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BALAAM


sa patrie, Num., xxii, 5, et Deut., xxiii, 4, selon l’hébreu, ( la Pitru des inscriptions cunéiformes), était située au confluent de l’Euphrate et du Sagur (lign. 38-40 de l’obélisque de Salmanasar). Voir Pethor.

I. Balaam est appelé par Baiac, roi de Moab. — Balaam passait pour un homme doué d’un pouvoir surhumain et capable d’opérer les plus grands prodiges : on attribuait une efficacité absolue à ses malédictions comme à ses bénédictions. Num., xxii, 6. Sa réputation s’étendait fort’loin, par delà les frontières de la Mésopotamie et jusqu’aux rivages de la mer Morte. Aussi Balac, roi de Moab, pensa- 1- il devoir recourir à lui lorsqu’il se crut menacé par les Israélites, déjà vainqueurs de Séhon, roi des Amorrhéens, et d’Og, roi de Basan. Il lui envoya une ambassade composée d’anciens de Moab et de Madian, Num., xxii, 7, pour le prier de venir maudire ce peuple, qu’il se sentait impuissant à repousser par la seule force des armes. Les anciens croyaient pouvoir triompher de leurs ennemis par la vertu de certaines formules de malédiction. Cf. Macrobe, Satura., iii, 9. Balaam ne voulut pas se rendre à cette invitation sans avoir consulté le Seigneur, la nuit suivante. On ne saurait dire si c’est Moïse qui met ici le nom’de Jéhovah sur les lèvres de Balaam, ou si .celui-ci entendit, en effet, consulter le vrai Dieu et non de fausses divinités ; cf. plus loin, § v, col. 1392, et § viii, col. 1398. Quoi qu’il en soit, ce fut Jéhovah qui, personnellement ou par l’intermédiaire d’un ange, vint vers Balaam, — l’Écriture ne dit pas de quelle manière, — et lui défendit de partir. Celte défense arrêta Balaam, et les envoyés de Balac revinrent seuls vers leur maître. Le roi de Moab ne se laissa pas décourager par l’insuccès de son ambassade ; il en fit partir une seconde, plus imposante que la première : les députés, plus nombreux, étaient aussi des personnages plus considérables, « des princes, » Num., xxii, 35 ; à la place du prix ordinaire de la divination apporté par les premiers, Num., xxii, 7, ils étaient chargés d’offrir à Balaam telle récompense qu’il voudrait. Num., xxii, 15-17. Le fils de Béor protesta bien que tout l’or du monde ne pourrait rien contre les ordres de Dieu, en réalité l’appât des richesses l’avait séduit ; au lieu de renvoyer les messagers sur-le-champ, puisqu’il connaissait la volonté de Dieu, il les fit rester pour attendre qu’il consultât encore le Seigneur pendant la nuit, selon 3a coutume. Dieu lui donna alors la permission de partir, mais à la condition de ne faire que ce qu’il lui commanderait. C’était lui interdire de maudire Israël, cf. Num., xxii, 12 ; mais, aveuglé par la cupidité, il s’autorisa de cette permission, extorquée par son importunité, dit Origène, Homil. xm in Num., t. XII, col. 674-675, pour aller agir contre la volonté de celui qui la lui donnait ; et il partit décidé à obtempérer aux désirs de Balac, comme le prouvent la colère de Dieu provoquée par son départ (Num., xxii, 22, selon l’hébreu) et la réprimande de l’ange, ꝟ. 32.

II. L’anesse de Balaam. — Son colloque avec son maître. — Le Seigneur fit sentir sans retard cette colère à Balaam par un des plus merveilleux prodiges dont la Bible nous ait conservé le souvenir. Un ange se tint, une épée nue à la main, dans le chemin par où Balaam, monté sur son ânesse, passait avec deux de ses serviteurs. A la vue de l’ange, l’animal s’effraya, et il s’en alla à travers champs, malgré les coups que lui donnait Balaam ; mais l’esprit céleste se transporta plus loin et vint l’attendre dans un chemin resserré entre deux murs de pierre qui bordaient les vignes ; l’anesse, en le voyant encore, se jeta contre un mur et meurtrit le pied de son maître, qui se mit de nouveau à la frapper. Enfin l’ange se plaça dans un défilé où l’espace manquait pour s’écarter à droite ou à gauche, et cette fois l’anesse s’abattit. Balaam la frappa plus fort que jamais, c Et le Seigneur ouvrit la bouche de l’anesse et elle parla : Que t’ai-je Fait ? Pourquoi m’as-tu frappée déjà trois fois ? Et Balaam répondit : C’est parce que tu l’as mérité et que tu t’es

moquée de moi ; que n’ai-je une êpde pour te tuer 1 L’anesse lui dit : Ne suisje pas ta bête, sur laquelle tu as toujours eu coutume de monter jusqu’à ce jour ? Dismoi si je t’ai jamais fait quelque chose de pareil. Et il dit : Jamais. » Num., xxii, 28-30.

Ce récit a donné lieu à des objections de tout genre. Les uns l’ont rejeté comme inacceptable ; mais, dès lors qu’on admet le surnaturel et le miracle, pourquoi refuser de croire que Dieu a employé ce moyen pour forcer Balaam à exécuter ses volontés ? D’autres ont supposé que ce passage est interpolé, sans toutefois en apporter d’autre preuve que son caractère extraordinaire. Il en est qui admettent l’authenticité du texte, mais dénaturent le fait raconté, dans lequel ils veulent voir un mythe, une allégorie, une fiction poétique ou bien un songe. D’après ces derniers, tout se serait passé en vision, soit sur le chemin, soit peut-être même dans la maison de Balaam et avant son départ. De telles interprétations sont en contradiction avec le sens naturel du texte, qui porte toutes les marques d’un récit historique. Cf. II Petr., ii, 15-16.

III. L’ange du Seigneur et Balaam. — L’amour de l’argent avait aveuglé Balaam au point de l’empêcher de voir la main de Dieu dans ce qui se passait ; l’ange dut lui ouvrir les yeux comme il avait ouvert les yeux de l’anesse, et se dévoiler à ses regards. À la vue de l’ange et de l’épée qui brillait dans sa main, il se prosterna le front dans la poussière. L’envoyé de Dieu lui déclara qu’il était venu pour s’opposer à son voyage, à cause des mauvaises intentions qui le lui avaient fait entreprendre, et pour être son adversaire. L’ange ajouta qu’il l’aurait tué, si l’anesse ne se fût détournée. Balaam confessa ouvertement sa faute à celui qui l’avait déjà lue dans le secret de son cœur, et se déclara prêt à retourner sur ses pas ; mais l’ange lui ordonna, au contraire, de continuer son chemin avec les princes de Moab, et il joignit à cet ordre la défense de prophétiser autre chose que ce qui lui serait prescrit : la langue de Balaam va désormais ne se mouvoir que selon la volonté de celui qui a fait mouvoir la langue de sa monture. Num., xxii, 31-35, 38 ; xxrn, 12, -20, etc. Cf. Jos., xxiv, 9.

IV. Balaam auprès de Balac. — Aussitôt que Balac apprit l’arrivée de Balaam, il s’avança à sa rencontre jusqu’à une ville « située sur les dernières limites de l’Arnon i> ( Ar - Moab, d’après les commentateurs modernes) f d’où il l’amena ensuite dans une autre « ville à l’extrémité de son royaume » (hébreu : dans la ville de ffiiçôf), dont on n’a pu établir le site avec certitude. Num., xxii, 36, 39. Balaam paraissait être toujours dans les dispositions où l’avaient mis les événements accomplis pendant son voyage : « Pourrais-je dire autre chose que ce que Dieu me mettra dans la bouche ? » Num., xxii, 38, dit-il au roi, qui lui reprochait son retard à venir, et lui parlait de la récompense à attendre. Le lendemain de son arrivée, Balac le conduisit dès le matin sur les hauteurs de Baal (hébreu : Bâmôt-Bâ’al), au nord de Dibon, afin qu’il pût voir de là l’extrémité du camp des Israélites et les maudire. Num., xxii, 41.

V. La prophétie de Balaam. — C’est sur cette montagne que Balaam commença de prononcer cette prophétie touchant les glorieuses destinées d’Israël qui a rendu son nom si célèbre. Elle se compose de quatre oracles, encadrés dans autant de récits dont l’agencement, sauf pour le dernier, est identique : d’abord les préparatifs, consistant dans le choix du lieu, l’offrande d’un sacrifice et la consultation de Dieu, omise cependant avant le troisième oracle ; ensuite l’oracle proprement dit ; enfin un dialogue entre Balac et Balaam. Ces. oracles sont quatre petits poèmes admirables par la construction de la période poétique, la force et la concision du style, l’éclat et la variété des images, l’élévation et lamagnificence de la pensée.

1° Premier oracle. — Balaam fit dresser par Balac sept autels, et ils mirent ensemble un veau et un bélier sur