiens de saint Jean. Cette secte paraît être la même que la secte gnostique des Elcésaïtes, mentionnée par saint Épiphane, Hær. xix, 5, t. xli, col. 268, et par l’auteur des Philosophumena, ix, 13 ; x, 29, Patr. gr. t. xvi, col. 3387, 3442. Voir Corblet, Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 114-117.

III. Institution du baptême chrétien.

Le baptême chrétien n’est point le même que celui de saint Jean. Le précurseur lui-même avait dit : « Pour moi, je vous baptise dans l’eau ; mais il en viendra un autre après moi, qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de délier la courroie de ses chaussures. Lui vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu. » Luc, iii, 16 ; Matth., iii, 11 ; Marc, i, 8. Les Actes des Apôtres nous apprennent en outre que saint Paul donnait le baptême chrétien à ceux qui par ignorance n’avaient reçu que le baptême de pénitence de saint Jean. Act., xix, 4, 5.

Quel est l’auteur de ce baptême chrétien ? Sans aucun doute, c’est Jésus-Christ. À l’ablution par l’eau employée dans les purifications judaïques et dans le baptême du précurseur, il a ajouté l’invocation des trois personnes de l’adorable Trinité. Il a en outre fait de son baptême un sacrement de la Nouvelle Loi, en y attachant les effets que nous indiquerons plus loin.

En effet, après avoir reçu le baptême de saint Jean, Jésus manifesta à Nicodème la nécessité d’une régénération par son propre baptême, le baptême dans l’eau et le Saint-Esprit. Joa., iii, 1-8. Il fit ensuite administrer son baptême par ses disciples, à la grande joie de Jean, qui baptisait toujours et n’avait point encore été jeté en prison. Joa., iii, 22-36, et IV, 1, 2. Enfin, après sa résurrection, Jésus envoya ses disciples baptiser toutes les nations au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et cela jusqu’à la fin des temps. Matth., xxviii, 19 ; Marc, xvi, 15. C’est donc sans aucun doute Jésus-Christ lui-même qui a institué notre baptême. Mais, on n’est point d’accord sur le moment de cette institution. Saint Thomas, iii, q. 66, a. 2, le catéchisme du concile de Trente, § xx, et la plupart des théologiens pensent que Jésus-Christ institua notre sacrement de baptême, lorsqu’il reçut lui-même Je baptême dans le Jourdain, parce que c’est à ce moment qu’il mit dans l’eau du baptême la vertu de nous donner la vie surnaturelle, vertu qui fait le caractère essentiel du sacrement.

IV. Rites constitutifs du baptême.

Les théologiens distinguent dans les rites constitutifs des sacrements ce qu’ils appellent la matière (prochaine ou éloignée) et la forme. Nous n’avons pas à exposer ici leur théorie sur ce point. Disons seulement que, suivant la doctrine catholique, la matière employée pour le baptême (matière éloignée) est l’eau naturelle ; que l’application de cette matière (matière prochaine) est une ablution qui peut s’accomplir par trois modes différents : l’immersion, l’infusion, l’aspersion ; que la formule qui doit accompagner cette ablution (forme) consiste dans ces paroles : Je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Nous allons parcourir successivement ces trois éléments constitutifs du baptême et résoudre les difficultés scripturaires qui s’y rattachent. Nous ne dirons rien des cérémonies ajoutées par l’Eglise, parce que ces cérémonies ne sont point les rites constitutifs du sacrement.

La matière employée pour le baptême (matière éloignée) est l’eau naturelle.

Saint Jean baptisait dans l’eau du Jourdain. Les disciples de Jésus-Christ avaient également baptisé avec de l’eau, du vivant de leur Maître. Joa., iii, 22, 23. Quand il leur prescrivit de baptiser toutes les nations, il entendait donc parler d’un baptême d’eau.

Du reste, en exposant la nécessité de son baptême, il dit à Nicodème que c’est de l’eau et du Saint-Esprit qu’il faut renaître. Joa., iii, 5. Ajoutons qu’après la résurrection, les Apôtres ne baptisaient qu’avec de l’eau. Cela ne résulte pas seulement des textes nombreux de la tradition, mais des témoignages mêmes de la Sainte Écriture. Lorsque le Saint-Esprit fut descendu sur le centurion Corneille, Pierre s’écria : « Peut-on refuser l’eau du baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit comme nous ? » Act., x, 47. Un peu auparavant, l’eunuque de la reine Candace, qui cheminait avec le diacre Philippe et recevait ses instructions, ayant vu de l’eau, lui dit : « Voilà de l’eau ; qui empêche que je sois baptisé ? Et ils descendirent tous deux dans l’eau, et Philippe baptisa l’eunuque. » Act., viii, 36, 38. C’est donc avec de l’eau que doit se donner le baptême.

Comment donc entendre les textes des Évangiles où le baptême de Jésus-Christ est appelé « baptême dans le Saint-Esprit », Joa., iii, 5, et « baptême de feu » ? Matth., iii, 11 ; Luc, iii, 16. On en a proposé diverses explications. Voici celle qui est la plus communément adoptée. Le baptême de Jean, n’ayant point d’efficacité pour conférer la grâce sanctifiante directement et par lui-même, n’était qu’un baptême d’eau. Au contraire, le baptême de Jésus-Christ produit dans les âmes la grâce sanctifiante, et y fait habiter le Saint-Esprit, qui descendit sur les Apôtres sous la forme du feu, symbole de la charité. Par le baptême de Jésus-Christ, on renaît donc, suivant les paroles du Sauveur à Nicodème, de l’eau qui atteint le corps et du Saint-Esprit qui est répandu dans l’âme. Or, quand on compare le baptême de Jésus-Christ à celui de saint Jean, on est naturellement amené à caractériser chacun d’eux par ce qui lui est particulièrement propre, et on exprime ce qui leur est propre en déclarant que Jean baptisait dans l’eau, c’est-à-dire dans l’eau seule, tandis que Jésus-Christ devait baptiser dans le Saint-Esprit et le feu.

Voici une autre interprétation de ces textes qui n’exclut pas la première, mais la suppose. Les passages de la Sainte Écriture où il est parlé du baptême de Jésus-Christ peuvent presque tous se rapporter aussi à la confirmation, sacrement qui complète le baptême en nous rendant parfaits chrétiens et en nous donnant l’abondance des dons du Saint-Esprit. Cette union des deux sacrements dans les textes scripturaires ne doit pas nous surprendre, car les Apôtres donnaient ordinairement la confirmation aussitôt après le baptême ; cet usage s’est continué pendant de longs siècles dans l’Église latine, et il existe encore dans l’Église grecque. Mais alors même que nous ignorerions cette coutume antique, il nous suffirait d’examiner les paroles de l’Écriture qui se rapportent au sacrement de baptême, pour remarquer qu’elles contiennent des allusions au sacrement de confirmation. Nous laissons la parole à dom Janssens, qui a très bien mis ce point en lumière dans son excellent opuscule sur la Confirmation, Lille, 1888, p. 47 : « Voici d’abord la scène du Jourdain. Jean baptise dans l’eau, prêchant la pénitence et la venue du Christ. « Pour moi, s’écrie le précurseur dans son « admirable humilité, je vous baptise dans l’eau pour « vous porter à la pénitence ; mais un autre plus fort que « moi et dont je ne suis pas digne de porter la chaussure viendra ; c’est lui qui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. » Matth., iii, 11. Que signifie cette parole rapportée à la fois par saint Matthieu et saint Luc, iii, 6 : « Il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu, » sinon que le baptême du Sauveur trouve son parfait achèvement dans le baptême de feu ? Et ce baptême de feu, comment n’y pas voir la descente du Saint-Esprit sous la forme de langues de feu au jour de la Pentecôte, qui est le grand jour de la confirmation ? C’est dans ce sens que Notre-Seigneur, au moment de s’en aller à son Père, le jour même de son ascension glorieuse, dit à ses Apôtres dans son discours d’adieu, Act., i, 5 : « Jean vous a baptisés « dans l’eau, mais vous serez baptisés dans l’Esprit-Saint